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Aussi inattendus dans leur timing que leur forme, certains événements donnent parfois un sérieux coup d’accélérateur à l’activité d’une entreprise. Si le contexte peut naturellement porter la croissance, des réponses opérationnelles doivent être apportées pour pleinement tirer parti d’une telle opportunité. Yousign en sait quelque chose. La scaleup caennaise est parvenue à capitaliser sur la pandémie de Covid-19. À l’origine d’un logiciel de signature électronique, elle dispose d’une solution permettant de faire face à une pratique qui s’est généralisée sans crier gare : le télétravail. De très nombreux·ses professionnel·le·s ont, au moins partiellement, réussi à poursuivre leur activité à distance grâce à ce type d’outils.
S’adapter à la surcharge de travail
"Nous avons une chance, estime Luc Pallavidino, président et co-fondateur de la scaleup. Nos produits peuvent être utilisés dans tous les secteurs, quelle que soit la taille du client." Si Yousign a longtemps fait des petites et moyennes entreprises (PME) sa priorité, la crise découlant de la pandémie de Covid-19 a élargi ses horizons. Le besoin auquel elle répond est, en effet, universel. Partout dans le monde, des signatures sont requises pour conclure un contrat ou accuser réception d’une livraison par exemple. "Pour autant, moins de 10 % du marché potentiel est équipé à date" , relève Luc Pallavidino qui, une fois l’inquiétude du début de crise passée, dit avoir rapidement pris conscience que "tout allait s’accélérer".
Décidé à la mi-mars par le chef de l’État, le confinement de la population visant à limiter la propagation du nouveau coronavirus a mis l’économie à mal. Yousign, consciente de son opportunité, a vite mobilisé ses forces. "Tous les éléments produits étaient prêts à être déployés à plus grande échelle" , indique ainsi le président de la scaleup, qui juge que la "souveraineté technologique" de sa solution a, elle aussi, largement plaidé en sa faveur. À force d’installations chez ses clients, anciens et nouveaux, la société est entrée dans une phase d’hypercroissance. "Le pic d’activité a été tout bonnement incroyable dès l’annonce par Emmanuel Macron des restrictions" en matière d’interactions sociales, se remémore Luc Pallavidino, évoquant "une surcharge de travail à laquelle il a fallu s’adapter en direct".
Si la cadence avait notablement accéléré vis-à-vis des semaines précédentes, la direction de Yousign n’en a pas été moins surprise au moment de chiffrer l’ampleur du phénomène. "Le nombre de demandes a augmenté de 400 % en l’espace de quelques jours" , souligne Luc Pallavidino. Pour la scaleup, l’enjeu n’a pas été technique comme on pourrait le penser face à un afflux de nouveaux utilisateurs. Il est plutôt apparu sur le front du service client. Accélérant leur transition numérique sous la contrainte du confinement, des entreprises ont été bousculées du fait de leur manque d’expérience. "Adopter une solution comme la nôtre induit un changement dans les habitudes de travail. Nous avons mis en place un fort accompagnement afin de ne laisser personne au bord du chemin" , rapporte le dirigeant.
Préserver la qualité du service
Pour prendre des décisions stratégiques en un laps de temps réduit, les co-fondateurs de Yousign ont mis sur pied une cellule de crise. "Dès qu’on a vu la vague se profiler, cet outil de pilotage nous a permis d’imaginer ce qu’il allait advenir de l’entreprise" , explique Luc Pallavidino. C’est par ce biais là qu’a émergé l’idée d’un renfort des équipes commerciales avant d’être au pied du mur. "À mesure que des personnes paniquées nous contactaient, nous avions le sentiment d’avoir correctement anticipé. Certains de ces nouveaux clients jouaient leur survie à travers l’adoption de la signature électronique. Pour nous, la priorité était donc de répondre à une forte demande sans que la qualité du service rendu diminue en parallèle" , pointe le président de la scaleup, insistant sur la volonté de préserver "les valeurs" de l’entreprise tout en cultivant son "image de marque" face à une période agitée.
Pour pallier l’inexpérience de certains clients, Yousign a proposé dès les premiers jours du confinement des webinaires dans le but de faire la démonstration pas à pas de son outil. Un programme qui est monté en puissance au fil du temps. "Nous avons commencé par 1 ou 2 sessions chaque semaine, qui étaient suivies par 10 à 15 personnes. Face à l’intérêt, nous sommes très vite arrivés à une session quotidienne suivie par 70 personnes" , affirme Luc Pallavidino. Le dirigeant voit en cette méthode un "premier niveau de réponse" , qui est complété par des "prises de contact directes" pour approfondir les points spécifiques. "On constate que ce mécanisme a été apprécié aussi bien par nos salariés en interne, que par nos clients en externe, relève-t-il. Cela permet de passer la relation au prospect à l’échelle sans encombre." L’idée : gérer un flot massif de demandes via des événements ponctuels.
Fidéliser un public relativement nouveau
Au-delà d’une avalanche de sollicitations, c’est à un élargissement de son public qu’a eu à faire face Yousign. La scaleup a noté une explosion du nombre de notaires clients, public qu’elle a courtisé sans franc succès jusqu’alors. "Alors que les professionnels du domaine préféraient sanctuariser des accords en présentiel, ils ont dû poursuivre leur activité d’une autre manière, pointe Luc Pallavidino qui a, une nouvelle fois, été contraint d’agir en toute hâte lorsqu’il s’est agi de former une équipe spécifique pour les études notariales. Nous devions être en mesure de leur indiquer les différents types de documents qu’ils peuvent signer avec notre outil, ce qui sous-entendait, pour nous, de nous approprier leur jargon." L’opportunité de nouer une relation pérenne avec les acteurs du secteur était inédite pour Yousign. "Face à l’absence d’une alternative française, ces derniers se tournaient jusqu’ici vers une solution américaine pour répondre à leurs spécificités" , souligne le dirigeant, ravi d’être passé en quelques semaines "de moins de 5 cabinets clients à plusieurs centaines".
Cabinets d’avocats, immobilier, industrie… Des clients, ce n’est pas ce qu’il a manqué. Bien qu’une once d’inquiétude se soit faite sentir dans les premiers jours de la pandémie. "Le nombre de signatures réalisées par le biais de notre outil a subitement chuté de l’ordre de 30 % à la mi-mars. C’était étrange, puisque c’était inversement proportionnel au nombre de clients que nous venions de signer" , se souvient Luc Pallavidino. Une fois l’émotion passée et les clients formés, l’activité a explosé. "Des professionnels qui signaient beaucoup ont été très touchés par la crise. Mais la reprise s’est vite fait sentir" , explique le dirigeant, arguant que "l’activation des nouveaux clients s’est traduite par un record du nombre de signatures". À tel point que Yousign en enregistre désormais "une poignée chaque seconde" , selon lui.
Encadrer des dizaines de recrutements
C’est toute une réorganisation que la scaleup a mis en place pour transformer l’essai. Elle s’est adaptée de manière à renforcer ses équipes. "Nous avons presque doublé nos effectifs, passant de 38 à 71 salariés en quelques mois" , souligne Luc Pallavidino, qui a réparti ces nouveaux "talents" sur tous les pans de l’activité. Développement du support client, donc, mais également de l’infrastructure et du produit. Les aspects commerciaux et les ressources humaines ont, eux aussi, été renforcés. "Cela a été un processus général, il a fallu tout mener de front pour pleinement tirer profit de la période. Rien ne pouvait être décalé dans le temps, si l’on souhaitait huiler la machine" , appuie le président de Yousign.
Le tout à distance, télétravail oblige. "Des formations en ligne sont dispensées aux nouveaux arrivants. Une première semaine est dédiée à la culture d’entreprise et aux procédures, une seconde à l’onboarding métier" , indique Luc Pallavidino, qui pointe le fait que la scaleup a intégré "une promotion par mois" depuis mars dernier. Deux chargés de recrutement opèrent en interne et font ponctuellement appel à des cabinets tiers. "La mise à l’épreuve que nous réservait 2020 s’est transformée en un fort accélérateur" , estime le dirigeant, qui concède que la période a parfois été "stressante" du fait d’un "pilotage au jour le jour". Yousign continue à recruter massivement, dans le but de doubler à nouveau ses effectifs d’ici à la fin de l’année 2021 – et ainsi atteindre les 140 employé·e·s au total.
Se structurer… pour mieux passer à l’échelle
Si elle reposait sur de solides fondations, l’entreprise de signature électronique juge avoir bâti ces derniers mois "une architecture sécurisée et scalable". Ces mesures lui permettent, selon ses dires, de "maîtriser une montée en charge pourtant rapide". Il lui reste néanmoins quelques chantiers. Yousign travaille actuellement au développement de ses offres et produits. Elle pourra compter sur l’appui du startup studio eFounders, qui a racheté les parts de ses investisseurs historiques en mai 2019. Ce dernier connaît bien les problématiques rencontrées par les scaleups, puisqu’il en a fait émerger un petit nombre – Front, Aircall ou Spendesk, par exemple. "Son aide en matière de structuration et de mise en relation avec d’autres scaleups nous aidera à consolider ce que nous avons entrepris" , soutient ainsi Luc Pallavidino, qui assure que "les grands projets demeurent inchangés".
Yousign s’est dernièrement lancé en Allemagne et en Italie. Des marchés qui devraient, selon ses dires, atteindre la maturité "d’ici à 1 ou 2 ans". "Nous sommes de plus en plus reconnus dans ces pays, où la crise a aussi incité les entreprises à mettre l’accent sur la transition numérique… et, par extension, la signature électronique" , intime Luc Pallavidino qui, après avoir un temps "fermé les vannes" pour prémunir sa scaleup du risque financier, affirme avoir "tout rouvert pour surfer sur le contexte". De cette expérience de crise, inédite à bien des égards, le dirigeant dit retenir "l’excitation". "Je l’ai finalement plutôt bien vécu : on sent l’avant-après. Tout bouge très vite, se structure. On grandit, et c’est plutôt grisant." Le chiffre d’affaires, que Yousign n’a pas souhaité divulguer, aurait "plus que doublé entre mars et novembre 2020". Son objectif est de "le doubler à nouveau d’ici à la fin 2021".