Nicolas Breuil, directeur marketing de Stuart, rappelle aux jeunes pousses que la marque est non seulement la vitrine de leur produit mais aussi ce qu'il doit incarner : un ensemble de valeurs que le public prendra en exemple et retiendra... ou l'inverse.
Notre pays a bel et bien l’étoffe d’une "startup nation". La dynamique est déjà bien en marche, notamment à Paris qui veut devenir "la capitale des startups" : plus de 1400 startups créées par an, 60 incubateurs, 80 espaces de coworking, 23 fab lab... Heureusement, cette dynamique ne s’arrête pas à la seule capitale : Nantes, Montpellier ou encore Toulouse voient elles aussi leurs écosystèmes décoller. Croisons les doigts, toutes ces initiatives déboucheront peut-être sur les licornes de demain.
Fort de ce tissu, auquel s’ajoute l’effort de Bpifrance et des CCI locales, nos jeunes entrepreneurs sont accompagnés de plus en plus tôt pour maximiser leurs chances de réussite. Étude de marché, business plan, MVP, pitch deck et prise de parole en public : tout y passe. Tout ? Ou presque. Qu’en est-il du conseil sur la marque ? Alors qu’elle revêt un enjeu éminemment stratégique, la marque est bien trop souvent négligée par les jeunes entrepreneurs et leurs mentors, injustement reléguée au rang d’artifice. Si l’on devait comparer un individu et une marque, le logo serait son apparence physique - son enveloppe charnelle - et la marque, son caractère, ce qui le rend unique.
" Créer une marque c’est nommer,
donner corps et âme à un projet, l’incarner avec force
pour qu’il puisse engager tous ses publics autour d’un produit ou d’un service,
tout en créant de l’émotion "
À ce titre, il est essentiel pour tout porteur de projet de définir en amont les fondamentaux de sa marque, épaulé d’un expert - agence ou profil spécialisé. Commencez naturellement par définir le nom de votre service ou produit ; un nom volontairement court, impactant, représentatif de votre activité, facile à se rappeler et surtout tourné vers l’international. Souvenez-vous, BlaBlaCar, anciennement Covoiturage.fr, avait dû déployer une énergie et des moyens considérables pour rectifier le tir, une fois la conquête de l’international lancée.
Puis vient le logo, qui doit convoquer les aspérités de votre projet tout en incarnant un ADN distinctif et riche. Ne négligez jamais la police choisie, qui en dit bien plus sur votre marque qu’il n’y paraît. Pensez ici à la différence entre Uber et Lyft. Bien qu’ils opèrent tous deux sur le même secteur – le transport de personnes – et que la technologie développée est en tout point similaire, les parti-pris de marque s’avèrent diamétralement opposés. Historiquement, Uber avait opté pour une esthétique technologique, portée vers l’excellence et un service premium - un logo blanc et noir, une police fine et résolument élégante. Lyft, pour sa part, surfe sur une personnalité beaucoup plus décontractée – un look plus jeune, le rose pour couleur dominante, une police bold, toute en courbe et modernité ; une moustache rose en guise d’emblème.
Définir son territoire de marque
Une fois ces éléments actés, attelez-vous à créer votre territoire de marque - dont les éléments phares sont : vision, mission, valeurs, positionnement marché, tonalité de la marque. Puis, à l’aide d’un designer, créez les éléments fondamentaux de votre charte graphique (couleurs, iconographie, bibliothèque de contenus, etc.) Ceux-ci doivent être conçus parallèlement et dans le respect de l’UI de vos produits. Une fois les bases posées, pensez à régulièrement confronter vos contenus - même les moins stratégiques à première vue (newsletters, bannières pub, flyers, posts social media, etc.) - au cahier des charges que vous avez créé. C’est essentiel car il en va de la cohérence et du sérieux de votre identité de marque. Enfin, gardez à l’esprit que votre marque doit être pérenne a minima à 5 ans : il est donc essentiel de concevoir un écosystème cohérent, durable et impactant.
A fortiori, si votre activité s’inscrit dans le B2B, ne négligez surtout pas ce travail préliminaire sur la marque et son discours. Plus une activité sera difficile à saisir pour le grand public, plus vous devrez redoubler d’effort et d'ingéniosité pour installer votre marque, rendre votre discours intelligible et créer du sex appeal autour de votre service. Qonto, jeune startup issue de la Fintech réalise un travail remarquable, tout comme Databerries, service spécialisé dans la publicité mobile. Pour les entreprises plus matures, trois cas d’école sont à noter : la licorne du paiement Stripe, la plateforme de CRM Intercom et MailChimp, l’un des leaders de l’emailing.
Entrepreneurs, un conseil : ne négligez jamais votre marque. C’est elle qui saura incarner et donner toute la force à votre projet. Habilement mise à contribution, elle vous permettra d’engager durablement votre audience, au-delà de votre technologie seule, de créer un lien de confiance et de proximité avec votre audience. Si ce travail peut paraître long, poussif et parfois même fastidieux, armez-vous de patience et rappelez-vous de Victor Hugo qui estimait que "la forme, c'est le fond qui remonte à la surface".