4 mars 2021
4 mars 2021
Temps de lecture : 6 minutes
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Avec Omie & Cie, Christian Jorge veut refaire le coup de Vestiaire Collective dans l'alimentaire

À l’origine du site de vente d’articles de luxe de seconde main Vestiaire Collective, Christian Jorge vient de co-fonder la startup Omie & Cie. À l’occasion d’un tour de table d’un millions d’euros, il explique capitaliser sur cette précédente expérience entrepreneuriale pour s’imposer dans le domaine de l’alimentation durable.
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Passer de l’univers de la mode à celui de l’alimentation… tout en gardant la responsabilité sociale et environnementale au cœur du projet. C’est le pari fait par Christian Jorge, qui a co-fondé fin 2009 le site de vente d’articles de luxe de seconde main Vestiaire Collective, qui vient de s'adosser au groupe de luxe Kering (Gucci, Balenciaga, etc.), en lançant la startup Omie & Cie. Fondée début 2021, cette dernière propose des produits alimentaires de base entièrement conçus en circuit-court. Elle annonce jeudi 4 mars une levée de fonds en amorçage d’un millions d’euros auprès de XAnge et de business angels – en majorité des entrepreneur·euse·s qui partagent la fibre vertueuse du projet, comme Thibault Lamarque (Castalie), Jean Moreau (Phenix) ou Elisabeth Laville (Utopies). Son but : investir dans la technologie afin d'aligner les tarifs sur la grande distribution.

115 produits référencés au démarrage

Car Christian Jorge a retenu les leçons de son expérience à la tête de Vestiaire Collective, au sein de laquelle il n’a plus de fonction exécutive dans l’entreprise depuis 3 ans mais reste actionnaire. Il s’agit d’un des moteurs de son nouveau projet. "J’ai tenu la barre pendant 10 ans, faisant passer le chiffre d’affaires de 0 à 200 millions d’euros, avance-t-il à Maddyness. Il est certain que le fait que je sache développer un produit numérique et que je connaisse l’e-commerce joue en ma faveur." Mettre à contribution sa connaissance des scaleups tout en restant fidèle à sa conviction personnelle en matière d’environnement, est la compétence sur laquelle s'appuie l’entrepreneur : "Omie & Cie est déjà labellisée BCorp. Ce n’est pas encore une société à mission, mais elle le deviendra dès lors qu’elle aura pris conscience de ce qu’elle est."

Son désir de faire émerger une entreprise dans la FoodTech, Christian Jorge le justifie par "la tension dans laquelle la grande distribution met les faiseurs" – comprendre les artisans, tels que les torréfacteurs,  fabricants de biscuits ou de confitures avec qui collabore Omie & Cie. L’ambition du dirigeant de la startup est de sortir un service "à l’intersection de Yuka et de C’est qui le patron" , qui proposent respectivement une application permettant d’obtenir les informations nutritionnelles de produits et une marque de denrées alimentaires pensée par les consommateurs eux-mêmes. Les client·e·s d’Omie & Cie sélectionnent les articles qui les intéressent parmi 115 références "maison" et sont livré·e·s dans le cadre d’une tournée réalisée par des livreur·euse·s, pour limiter les chassés-croisés et les émissions de CO2.

Être le plus transparent possible

L’ancienne directrice de l’offre produits de Franprix Coline Burland, qui a aussi développé la branche brésilienne de Casino, fait partie des trois associé·e·s de Christian Jorge. "Une force" , selon l’entrepreneur qui affirme vouloir "fabriquer des produits que l’on donnerait à manger à ses propres enfants" . Le fait de gérer une société dans le domaine alimentaire implique de répondre à des réglementations plus pointues que dans la mode. Notamment en matière de transparence autour de la composition des produits. "Au début de Vestiaire Collective, nous pouvions nous permettre de prendre quelques libertés, indique Christian Jorge. Il n’en va pas de même avec Omie & Cie, mais ce n’est pas un obstacle : le cœur du projet vise à faire la lumière sur la fabrication des produits et la rémunération des partenaires."

C’est notamment la raison pour laquelle l’entreprise propose, sur son application mobile, des fonctionnalités dédiées. Un graphique permet au consommateur de "savoir qui gagne quoi" – quel pourcentage du prix d’achat revient au producteur, au transformateur et à la startup. Un autre offre la possibilité de prendre connaissance de la composition du produit, dans un niveau de granularité allant "au-delà de ce qui est imposé par la réglementation" . Le cahier des charges, d’après Christian Jorge, a consisté en l’élaboration d’une offre "qui respecte la nature et les hommes, tout en affichant un prix raisonnable". La condition sine qua non pour valider le modèle économique, dont l’enjeu principal est de fédérer une large communauté d’utilisateur·rice·s. "Pratiquer des tarifs similaires à la grande distribution doit donner les moyens de favoriser des produits issus de l’agroécologie et la bioforesterie."

Étendre le service d'ici à 2 ans

Forte de sa levée en amorçage, Omie & Cie prévoit de recruter des développeur·euse·s. Son équipe, constituée de 12 personnes à date, s'attellera également à élargir la gamme de produits. "L’ambition est d’en proposer jusqu’à 500 d’ici à 2 ans pour couvrir l’ensemble des besoins alimentaires des foyers et s’imposer comme une alternative au supermarché" , soulève Christian Jorge. La startup ne prévoit pas de commercialiser des abonnements, préférant un service de livraison classique – dont le tarif est indiqué noir sur blanc lors du paiement. Si elle ne couvre, pour l’heure, que les agglomérations lilloise et parisienne, son objectif est d’opérer "très prochainement dans 5 ou 6 villes". "Nous cherchons à réduire la charge mentale des particuliers en permettant de se délester des courses. Notre solution doit pouvoir se brancher sur un Thermomix" , plaisante Christian Jorge, faisant référence au slogan du robot du groupe allemand Vorweck : "Il fait tout sauf les courses".

Ces dernières années, le dirigeant a multiplié les investissements dans des startups dites "à impact" – telles que Murfy ou Youzd. Une manière de fonctionner qui lui "correspond" et qui comble un manque qu’il a ressenti à l’époque de Vestiaire Collective. "L’aventure était extrêmement intéressante, mais nous n’avons jamais verbalisé le fait que le seconde main était bon pour la planète. Au moment de la crise de 2008, les particuliers avaient besoin de liquidités : c’est ce qui a motivé la création de l’entreprise" , détaille-t-il, précisant avoir "fait un travail de pèlerin" pour débusquer des investisseurs en phase avec Omie & Cie. À secteurs différents, acteurs différents… bien que le réseau qu’il a précédemment constitué en côtoyant Station F ou le Galion Project l’ait "aidé". Toujours est-il que Christian Jorge a "évidemment peur de ne pas faire aussi bien" qu’avec Vestiaire Collective : "Ce n’est pas gagné d’avance. Il faut beaucoup d’humilité et de résilience quand on repart à l’assaut."

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Légende photo :
Omie & Cie