Bien se préparer, repousser ses limites, surmonter ses peurs : lancer une société ressemble à l'ascension du Mont Blanc ! Pieter van der Does, cofondateur et CEO d’Adyen, dresse un parallèle entre ces deux "sports extrêmes".
Vous n’y arriverez pas seul et devrez souvent inventer vos propres règles. Lorsque j'ai commencé l'alpinisme, j’ai opté pour une dépose en hélicoptère au sommet de la montagne et je suis descendu en ski. L'expérience était exaltante et techniquement difficile, mais j’ai eu l’étrange sensation qu’il m’avait manqué quelque chose. Comme si j’avais triché et choisi la solution de facilité.
J'ai donc opté pour le véritable alpinisme et ai commencé à escalader des montagnes avec des amis, d'abord dans les Alpes suisses, puis dans les Shawangunks dans l’état de New York et Ben Nevis Caste Ridge en Écosse. À chaque ascension, j’ai ressenti un sentiment de liberté à la fois palpitant et stressant. Dans ma vie quotidienne, j’attache ma ceinture de sécurité en voiture et roule éclairé en vélo. En montagne, il n’y a aucune règle. Et pourtant, vous risquez constamment votre vie et peu de gens autour de vous peuvent vous aider.
La gestion d'une entreprise ne met pas la vie en danger mais cet environnement risqué et sans règle précise peut être tout aussi passionnant que décourageant. Si vous n’anticipez pas suffisamment, vous quittez la bonne route et êtes le seul responsable. Alpinisme et gestion d’entreprise exigent l’un et l’autre de la persévérance, mais lorsque vous faites face à un obstacle, qu’il s’agisse d’un col à surmonter ou d’un contrat majeur à remporter, la réussite est un sentiment extraordinaire. Ce sont quelques unes des leçons de mon passe-temps alpin qui ont alimenté mon expérience en tant que fondateur d’une startup.
Gardez les pieds sur terre. J'ai créé ma première entreprise, Bibit, par-dessus une infrastructure de paiement existante qui n'avait pas été mise à jour depuis les années 1970. Notre solution était comme une belle couche de peinture sur un intérieur en ruine. J'ai vite fait le parallèle entre cette approche et ma première expérience de l’alpinisme : nous dévalions la montagne en ski plutôt que de l'escalader ! Je me suis donc promis d’adopter la même réaction la prochaine fois que je déciderais de me lancer dans l’entrepreneuriat : partir de zéro et viser le sommet.
En 2006, deux associés et moi-même avons imaginé Adyen comme une toute nouvelle infrastructure de paiements, qui nous permettrait de mieux contrôler un plus grand nombre de transactions de paiements. Nous nous sommes avant tout concentrés sur la technologie, puis sur les ventes, en faisant grandir le projet de l'intérieur vers l'extérieur.
Faites de chaque grande décision, une décision d’équipe. L'alpinisme est une quête très personnelle, dans laquelle vous êtes livré à vous-même. Cependant, déterminer quand et comment se lancer dans une ascension ne doit jamais être une décision individuelle. Si l’un des alpinistes a de bonnes raisons de croire que la météo pourrait changer, cela doit impacter l’ensemble du groupe et aboutir à une décision commune.
L'équipe à l’origine de la création d’Adyen existe toujours aujourd'hui car nous avons conservé cette même culture collaborative et ouverte, malgré une croissance à un rythme effréné. Nous prenons très peu de décisions dictées par le niveau hiérarchique – quelle que soit l’interrogation, le problème à résoudre ou l’orientation à définir, nous nous regroupons et décidons en équipe.
Ne vous sous-estimez pas. En escalade, il existe une grande différence entre ce que vous pouvez accomplir physiquement et ce que vous pouvez accomplir mentalement. Pour concilier les deux, il faut du cran et une concentration singulière. De même, chez Adyen, nous savions que nos prospects cibles étaient de grandes entreprises, et non les petites. Au début, nous avons eu du mal à convaincre ces grandes organisations parce que nous étions nous-mêmes une petite entreprise, sans antécédent, sans référence. Mais jamais nous ne nous sommes détourné de cette cible, si difficile qu’elle soit à atteindre. Puis à force de persévérance, nous avons finalement réussi.
Privilégiez la prudence à la vitesse. Durant l’un de mes treks, j’ai eu la chance de croiser un célèbre alpiniste italien à qui j’ai demandé : "Selon toi, qu’est-ce qui détermine un bon grimpeur ?" Il m’a répondu : "Quelqu'un qui revient encore et encore". J'ai toujours essayé de garder cela à l'esprit en tant que dirigeant d’entreprise. Une bonne entreprise est celle qui survit. On parle toujours des entrepreneurs comme des preneurs de risques, c’est vrai mais ils sont aussi et surtout des atténuateurs de risques. Avec mon équipe, nous avons volontairement adopté une approche rigoureuse et méthodique pour prendre chaque décision majeure.
L'une des raisons qui m’a attiré vers l'alpinisme est la culture qui le caractérise. Ce sont des spectateurs qui voit le monde différemment des autres. C'est un sentiment que je recherche aussi chez mes employés - indépendants, talentueux, persévérants individuellement mais prêts à se rassembler pour un objectif commun. Après tout, pour moi ce sont le trajet et les relations humaines qui ont du sens - alors pourquoi se précipiter pour y arriver ? Que ce soit depuis le sommet d’une montagne ou au beau milieu de mes équipes pour célébrer une victoire, c'est l’ascension jusqu’à ce succès qui compte le plus.