Alors que Montpellier vient tout juste d'inaugurer son bâtiment-totem, où en est la capitale languedocienne, trois ans après sa labellisation ?
Montpellier a son étendard French Tech. Implanté au cœur de la ville, à quelques mètres de la place de la Comédie, le bâtiment Totem dédié aux startups et à l’animation de l’écosystème vient d’être inauguré, en lieu et place de l’ancienne mairie. Préfigurateur d’un bâtiment définitif qui verra le jour à l’horizon 2020, il accueille déjà 13 jeunes pousses, dont une majorité était incubée auparavant dans les locaux du BIC (business Innovation Center), classé 4e incubateur mondial dans le Top 10 de l’UBI-Index.
Labellisée dès la première vague en novembre 2014, Montpellier, la Sunny French Tech attitude, a su se hisser parmi les écosystèmes les plus actifs de la « Startup Republic ». Pourtant, elle n’était pas la Métropole la plus attendue de France, souffrant d’un déficit d’image. Ainsi, l’un des points forts de cette communauté a été de remuer les réseaux sociaux, de faire naître une dynamique collective, dotée d’une forte volonté de mutualiser, fédérer, pour exister.
« C’est la transformation d’une frustration en énergie positive. Nous avons montré notre plus-value, notre savoir-faire sur les réseaux sociaux alors que l’agglomération de Montpellier n’était pas encore à la page sur ces questions. Les élus ont été surpris par notre capacité à nous organiser, à avoir des idées et à instaurer une certaine intelligence collective », se souvient Katia Vidic, directrice générale de la startup Nelis, devenue depuis, présidente du conseil de développement économique de Montpellier Méditerranée Métropole.
L’entrepreneuriat féminin, moteur de la mobilisation
Un noyau dur d’entrepreneurs, majoritairement des femmes, ont porté l’animation d’événements et œuvré pour mettre en lumière l’écosystème montpelliérain. Dès lors, à Montpellier, la French Tech est devenu un mouvement collectif, plus qu’un label du gouvernement.
« Le format public-privé montpelliérain est peu à peu devenu un modèle de référence, inspirant pour l’État. Le collectif impulse les projets, met tout le monde autour de la table et incite à la mise en œuvre des actions. Derrière, il faut une vraie force publique pour accompagner ces actions »
Philippe Boulet, directeur du développement économique de Montpellier Méditerranée Métropole
Tantôt derrière à tenter de suivre l’énergie des startuppers, parfois devant à tirer le mouvement, la collectivité a joué le jeu. Sous l’impulsion de Marie-Laure Vie (fondatrice de Digital & Sens, à l’époque), Sabine Safi (ex-1001 Pharma), Maryam Bini (Soledge), Katia Vidic (Nelis) et Rachel Delacour (Bime Analytics rachetée par Zendesk), l’entrepreneuriat féminin est devenu une part incontestable de l’identité French Tech Montpellier.
28 startups labellisées Pass French Tech
Deux ans et demi après cette mobilisation d’envergure, le maintien de la dynamique collective n’est pas simple. L’instant de grâce n’a duré qu’un temps. Pour ces chefs d’entreprises qui se sont dévoués à l’animation du collectif, continuer à se rendre disponible est synonyme de casse-tête. Jury de concours, participation au conseil French Tech, aux groupes de travail, animation d’événements, tous les startuppers n’ont pas le loisir de se consacrer à toutes ces tâches. « La French Tech est en phase de maturation et d’évolution. Toutes les volontés sont les bienvenues pour la faire vivre », glisse Katia Vidic.
Si un délégué a été nommé comme dans toutes les Métropoles labellisées, la structuration French Tech se fait, à Montpellier, au sein d’un conseil, avec gouvernance partagée et sans président attitré. Il est composé de sept groupes de travail pilotés par des chefs d’entreprise dont certains s’apprêtent à laisser leur place.
28 entreprises ont été labellisées Pass French Tech, plaçant Montpellier en deuxième position derrière l’Île de France. Depuis un an, l’accélérateur Sprint by Numa accompagne une dizaine d’entreprises et lance actuellement les sélections pour sa troisième saison. Fidèle à sa logique, Montpellier a également vu naître un programme collaboratif d’accélération Start2You impliquant différents acteurs pour venir en aide aux startups tout juste créées.
Depuis l’été dernier, Montpellier a décroché sept des neuf réseaux thématiques French Tech. Si l’organisation de ces réseaux a complexifié la structuration des actions à mener, chaque référent a dû accorder ses violons avec d’autres territoires afin de créer une feuille de route collective.
« Nous sommes au début d’un phénomène structurant et fédérateur qui, à l’échelle nationale, prend du temps. Il faudra quelques mois, voire quelques années, pour donner de la valeur à cette feuille de route »
Laurent Michaud, référent du réseau EdTech & Entertainment et directeur d’études à l’Idate
Un territoire dynamique qui donne de nombreuses impulsions nationales
À Montpellier, le secteur du jeu vidéo et de l’animation est l’un plus dynamiques. Selon le syndicat national du jeu vidéo, 87 studios sont installés à l’échelle de la région Occitanie, auxquels s’ajoutent plusieurs écoles de renoms telles que l’ESMA, ArtFX ou Dwarf Academy. Un campus dédié aux industries créatives sera par ailleurs installé d’ici à 2020 sur un site de 16 000 mètres carrés au cœur de Montpellier, pour un investissement de 37 millions d’euros.
En outre, Montpellier reste à l’avant-garde d’initiatives, reprises sur le territoire national. Parmi elles, Big Up 4 startup, créée par Lucie Phaosady et Pierre Billet, n’en finit pas d’essaimer en France son concept de rencontres entre grands groupes et startups. L’association #JamaisSansElles, qui promeut la mixité en entreprise notamment dans le numérique, a par ailleurs choisi d’ouvrir son premier « hub » local à Montpellier, toujours sous l’impulsion de l’écosystème.
À l’initiative de Ludovic Charbonnel, startupper montpelliérain, le programme StartupXChange a permis à dix entrepreneurs locaux de découvrir l’écosystème des startups d’Austin, au Texas. Grand-messe annuelle du numérique, le Digiworld Summit (novembre) a lui aussi pu compter sur l’énergie montpelliéraine pour l’organisation d’une Digiweek, en marge de l’événement. Enfin, la French Tech montpelliéraine s’est largement illustrée dans les allées du CES Las Vegas, emmenant chaque année une délégation plus nombreuse. Xtrem’Up, le rendez-vous des sportifs et des startups, Un tramway nommé Start-up, Start’up Lycée… la liste des événements montpelliérains ne cesse de s’allonger.
À Montpellier, si la visibilité French Tech s’est gagnée par la force du collectif, elle porte aujourd’hui ses fruits puisque les levées de fonds des startups montpelliéraines ont doublé, totalisant près de 100 millions d’euros en 2016. Désormais, les investisseurs ne comptent plus sans la capitale languedocienne.