La messe est désormais dite pour les détracteurs les plus zélés d’Emmanuel Macron, tombés à bras raccourcis contre la « startup nation » que celui-ci a promu lors du salon VivaTechnology, annonçant par là même 10 milliards d’euros d’investissements.

Derrière ce modèle porté en étendard par le Chef de l’État, rien ne serait ainsi à espérer, sinon la précarisation des personnes et l’« ubérisation » des organisations !

À en croire ces esprits chagrins, porte-parole d’une France qui croît ses heures glorieuses révolues, le triomphe de « l’esprit startup » symboliserait l’avènement d’une « dictature » de l’innovation, marquée par un goût démesuré pour la prise de risque de nature à menacer notre cohésion sociale.

À l’origine de cette notion controversée, se trouve, rappelons-le, un ouvrage de D. Senor et S. Singer, intitulé Startup Nation : The Story of Israel’s Economic Miracle (2009), qui décrit l’extraordinaire appétence de l’État hébreux et de ses citoyens pour la création d’entreprises et la « Tech ».

Qu’y aurait-il de mauvais pourtant à voir des actifs prendre en main leurs destins ou même à imaginer des politiques publiques en adéquation avec les bouleversements de l’économie mondiale, riches en opportunités pour toute nation ou individu capables de s’en saisir ?      

L’auteur de ses lignes ne milite nullement, pas plus que le président de la République lui-même sans doute, en faveur d’un abandon par la puissance publique de ses prérogatives régaliennes, avec comme seul et unique objectif que la nation « pense et bouge comme une startup ». 

Il n’y a pas lieu non plus de jeter l’opprobre sur les entreprises, ETI ou grands groupes, «établies » qui sont une fierté pour l’économie française, forte d’un nombre record de leaders mondiaux, d’Axa à Vinci, en comparaison d’autres pays de taille similaire.

À l’heure où 81% des jeunes souhaiteraient « plus de facilité pour devenir indépendant » (OpinionWay – 2017), voyons plutôt le discours sur la « startup nation » comme un vibrant plaidoyer en faveur de l’initiative individuelle et de l’entreprenariat, en phase avec les attentes d’une société déçue par le salariat obligatoire et séduite par les success stories des BlaBlaCar, Criteo, Venteprivee.com et OVH (classement CBinsight des licornes). 

Si l’ont veut joindre la parole aux actes et faire de l’Hexagone un eldorado pour startups, approfondissons le travail déjà mené pour stimuler la naissance et la croissance de jeunes pousses « Made in France », notamment en agissant sur le terrain des levées de fonds et du financement. 

Au-delà, admettons que la crainte de se voir exclu, notamment chez les actifs les moins qualifiés, existe et qu’il n’est pas concevable de lui opposer un silence pudique ou une indifférence polie.

La « startup nation » n’aura de sens que si elle permet à chacun de se former aux nouveaux usages, de bénéficier d’une protection adéquate et de s’adapter à un monde où seuls 40% des métiers exploités à l’horizon 2030 existent déjà (livre blanc Adecco – 2016).

50% des actifs envisageraient de devenir leur propre patron si un cadre protecteur était instauré (Ifop – FEPS 2017), preuve d’un vrai engouement et de l’ampleur du chantier à mener auquel la nouvelle loi Travail doit apporter au plus vite des premières pierres.

Le législateur doit ainsi se mettre à jour de la révolution du travail indépendant, qui concerne entre 11 (sondage Ifop – FEPS 2017) et 13 millions de Français (McKinsey 2016).

Des pistes sérieuses existent, notamment du côté d’une relance du régime de l’auto-entrepreneur ou de l’abandon du RSI au profit d’un statut général du travailleur indépendant, sans compter un soutien aux dispositifs permettant de fluidifier le passage entre entrepreneuriat et salariat.

Elles sont à exploiter d’urgence pour donner ainsi sa réalité à l’heureux concept de « startup nation », à prendre plus que jamais au sérieux.