Avant l’exode rural des années soixante et soixante-dix, une grande majorité des Français naissait, grandissait, travaillait, puis mourait dans le même village ou dans la même ville. Plusieurs générations coexistaient au sein d’un même foyer et les voisins faisaient presque partie de la famille.
A cette époque, la question de la solidarité intergénérationnelle ne se posait pas. Bon gré, mal gré, la bru ou le gendre s’occupait de sa mère ou de sa belle-mère et les maisons de retraite étaient un épiphénomène. Point besoin de réseau social, ni de site de rencontre pour tisser le lien, ces choses-là se faisaient naturellement. Et elles ont bien changé. Avec l’entrée progressive des femmes dans la vie active, la crise du logement et l’éclatement géographique de la cellule familiale, même si les aidants familiaux jouent leur rôle, il est devenu très difficile de veiller en permanence sur des parents âgés ou fragilisés. L’état a dû prendre les mesures nécessaires pour pallier l’évolution de la société.
La prise en charge de nos Aînés : un casse-tête sociétal
La dépendance est devenue un enjeu sociétal majeur. Selon l’INSEE, le nombre de personnes dépendantes, aujourd’hui estimé à 1,3 millions, devrait doubler d’ici à 2060. Ce public fragilisé, refuse souvent le placement en maison de retraite et préfère rester dans un environnement sécurisant pour eux, à savoir sa maison. Ces concitoyens n’en ont pas moins besoin de surveillance régulière et de chaleur humaine. Générant une économie de 25% sur les soins en institution, le maintien à domicile est d’ailleurs encouragé par le gouvernement.
Pourtant les structures publiques, confrontées à des problèmes de restriction budgétaires, peinent à faire face à la demande et les structures privées, comme les sociétés de services à la personne, sont peu accessibles financièrement aux familles. Quand aux services de téléassistance et d’assistance, notamment celui mis récemment en place par la Poste, ils viennent fournir des réponses complémentaires, mais qui ne sont pas satisfaisantes à 100%.
Solidarité connectée : apporter une réponse pour rompre l’isolement
Aujourd’hui, selon l’INED, plus de 50 % des Français vivent en ville. Ce chiffre devrait s’élever à 65% d’ici 2020 et à 80% en 2050. L’isolement lié à l’anonymat est donc fréquent. « La société du Care » est un terme volontiers employé par les sociologues et par certains politiques. Il souligne cette nécessité d’apporter non seulement des soins mais de fournir également une présence réconfortante aux personnes âgées isolées. La canicule de 2003 avec ses morts tragiques est venue rappeler à quel point des petits gestes, comme vérifier qu’une boîte aux lettres ne déborde pas ou s’enquérir de son voisin âgé, sont capitaux pour la prévention des accidents ou des drames.
Quand le réseau social de proximité créée de la solidarité
Et si les réseaux sociaux, qui permettent à des couples de se mettre en relation ou à des étudiants de voyager à moindre prix, apportaient leur contribution pour fournir des réponses complémentaires à cet enjeu de la dépendance, à peu de prix et dans une logique d’échange de services ? Ils permettraient alors de recréer ce réseau de solidarité local du village de nos grands-parents. La condition sine qua non est que ce nouveau village solidaire soit un réseau de proximité, à l’échelle de l’immeuble, du quartier ou de la ville.
Si affinité, la rencontre virtuelle se transforme alors en rencontre réelle, pour exprimer des besoins, échanger des services ou un café. Les voisins deviennent ainsi, quand l’alchimie est là, des interlocuteurs quotidiens et tour-à-tour, chacun d’entre eux rendra spontanément un service. Effectuer une visite à une personne âgée, faire ses courses ou lui changer une ampoule, seront ainsi autant d’occasion de rompre son isolement. Les seniors, quant à eux, pourront retrouver leur place dans le maillage social, dans la mesure de leurs besoins, en arrosant les plantes pendant l’absence des voisins ou en donnant à manger au chat.
Les acteurs locaux ont intérêt à soutenir ce nouveau village solidaire
Cela tombe bien car cette échelle locale est justement la préoccupation actuelle de plus en plus de villes dites intelligentes, décidées à capitaliser sur Internet et sur les nouvelles technologies pour offrir un meilleur cadre de vie à leurs administrés et mieux coordonner la solidarité. Les acteurs locaux, collectivités, associations, bailleurs ou promoteurs deviennent alors les alliés du réseau en le crédibilisant et en le soutenant. La Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse d’ailleurs a participé il y a quelques années à un pilote de réseau de proximité, en Seine et Marne, puis sur 10 territoires. 14% des voisins recrutés s’y déclaraient prêt à être bénévoles et à veiller sur des personnes âgées dans leur voisinage. Au terme du projet, 80% des besoins exprimés par ces dernières avaient été couverts.
Si Facebook favorise le lien virtuel anonyme avec des personnes que l’on ne connait pas et qui vivent loin de nous, le réseau social de proximité va au-delà, en jouant véritablement un rôle de santé publique : une étude réalisée aux Etats-Unis a démontré que la solitude des personnes âgées au dessus de soixante ans est un facteur direct de déclin physique, de perte d’autonomie et de mortalité. Et si on s’y mettait tous ?