Article initialement publié sur Medium
La présence de la French Tech est certes imposante, mais surtout utile. Elle pourrait être encore plus efficace en adoptant une organisation thématique, et non régionale. Je ne reviendrai pas sur la course à la quantité et au fait de savoir quel pays ou quelle région à la plus grosse délégation. Le débat ne me semble pas se poser en ces termes.
La French Tech au CES : la quantité ne masque pas la qualité !
La question est de savoir si le nombre de startups nuit ou non à la qualité de la délégation nationale. Et franchement, la qualité des startups de la French Tech au CES était impressionnante. Pour avoir parcouru les allées de l’Eureka Park et les autres délégations nationales, j’ai été frappé de la qualité de la proposition de valeur des startups françaises.
A aucun moment je n’ai eu le sentiment que telle ou telle startup n’avait pas sa place à l’Eureka Park. Je ne dis pas que toutes les startups sont les prochains Google ou que certaines étaient présentes comme exposant de façon un peu trop prématurée. Mais en revanche, toutes les startups de la French Tech étaient légitimes, et l’image renvoyée par la French Tech était de qualité.
Cinq bonnes raisons pour les startups d’aller au CES
Prenons maintenant le sujet du point de vue de chacune des startups. Je fais donc partie de ceux qui s’interrogeaient depuis quelques années sur le bien-fondé pour une startup d’aller " perdre une semaine et dépenser de beaucoup d’argent ". C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de faire le voyage cette année. Mon métier consistant à accompagner et conseiller au mieux les startups, je devais me faire une idée précise sur le sujet.
Crédit : Facebook La French Tech
Évacuons d’abord le sujet du coût. Tout dépend évidemment du nombre de personnes qui feront le déplacement, du choix de votre hôtel, de vos vols, etc… Mais disons qu’il ressort des discussions avec les startups que pour moins de 5000€, sous réserve d’anticiper son déplacement, il est possible d’envisager une présence au CES sur l’un des stands cofinancés par les régions dans l’espace de la French Tech à Eureka Park. Donc, pour une startup qui a des ambitions internationales, le coût n’est pas un sujet.
Après cette semaine passée avec les startups, voici donc cinq bonnes raisons pour une startup d’aller au CES :
- Prendre la dimension des enjeux d'une déploiement international : on ne revient pas d’une semaine à Las Vegas et au CES comme on est partis. Pour les entrepreneurs qui ont une ambition internationale (ce qui n’est pas nécessairement une obligation), cette semaine est un véritable déclic. Les contacts avec les autres startups mondiales, avec les prospects et clients, la confrontation au marché américain, etc… sont autant d’éléments qui font comprendre le chemin à parcourir pour prendre le cap de l’international.
- Connaître ses concurrents : le CES est un remarquable point d’observation, qui permet de mieux connaître ses concurrents et pouvoir se positionner par rapport à eux. Comprendre les propositions de valeur, la façon dont ils présentent leur offre, les moyens dont ils disposent, etc…
- S’inspirer et comprendre où va le monde de demain : au-delà de sa concurrence directe, le CES permet de comprendre où va le monde de l’innovation. Les voitures autonomes, l’émergence des robots d’assistance, la réalité virtuelle, la blockchain, etc… Tous ces sujets sont bien présents au CES. Il me semble important pour tout entrepreneur de comprendre comment ils peuvent être des opportunités pour son activité.
- Prendre du recul : pris dans son quotidien, l’entrepreneur n’a jamais le temps de se poser et de prendre du recul sur son activité. Le CES, ou du moins les jours qui suivent, peuvent lui permettre de le faire.
- Créer des liens fort avec son écosystème : c’est un point essentiel, même s’il peut être étonnant de devoir venir à Las Vegas pour cela. Qu’il s’agisse de ses concurrents, des autres startups de sa région, des institutionnels qui accompagnent les délégations, voire même des clients, les relations qui se créent au CES valent tout l’or du monde. Toutes les startups vous diront que le CES leur a permis de rencontrer des prospects qu’elles n’arrivent pas à rencontrer en France : le CES est en premier lieu un accélérateur de business national ! Et puis, au fil des discussions, des apéros et des soirées, des liens particuliers se créent et permettront une meilleure coopération une fois de retour en France.
Pour conclure cette partie, je me demande comment me faire l’avocat du diable et décrier cette présence massive de la French Tech. Le seul argument qui me vient à l’esprit serait celui du coût pour les Régions qui participent de façon importante au financement de cette opération. Bien que n’ayant qu’une idée assez sommaire des budgets annuels dépensés par les régions pour le développement économique et l’innovation, il me semble pourtant que les budgets engagés ici sont parmi les plus utiles. Je connais bon nombre d’autres dépenses et subventions qui coûtent bien plus cher et sont beaucoup moins efficaces.
Comment faire encore mieux ? En regroupant les startups par pôles thématiques et non par régions
La France des 36 000 communes a laissé des traces. Heureusement que la compétence économique revient maintenant aux Régions, et que celles-ci ne sont plus que 13. Cela a permis de réduire d’autant le nombre de clochers.
La présence française dans l’Eureka Parc était imposante. Probablement un quart de la surface de ce gigantesque espace d’exposition. Mais au sein de cet espace, les startups étaient regroupées par Région, autour de l’espace central de Business France. Chaque Région ayant choisi sa propre organisation et cohérence (ou non) des stands des startups. Et au sein de chaque Région, la logique de répartition des startups ne m’a pas semblé évidente.
Comme d’habitude, partons du besoin du client, le visiteur du CES. J’ai rencontré deux types de visiteurs : les touristes et ceux qui cherchaient réellement des fournisseurs et partenaires potentiels.
- En ce qui concerne les touristes, cette organisation régionale convient parfaitement. On pourrait même leur rajouter un stand de présentation des atouts touristiques de chacune de nos régions, cela leur permettrait de mieux envisager leurs prochaines vacances. Mais pour les startups de la French Tech, ces personnes n’ont pas d’intérêt. Pire, elles leur font perdre du temps et de l’énergie (et il en faut de l’énergie pour tenir la semaine), au risque de rater de potentiels clients.
- Du point de vue des startups, ce qui compte, c’est de trouver des clients potentiels. Et la meilleure façon d’attirer les clients, c’est de se regrouper par thématique : les startups des objets connectés, de la santé, du retail, etc… Ainsi, un acheteur potentiel ira principalement visiter les espaces qui les intéressent, et la qualité des contacts créés sera bien meilleure. De plus, les startups d’un secteur d’activité apprendront à se connaître, ce qui ne peut également qu’être bénéfique. J’ai toujours entretenu d’excellents contacts avec mes " concurrents ", et cela a généré bien plus d’opportunités (coopérations, fusions…) que de concurrence.
Et puis, si l’on prend un peu de recul et que l’on regarde l’organisation globale des espaces d’exposition du CES, au-delà de l’Eureka Parc, c’est bien ainsi que les organisateurs ont agencé les espaces : les voitures autonomes dans le hall nord du Centre des Congrès, les robots et les drones au Hall 3, etc… Il n’y a que dans l’Eureka Parc dédié aux startups que c’est un tel méli-mélo.
On pourrait même aller jusqu’à espérer que les startups de chaque thématique puissent exposer à côté des grandes entreprises du secteur. Mais ça, contrairement au fait d’organiser des pôles thématiques au sein de la French Tech qui ne relève que de nous, cela relève de l’organisation générale. Donc changeons nous-même avant de nous attaquer au fait de faire changer la CTA !
Cela suppose aussi que Business France joue le jeu, en répartissant également les startups qu’il accompagne dans ces pôles thématiques.
Offrir aux régions une visibilité différente
Il est toutefois logique que les régions aient aussi besoin de trouver une visibilité dans cette opération. La présence des startups au CES ne serait pas possible sans la participation financière et le rôle de coordination de l’opération des régions. Mais au-delà du gain immédiat de visibilité, le véritable succès des régions ne viendra t’-il pas du fait d’avoir des startups qui se développent, qui signent des contrats et créent de l’emploi ? Je suis certain que les Présidents de régions comprennent cela.
Il faut donc trouver d’autres façons de valoriser les régions. Voici quelques propositions :
- En apposant sur chaque espace de startup un logo de la French Tech et le logo de sa région d’origine (à l’image ce qui a été fait sur les plaques minéralogiques avec les départements). Ceci permettrait d’avoir une signalétique French Tech commune, rappelant à la fois l’appartenance à le French Tech et à la Région d’appartenance.
- En organisant des événements régionaux, à l’image de la soirée organisée mercredi soir par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui a permis de rassembler startups, journalistes, investisseurs et partenaires.
- En ayant au centre de la présence française un stand commun qui permettrait de présenter les régions du point de vue de l’innovation.
En conclusion, la présence des startups de la French Tech en nombre était légitime et chaque startup qui a une vocation internationale doit se confronter à ce type d’événements.
Mais il serait possible d’aller encore plus loin si les Présidents de nos régions avaient l’audace de démanteler les clochers et d’optimiser les chances des startups françaises de trouver des clients, par une organisation thématique. Tout cela bien entendu en trouvant la façon de valoriser la participation régionale.