La santé rentre progressivement dans une nouvelle ère et l’Homme voit sa perception de la vie changer. Demain, l’Homo Connecticus pourra prendre le contrôle de sa santé au même titre que de sa maison ou de sa voiture. Il pourra observer son ADN régulièrement, suivre à son poignet en temps réel son poids, sa pression artérielle ou encore son taux de diabète, analyser ses bactéries grâce à sa salive ou encore lire le contenu de son cerveau tout en mesurant l’activité électrique générée par son coeur. Ce sera … la santé 100% connectée.
Le monde de la santé entre dans une nouvelle dimension : les progrès technologiques des dernières années s’accompagnent de nouvelles connaissances scientifiques et l’industrie toute entière s’en voit transformée. Parmi ces bouleversements : l’avènement de la santé connectée qui génère chaque jour des milliers d’octets de données que nous pouvons dorénavant collecter, stocker et analyser à une échelle planétaire. Les algorithmes et les systèmes de gestion de cette masse de données - le fameux Big Data - sont aujourd’hui les moteurs de la révolution médicale à laquelle nous assistons. Quelles sont alors les opportunités offertes par cette mise en données de notre santé ? La data est-elle la solution pour améliorer l’accès aux soins, leur qualité et leur efficacité ? L’arrivée croissante des objets connectés dans notre quotidien et la possibilité d’un quantified self pour tous donnent-ils un sens nouveau à la santé ?
Demain, des patients connectés et responsables ?
Jusqu’ici, seul le médecin pouvait nous dire si nous étions en bonne santé. Aujourd’hui, la technologie change la donne. Avec des données générées en continu autour de nous et par nous, la médecine devient plus que jamais préventive, ultra personnalisée et complémentaire à la médecine curative traditionnelle.
Sur le devant de la scène : les objets connectés. Selon les études, le monde devrait compter entre 25 et 80 milliards d’objets connectés en 2020, dont un tiers concernera le secteur de la santé et du bien-être. On parle aussi de wearables technologies lorsqu’il s’agit de vêtements et accessoires que l’on porte et qui permettent de mesurer, d’analyser et de partager ses propres données. Un marché estimé à 30 milliards de dollars à l’horizon 2018 d’après une étude Weareable World de 2014. Équipés de micro-capteurs, les bracelets, podomètres, balances, lunettes, montres ou encore vêtements et bijoux connectés remettent totalement en question notre relation à la santé.
On peut citer par exemple la startup française Bioserenity qui a développé la solution Neuronaute : des vêtements connectés et intelligents pour prévenir des crises d’épilepsie et alerter médecin et proches en temps réel. Souvent en complément de ces weareable technologies, nos smartphones ont aussi une carte à jouer en tant qu’assistants personnels médicaux. Rappelons qu’en France, 50% de la population de plus de 11 ans est en possession d’un smartphone et qu’on estime qu’en 2017, un utilisateur de smartphone sur deux aura au moins une application dédiée au bien-être ou à la santé2. Et comment parler d’objets IoT santé sans parler du pionnier français dans ce domaine, Withings, qui produit pèse-personnes, montres, balances et réveils connectés ?
Cette mesure de soi en continu grâce à la numérisation de nos activités quotidiennes porte un nom : c’est le quantified self. L’expression a été popularisée par Kevin Kelly et Gary Wolf, deux journalistes de la revue Wired qui pensaient alors que ”si nous voulons agir plus efficacement dans le monde, nous devons apprendre à mieux nous connaître”, tout comme pour les Français, qui considèrent pour 79% d’entre eux que les objets connectés et applications santé permettent de garantir un meilleur suivi santé, et pour 73% d’entre eux de mieux échanger avec un professionnel de santé.
Demain, des médecins data-scientists ?
Côté professionnels de santé, la donnée issue de ces innovations est en passe de s’intégrer totalement dans la pratique de leurs métiers. La santé connectée va ouvrir les portes d’une médecine bien plus personnalisée et optimisée : visualisation des radios, accès automatisé aux bases de médicaments, recommandations officielles, encyclopédies médicales, suivi des patients à distance, accès à leurs dossiers médicaux sans passer par la case papier etc. Pour Jurgi Camblong, CEO de Sophia Genetics, “ce qui est certain, c’est que la médecine basée sur les données de manière générale est appelée à jouer un rôle encore plus grand afin de mieux et plus rapidement diagnostiquer les patients. Si la prédiction en est un aspect, la personnalisation des traitements, la prévention, et la participation des patients jouent également un rôle clé”.
Notre médecin de famille n’a qu’à bien se tenir : ses yeux, ses mains et ses oreilles vont petit à petit être de moins en moins sollicités dans le diagnostic et le suivi des patients, voire même devenir inutiles. Ses gestes seront toujours subjectifs, non reproductibles et non transmissibles, contrairement à l’ensemble des outils biotechnologiques aujourd’hui sur le marché. La santé du futur sera avant tout une histoire de données, dans laquelle patients, objets connectés et applications mobiles seront les principaux protagonistes.
En Angleterre, 15 000 patients ont recours aux applications de leur téléphone pour transmettre leurs données médicales à leur médecin. D’après le Ministère de la Santé, 25% des personnes qui consultent le site et l’application National Health Service Choices se rendent moins régulièrement chez le médecin que les autres. L’année dernière, l’application NHS Direct a été téléchargée plus d’un million de fois. Bientôt, prescrire des applications aux patients pourrait donc enfin éviter les consultations inutiles ? Dans un rapport de la CNIL, Cédric Hutchings, PDF de Withings (startup rachetée par Nokia), expliquait alors que l’objectif est que “demain, les gens disent que c’est eux qui prennent soin de leur santé, avec l’aide de leur médecin. Il faut que ces données deviennent utiles pour le corps médical, tout en sachant qu’elles doivent sans doute être filtrées car ce sont des mesures prises chez soi, hors protocole médical, et qui n’ont donc pas la même fiabilité que lorsqu’il s’agit d’un médecin qui opère ce type de mesures. Le patient devient expert, le médecin va devoir le prendre comme un partenaire”.
La médecine est sur le point de devenir une science guidée par les données, où les écrans deviennent nos premiers conseillers et ou le rôle du médecin sera celui de partenaire et d’accompagnant. Avec le numérique, les forces se rééquilibrent : le médecin n’est plus le seul sachant, la connaissance vient aussi de la donnée. La médecine sera donc elle aussi collaborative et le médecin référent sera bientôt un professionnel de santé qui saura lire et interpréter nos données.
L’avenir de la santé publique : le big data ?
Dans la même veine, cette montagne de données est un véritable trésor pour accompagner une industrie en souffrance. Le Big data est un véritable levier pour mieux comprendre les maladies à travers le monde, optimiser le développement de médicaments et traiter efficacement les patients. “À mesure que la médecine basée sur les données se démocratise et que nous analysons données génotypiques et phénotypiques à des fins de diagnostic, nous entrons dans un modèle d’épidémiologie en temps réel, où nous participons en réalité tous à un essai clinique géant en temps réel, où le diagnostic d'un patient à Boston aide à mieux diagnostiquer et traiter un patient à Paris. Une ère où nous pourrons bientôt dire que le cancer d'un patient en particulier est identique à celui de 10 000 autres patients qui ont reçu le plan de traitement A et ont survécu. Pour que cette démocratisation advienne réellement, il faut continuer à connecter les hôpitaux et promouvoir le partage des données, en offrant dans le même temps des garanties solides en termes de protection et confidentialité des données” précise Jurgi Camblong.
Même si l’ensemble des parties prenantes - secteur public, patients, économistes, industriels, assureurs et entrepreneurs - s’accorde à dire que la santé connectée est une grande opportunité, certains tirent la sonnette d’alarme sur la menace qu’elle peut aussi représenter aux niveaux juridique, éthique et social. À partir de quand une donnée devient-elle médicale et à qui appartient-elle ? Comment assurer une sécurité optimale de ces données privées ? L’accès technologique aux soins personnalisés n’est-il pas le meilleur moyen d’accentuer les inégalités à travers le monde ? Quel est le rôle à jouer des des assurances dans l’utilisation de ces données ? Le médecin est-il prêt et formé pour ce nouveau rôle ?