Franck Delorme, VC et business angel, a imaginé une série d’articles sur le développement aux U.S. d’éditeurs de logiciel français. En effet, compte-tenu de l’importance et de la taille de ce marché pour les acteurs du logiciel, y compris pour les sorties, aller se développer aux U.S est souvent considéré comme un must : c’est là-bas que se font –et se défont aussi parfois…– les succès de nos startups. Dans ce contexte, Franck Delorme a souhaité raconter l’histoire et l’expérience (do’s & dont’s, lessons learnt…) de ceux qui l’ont fait afin d’aider ceux qui envisagent d’y aller. Découvrez la seconde des 10 sociétés sélectionnées pour ce projet : Planisware.

Les dirigeants-fondateurs de Planisware avaient développé au sein de Thalès un logiciel de planning pour les projets de R&D. En 1996 ils structurent un spin-off/LBO pour lancer sa commercialisation en ciblant les organisations ayant de gros effectifs en R&D et/ou de nombreux produits en développement.

Deux ans après la création les dirigeants de Planisware ont décidé d’aller tester le marché U.S., avec un partenaire distributeur qui a apporté quelques affaires. En 2001 ils décident de s’installer sur place avec une approche « lean » : un bureau local à San Francisco avec un manager américain senior et un VIE, en se donnant 1 an pour voir ce que ça donne, mais les résultats tardent... Néanmoins cette première étape leur a permis d’apprendre les codes business du pays et a également participé à affiner la stratégie produit pour leur permettre plus tard de devenir leader sur certains marchés sectoriels cibles (la taille limitée du marché Français les forçant à être opportunistes...).

D'un PoC chez Genentech à la signature d'une dizaine de contrats pharma

En 2002, du fait de la signature en France de deux contrats avec Sanofi et Novartis, en participant à un salon à San José, ils décrochent un PoC chez Genentech. Ils remportent l’appel d’offre et se focalisent alors sur ce premier secteur vertical en créant une filiale aux U.S. à San Francisco et en ouvrant successivement 2 nouveaux bureaux à Philadelphie et à Denver (plus près de leurs prospects et avec moins de pression sur les salaires qu’en Californie). Preuve du dynamisme du marché IT et de l’appétence des sociétés américaines pour les technologies innovantes, ils signent une dizaine de contrats pharma importants dans les années suivantes (1 à 2 m$ chacun), bien qu’étant une société étrangère et de petite taille. Les références Sanofi et Novartis ont bien évidemment eu un effet de levier sur les premières ventes, confirmant le bien-fondé de la stratégie sectorielle.

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Le staffing des premiers collaborateurs de la filiale U.S. est un mix entre des embauches locales et des VIE –une quinzaine au total, ceux-ci ayant été embauchés par la suite– plus quelques expatriations de salariés Français. La direction opérationnelle de la filiale U.S. est répartie entre 3 managers (opérations, commercial, technique), tous 3 anciens VIE, le manager initial ayant pris sa retraite il y a quelques années. Pour être compétitif en termes de recrutement et de rétention des salariés américains, la société a mis en place des rémunérations au niveau du marché local, avec 5 semaines de congés annuels. En outre chaque année Planisware organise un séminaire sous les tropiques avec l’ensemble des collaborateurs.

Le CEO-fondateur qui est basé en France pour des raisons familiales, passe environ une semaine par trimestre aux U.S. avec ses équipes et pour rencontrer les clients et les prospects, ceux-ci étant culturellement très attachés à connaitre le coté entrepreneurial des dirigeants.

Fin 2016 Planisware a 80 personnes dans la filiale U.S (sur un effectif total de 220 collaborateurs), et y réalise un chiffre d’affaires de 30m$ pour un chiffre d’affaire total de 55m€. Elle est devenue numéro 1 sur son marché : les solutions de gestion de projet pour la R&D.

Il est intéressant de noter que les dirigeants qui souhaitaient rester majoritaires n’ont pas fait de levée de capitaux –le fonds d’investissement Ardian étant devenu actionnaire en rachetant les parts de l’actionnaire financier de départ (cf le LBO/spin-off de Thalès à la création) –, et la société a donc autofinancé l’intégralité de son développement depuis la création. De ce fait elle n’a pas adopté un modèle d’hyper-croissance mais a choisi plutôt un go-to-market « par étapes » en ciblant successivement plusieurs marchés verticaux.

Franck Delorme est entrepreneur,  président et co-fondateur de Seed4Soft, administrateur de l’Association Française des Editeurs de Logiciel et Services internet (TECH’IN France) et siège au comité d’investissement du fonds CapHorn Invest.