En mai dernier, Marc Dorcel lançait son "in-cul-bateur" tandis que Jacquie et Michel faisait un carton avec son site dédié aux contenus en réalité virtuelle. Plus que jamais, l'univers du X mène la danse de l'innovation.
Article initialement publié en mai 2017
En 1979, Marc Dorcel faisait le pari de la vidéo et lançait son entreprise de films pornographiques. Trente-huit ans plus tard, il innove toujours et lance le premier "in-cul-bateur" entièrement dédié au sexy, le Dorcel Lab. Il permettra à des projets en lien avec l'univers de Marc Dorcel - au-delà de la pornographie, il s'adressera à toutes les startups du domaine de la sexualité - de bénéficier de l'expertise, du réseau... et de la puissance financière du géant audiovisuel pour accélérer leur croissance. "Les activités «roses» participent largement aux développements des nouvelles technologies, néanmoins ces projets parfaitement légaux se voient refuser tout financement par les organismes bancaires ou les fonds d'investissement par fausse pudeur, regrette Grégory Dorcel, fils de Marc et CEO de l'entreprise familiale. Après plus de 35 années de succès et de développement, Marc Dorcel est devenu un groupe solide et reconnu. Il nous est donc apparu naturel de soutenir les projets de startups qui seront sans doute les leaders de demain."
Un parti-pris pro innovation que l'univers du X a toujours assuré et assumé. "En raison de la très forte demande existant sur le marché et grâce à des consommateurs toujours à la recherche d'expériences plus fortes, l'industrie du porno a réussi à s'imposer comme une force vive impliquée directement dans les succès et les échecs des technologies de la sphère médiatique", analyse Kate Darling, chercheuse au MIT Media Lab. Des magazines coquins aux films porno en trois dimensions, l'industrie du X a toujours accompagné très étroitement le développement des nouvelles technologies. "Il y a d'abord eu la révolution de l'accès au contenu, rappelle Thierry Bonnard, directeur de la communication de Jacquie et Michel. Il y a eu l’avènement du magnétoscope au début des années 90 qui a permis au consommateur de ne plus devoir se rendre honteusement dans les cinémas spécialisés puis une dizaine d’années plus tard, le raz-de-marée Internet où le contenu s’est retrouvé plus facilement accessible."
Un modèle économique encore fragile
Puis l'innovation s'est concentrée sur l'expérience du client, avec l'arrivée des films en trois dimensions ou la possibilité offerte dès 2010 par Marc Dorcel de cofinancer des films X, en échange de quelques bonus alléchants (accès aux coulisses du tournage, DVD dédicacé ou la possibilité de prendre des photos avec les actrices). Jusqu'à la réalité virtuelle aujourd'hui, qui pourrait bien devenir l'avenir du porno. A moins que ce ne soit le porno qui devienne l'avenir de la réalité virtuelle ? "Pour l'instant, le modèle économique de la RV n'est pas encore clairement identifié, tranche Grégory Dorcel. D'autant que les marchés se développent par l'offre et non la demande, or les catalogues en RV sont pour l'instant microscopiques."
" Il n’y a aucun modèle économique puisque le marché n’existe pas.
Ce n’est pas rentable ou tout juste, c’est un pari sur l’avenir :
la constitution d’un catalogue au cas où la réalité virtuelle exploserait d’ici trois ou quatre ans "
Thierry Bonnard, directeur de la communication de Jacquie et Michel
La 3D avait déjà connu les mêmes tourments : malgré des investissements colossaux, la technologie n'a pas décollé. En cause : un matériel qui a peiné à se démocratiser et la nécessité de porter des lunettes qui posaient une barrière physique à l'expérience. Les producteurs, refroidis par les réticences du public, se sont laissés gagner par le pessimisme des spectateurs, ce qui a d'autant plus affaibli l'offre et freiné la demande. Et la réalité virtuelle pose la question du financement de l'innovation. "Le plus gros problème avec la RV, c’est le coût de production d’une vidéo, révèle Thierry Bonnard. C’est cinq fois plus cher que la normale pour une clientèle qui n’existe pas encore." Et même si Grégory Dorcel affirme que le montant des investissements n'est pas un problème si la technologie présente de vrais avantages pour l'utilisateur, les studios de production de films pornographiques sont dépendants des partenaires auprès de qui ils exploitent la technologie.
L'expérience utilisateur, le fil d'Ariane du X
Mais la réalité virtuelle a ce petit truc en plus qui fait toute la différence : "une qualité d'expérience inégalée", souligne Grégory Dorcel. "Les sensations sont extraordinaires", appuie Thierry Bonnard. De quoi conquérir le public, fourni, des sites pornographiques, dont celui que Jacquie et Michel a ouvert spécialement pour ses contenus en réalité virtuelle, Jacquie et Michel Immersion. Or, c'est précisément le fait de toucher cette cible, à la fois nombreuse et variée (une étude d'ExtremeTech publiée en 2012 estimait que 30% du trafic Internet était généré par le porno), qui pourrait faire le succès de la réalité virtuelle. "C’est un vrai coup de pouce quand l’industrie porno se lance sur un domaine puisqu’elle est suivie par de nombreux consommateur à l’affût des nouveautés", appuie Thierry Bonnard. Et notamment les jeunes : selon une étude Ifop pour Cam4 réalisée en 2013, 53% des garçons de 15-17 ans avaient déjà visionné un film pornographique et 25% des répondants déclaraient avoir vu leur premier film X entre 13 et 14 ans.
Aussi influent soit-il, le porno ne pourra cependant pas à lui seul garantir la démocratisation de la réalité virtuelle. D'ailleurs, les entreprises du secteur le reconnaissent, la RV intéresse suffisamment les acteurs d'autres secteurs du divertissement pour que la technologie se diffuse plus largement dans les foyers. "Le monde du jeu vidéo semble plus propice à l'expansion de la RV, confirme Thierry Bonnard. D'autant qu'elle présente pour le porno des défis techniques qui n'ont pas encore été résolus : à 360° impossible d’avoir un réalisateur sinon il est présent à l’image. Et ne pas diriger des acteurs, aussi professionnels soient-ils, cela complique les choses."
Mais qu'importe, toutes les entreprises du X, conscientes de l'appétit des utilisateurs pour la nouveauté et soumises à une concurrence féroce, se livrent donc une guerre sans merci pour apprivoiser la réalité virtuelle... et voient déjà plus loin. "Prochaine étape : le contenu holographique interactif", s'enthousiasme le directeur de la communication de Jacquie et Michel, qui reconnaît cependant que "pour l’instant, l’expérience n’est pas celle que l’on souhaite". Mais rien ne dit que dans quelques mois des hologrammes ne feront pas l'amour dans notre salon.