Le 1er mars, en déplacement en Seine-Saint-Denis, Emmanuel Macron a annoncé la création d’un nouveau dispositif à destination des jeunes : "1 jeune 1 mentor" , dans le cadre du plan "1 jeune 1 solution" . Le but ? "Soutenir les associations et entreprises dans le mentorat" , explique l'Elysée, qui voit en ce dispositif un "levier essentiel pour les jeunes" . Pour ce faire, le gouvernement a alloué un budget de 30 millions d’euros pour l’année 2021. Les objectifs affichés sont d’augmenter le nombre de "mentorés" de 25 000 à 100 000 fin 2021 et à 200 000 en 2022.
Mais ces chiffres font tiquer My Job Glasses, une startup de l’Edtech qui, depuis 2015, créer des liens de mentorat entre étudiants et professionnels pour aider les jeunes à mieux cheminer dans leur orientation. "Nous trouvons cette action pour le mentorat très encourageante, cela montre que le gouvernement a compris que la clé de l’accompagnement des jeunes était aussi dans cet entourage de professionnels pour les aider. Mais ils ne nous ont pas pris en compte dans leurs chiffres ni même fait appel à nos services, alors que nous sommes la principale EdTech française sur le créneau du mentorat !" , se désole Emilie Korchia, cofondatrice de la startup.
52 000 mentors inscrits sur leur plateforme
En effet, les chiffres du gouvernement, qui quantifient à 25 000 le nombre de mentoré·e·s actuellement, ne prennent pas en compte ceux de My Job Glasses. "Le gouvernement parle de 25 000 jeunes mentorés actuellement, et d’un objectif à 100 000 pour fin 2021… À elle seule, la plateforme My Job Glasses a suivi 100 000 mentorés en l'année dernière" , poursuit l’entrepreneuse.
Plusieurs facteurs expliquent cela. Parmi eux, ce qui se cache derrière la notion de "mentorat" . "Le gouvernement s’est appuyé sur une définition rigide et incorrecte : leur initiative ne comptabilise que les mentorats sur le long terme, ce qui s’apparente plutôt à du parrainage. Or, la définition du mentorat dans le Larousse ne parle pas de durée" , argue Emilie Korchia dont la startup proposent à la fois des accompagnements de court et de long terme.
La démarche gouvernementale pose également la question de l’engagement des professionnels dans cette démarche. "Sur les 52 000 professionnels présents sur notre plateforme - la plus grande communauté de mentors en Europe -, seuls 10% sont prêts à faire du parrainage et s’engager avec un jeune sur le long terme, car ce fonctionnement est trop rigide. Tous les autres sont prêts à donner du temps, mais ils ont besoin de plus de flexibilité" , martèle la cofondatrice de My Job Glasses.
Un argumentaire pour les mentorats de court terme qui avantage aussi les jeunes car "cela permet aux jeunes aussi d’être plus nombreux à pouvoir bénéficier de cette opportunité, mais aussi de découvrir différents métiers, fonctionnements, de s'ouvrir l’esprit en découvrant plusieurs expériences et peut-être faire un meilleur choix de carrière après" . La dirigeante appelle donc à s’ouvrir à un maximum de mentors possible, qu’il sera plus facile de convaincre si leur engagement leur permet de rester flexible. "L’idée est de surtout ne pas exclure les bonnes volontés" , résume-t-elle.
La startup reproche également à Emmanuel Macron l’annonce de la création d’un outil dédié de mise en relation entre professionnels et jeunes. "Pourquoi créer quelque chose qui existe déjà ? , s’offusque Emilie Korchia. Nous avons déjà développé cet outil après 5 ans de R&D et nous sommes prêts à leur tendre la main en mettant gratuitement notre service à disposition des différents acteurs du mentorat pour en faire la plateforme poussée par le gouvernement dans le cadre de l’initiative 1jeune1mentor" .
Une segmentation public-privé contre-productive
Si le gouvernement a, pour le moment, réuni uniquement des associations - dont Chemin d'avenir, l'AFEV, Article 1 ou encore Telemaque - dans le Collectif Mentorat pour faire avancer le projet, la cofondatrice de My Job Glasses déplore cette exclusion des entreprises privées dans le dispositif. "Il est dommage de se priver ce que peuvent aussi apporter les entreprises, qui peuvent aussi avoir un caractère très social. Il faut réunir toutes les initiatives, peu importe le statut de ceux qui veulent contribuer - Etat, associations, entreprises publiques ou privées - tant que ça aide les jeunes et que cela reste gratuit pour eux" , explique cette dernière, qui déplore une trop grande segmentation entre le public et le privé, contribuant à casser de potentielles synergies.
"On met en avant le Next40, mais pour que ça marche il faut aussi que, quand il y a une belle initiative, l’Etat la pousse et l’encourage" , conclut l’entrepreneuse. Après avoir manifesté leur frustration sur les réseaux sociaux, Emilie Korchia et son associé Frédéric Voyer ont été contactés par le gouvernement. Ils ont convenu de deux rendez-vous : au Ministère du Travail et un autre dans une semaine à l’Élysée. "On espère que les échanges seront constructifs et permettront d’organiser une action plus logique pour aller chercher tous ensemble 500 000 jeunes en 2022, et pas seulement 200 000" .