Certains collaborateurs ont de bonnes idées mais pas le bon outil pour les partager. D'autres possèdent l'outil mais pas la culture pour faire émerger des innovations de rupture pourtant essentielles au développement d'une entreprise. Benjamin Duban, cofondateur de Stim, une startup spécialiste dans le management de l’innovation et de la rupture, dévoile comment engager ses collaborateurs dans un process d'innovation grâce à des outils adaptés.
L’innovation participative, pourquoi pas ? Elle se pratique déjà dans bon nombre d’entreprises aujourd’hui et fait émerger de beaux projets qui améliorent le quotidien des employés. De temps en temps, elle permet même de développer des idées originales. Mais, pour la plupart, ces améliorations et idées nouvelles ne font qu’effleurer ce que représente l’innovation. Pendant des années, la vraie innovation, celle de rupture, qui remet en question le business model historique de l’entreprise, semblait ainsi hermétique aux démarches participatives. C’était sans compter sur les avancées de 2016.
L’année 2016 a marqué un tournant pour l’innovation de rupture et l’innovation participative dans les entreprises. Trois phénomènes clé ont permis de faire converger ces deux courants de l’innovation et de leur donner, ensemble, une dimension radicalement nouvelle : la montée en puissance des réseaux sociaux d’entreprise, l’avancée dans les théories de la conception et les travaux dans le web sémantique et l’intelligence artificielle.
La montée en puissance des réseaux sociaux d’entreprise
Ce que l’on sait des RSE :
- Ils permettent une circulation rapide et à grande échelle de l’information, beaucoup plus qu’auparavant ;
- Ils soutiennent une circulation transversale au sein de l’entreprise, en rompant radicalement avec les structures traditionnelles de diffusion (par métier, par département…) ;
- Ils sont construits autour de mécanismes de socialisation fondamentaux : on like, on commente, on s’approprie le contenu des autres… ce qui permet de créer un engouement et un enthousiasme collectifs rares, structurant et motivant des équipes entières, parfois au-delà de tout contrôle hiérarchique ;
- Ils représentent un gain en performance semblable à l’arrivée des ordinateurs dans les entreprises dans les années 1990 ;
- Ils sont désormais largement présents dans les entreprises : plus de 65% d’entre elles en ont adopté au moins un.
La recherche en management de l’innovation nous dit que cet apport est fondamental pour le développement d’innovations de rupture. Mais, elle nous dit aussi qu’un RSE, seul, ne fait pas tout…
L’avancée dans les théories de la conception
Récemment, les théories de la conception, et notamment la théorie C-K, nous apprennent plusieurs choses :
- Contrairement à ce que l’on tendait à croire avec les RSE, il ne suffit pas de rassembler un grand nombre de personnes et laisser libre cours à leurs idées pour générer des innovations de rupture, en particulier sur des sujets complexes et techniques ;
- La recherche peut modéliser le raisonnement d’innovation et identifie les zones de blocage et de rupture ainsi que les connaissances à acquérir pour dépasser les limites et obstacles de l’innovation participative, de manière efficace.
Ces travaux changent la manière dont les stratégies d’innovation participative seront développées à l’avenir : tout groupe au sein d’un RSE et cherchant à innover commencera par analyser les pièges tendus par ses propres systématismes pour mieux les éviter, puis récoltera et partagera méthodiquement des connaissances nouvelles, afin d’aboutir à une qualité (originalité des idées, valeur et robustesse des pistes) et une quantité d’innovations encore inenvisageables hier.
Mais une telle stratégie d’innovation sur RSE, pour qu’elle soit robuste et réellement en rupture, implique du temps et une logistique à grande échelle, deux fondamentaux qui ne sont pas forcément à disposition de toutes les entreprises. C’est ici qu’interviennent les progrès de l’intelligence artificielle.
Les travaux dans le web sémantique et l’intelligence artificielle
La structuration d’une innovation de rupture sur RSE et l’analyse moderne type C-K requièrent une certaine puissance de raisonnement qui n’est pas nécessairement à la portée de tous, en termes d’organisation et de temps. Elle nécessite notamment un travail de collecte de connaissances et de gestion des contributions en amont, particulièrement chronophage.
C’est pourquoi des chercheurs en conception se sont alliés à la recherche en web sémantique et machine learning pour développer des algorithmes intelligents, capables de transformer l’incommensurable masse de connaissances disponibles en des données structurées, adaptées à la méthode C-K.
C’est un apport essentiel en ce qui concerne l’innovation sur RSE : là où il était difficile de traiter et gérer des contributions collectives et à grande échelle, nous disposons aujourd’hui d’algorithmes pour alimenter les connaissances nouvelles, animer les échanges et discussions entre collaborateurs dispersés et nombreux et, in fine, pour accélérer le processus de préparation en amont de la conception.
Les RSE : catalyseurs de l’innovation participative de rupture
On l’a vu, un RSE seul n’est pas synonyme d’innovation. Mais combinée aux apports de la recherche en conception et en web sémantique, l’innovation sur RSE ouvre un nouveau champ de possibles.
Hier, une entreprise avait le choix entre deux options :
- Soit un grand nombre d’employés étaient impliqués sur un RSE mais, sans gestion des contributions, la qualité des innovations restait limitée ;
- Soit la conception était réservée à une certaine hiérarchie qui contrôlait les enjeux et le raisonnement, mais perdait en pouvoir de socialisation et en robustesse des idées, notamment par manque de connaissances.
Désormais, ce compromis bancal n’a plus lieu d’être. On peut aujourd’hui impliquer tous les collaborateurs clé de l’entreprise (qu’ils soient 100, 1000, ou 100 000) et piloter précisément leurs raisonnements de conception. Grâce à la puissance des RSE, combinée à la méthode C-K et aux algorithmes développés en web sémantique, une entreprise a désormais accès collectivement à des degrés de rupture inaccessibles auparavant.
Ce qu'il s'est passé chez TechnipPrendre en charge l’innovation de rupture chez TechnipFMC*, c’est réussir chez un leader technologique, dans un contexte B2B complexe, à préparer l’avenir de l’entreprise avec la certitude que les recettes habituelles doivent être dépassées. Parler d’app mobile, de blockchain ou d’autres technologies très nouvelles ne suffit pas à positionner l’entreprise dans la réalisation de ses ambitions long terme… Pour arriver à des développements robustes, il faut impliquer toutes les compétences et savoir-faire qui existent au sein de l’entreprise ; la difficulté est qu’ils sont répartis aux quatre coins du globe… En 4 mois, nos experts des théories de l’innovation ont planché pour identifier les connaissances à partager avec l’entreprise et ont structuré les espaces conceptuels où maximiser l’originalité et la valeur des pistes générées. Plus de 1000 employés ont contribué au processus, avec des taux de participation rarement atteints sur les réseaux sociaux. Des initiatives autonomes ont émergé dans certaines équipes internationales, visant à compléter le dispositif online. De nouveaux talents et expertises ont été détectés au sein de l’entreprise, des collaborations nouvelles se sont tissées, et bien entendu - avant tout - des pistes de rupture ont été construites, et étayées collectivement. Sans dévoiler d’information confidentielle, nous pouvons dire que ce processus a permis de structurer plusieurs sujets porteurs pour la R&D des prochaines années chez TechnipFMC, et d’ouvrir de nouvelles pistes business. *Note : l’initiative innovation de rupture fut conduite chez Technip quelques mois avant la fusion avec FMC Technologies, qui a donné naissance à l’entreprise TechnipFMC. |