À l’occasion de la 7e édition de Bastia Ville Digitale du 16 au 21 octobre, l’écosystème corse se révèle être en pleine émulation pour se structurer, se muscler et gagner en visibilité. Toute la communication visuelle rappelle les codes de la French Tech. Pourtant, il n’en est rien. Aucun label n’a été attribué sur ce territoire, aucun réseau thématique non plus. Mais avec un sanglier version origami pour emblème, les entrepreneurs corses veulent, eux aussi, être identifiés dans le tissu numérique français.
"Nous nous inspirons clairement de la French Tech sans pouvoir remplir les critères d’obtention. Notre tissu entrepreneurial et industriel est trop petit. Lorsque le label est né sur le continent, nous ne pouvions cocher aucune case ! Nous n’avons pas voulu rester sans rien faire. Donc, nous avons créé en 2015 le club Corsican Tech pour faire émerger et structurer notre écosystème"
Jean Leccia, à l’origine de l’initiative
Une quarantaine de startups composent aujourd’hui le club Corsican Tech. Dès 2006, la création de l’association Emaho a permis une sensibilisation au numérique pour tous. Deux événements à dimension entrepreneuriale en ont découlé et ont scellé les bases d’un écosystème : Ajaccio Quartiers Numériques et sa résidence d’accélération (en juin) et Bastia Ville Digitale, dont la 7e édition se déroule actuellement du 16 au 21 octobre. Au fil des ans, “Bastia Ville Digitale“ s’est étoffé de conférences, de retours d’expériences autour de chefs d’entreprise et de meet-ups, propice aux échanges. « Notre écosystème a la particularité de s’être mêlé avec le grand public dès sa structuration », constate Jean Leccia. Ainsi, dans les couloirs et dans la salle de conférence, les startuppers croisent des collégiens en atelier de codage ou des bénévoles venus de tous horizons.
Quand l'obtention du label n'est pas une nécessité
Avec ses 320 000 habitants, la Corse n’aura jamais un statut de Métropole, condition sine qua non pour un label French Tech. Une faiblesse ? « Non, nous parions sur notre différence pour nous faire remarquer. Mais il est évident que les entrepreneurs ont une double mission : celle de réussir leur startup et de faire briller la Corse », lance le fondateur de Corsican Tech.
En guise de locomotive, l’écosystème peut s’appuyer sur quelques entrepreneurs emblématiques tels que Éric Léandri (Qwant), Pierre-Noël Luiggi, (Oscaro.com) ou encore Sébastien Simoni (GoodBarber). Mais si ce dernier a gardé ses salariés à Ajaccio, les deux autres ont implanté leur société à Paris, loin de leurs racines. « Tout l’enjeu est là », explique Emmanuel Pierre, directeur de la structure d’appui à l’innovation Inizia, qui accompagne chaque année une quinzaine de projets d’entreprises. « Auparavant, pour s’assurer une carrière professionnelle, il valait mieux quitter le territoire corse. Désormais, les entrepreneurs choisissent de rester et n’hésitent pas à mettre en avant la qualité de vie sur l’île de beauté pour recruter. Ça devient un avantage concurrentiel », explique-t-il.
Un accès plus direct au financement
Parfois freinées par un manque de moyens en R&D dû à des chercheurs trop peu nombreux, les entreprises corses ont en revanche un accès plus direct au financement. « Le numérique est une opportunité de rebattre les cartes. Le fait d’être sur un petit territoire génère naturellement des synergies, notamment en termes de cofinancement public et privé », analyse Marie Maestracci, présidente de MyPitchCompany et de Move è Fà, cabinet d’expertise en levée de fonds. Depuis 2014, Bpifrance a notamment décerné quatre bourses French Tech par an à des entreprises.
Parmi les acteurs historiques du financement en Corse, ACG s’est récemment mis au diapason des startups. En début d’année, ce fonds d’investissement de proximité a lancé un premier appel à projets (Corsica Innova). Deux entreprises ont pu bénéficier de fonds pour accompagner leur croissance. Un nouvel appel à projet sera lancé en janvier 2018.
"Pour que l’écosystème se construise et se développe, le financement est un rouage indispensable. Ici, la particularité fiscale permet une réduction d’impôts de 38 %, alors qu’il est de 18 % sur le continent. C’est méconnu"
Alex Gerbaud, responsable d’affaires chez ACG Management
Un autre fonds d’investissement hyper local “Femuqui“ ("Nous faisons ici" en Corse) multiplie ses entrées au capital dans les startups corses. « Si les choses s’organisent petit à petit, il manque encore des dispositifs de financement, notamment en pré-amorçage des entreprises. Mais on y travaille… », constate Emmanuel Pierre. « La Corse s’est considérablement renforcée dans le domaine du soutien à aux entreprises. Je constate une réelle rupture en faveur de l’entrepreneuriat. Cette île a basculé dans l’optimisme et laisse émerger de nouveaux entrepreneurs », conclut Marc Simeoni, fondateur de l’entreprise Volpy.