Des puces RFID directement injectées sous la peau pour payer ou gérer ses applications mobiles : une idée géniale pour se passer des objets ou une menace pour la vie privée ?
Démarrer sa voiture d’un simple geste de la main ou payer son café avec le doigt : grâce à des puces directement incorporées dans le corps, les objets connectés ne seront bientôt qu’un lointain souvenir. L’idée a en tous cas déjà séduit entre 30 000 et 50 000 aventuriers, d’après le Wall Street Journal.
En Suède, des employés d’un centre d’affaires ont choisi se faire implanter une puce RFID sous la peau pour profiter de tous les services : badger à l’entrée des bâtiments, prendre le bus, payer le restaurant d’entreprise et même faire des photocopies. "Plus besoin de s’embarrasser un code PIN ou un mot de passe, il suffit de toucher quelque chose avec sa main pour interagir avec", se réjouit son inventeur, membre d’un groupe de "biohackers" suédois qui s’est fait lui-même implanter la puce.
À l'aéroport de Stockholm, la compagnie scandinave SAS mène actuellement une expérimentation pour enregistrer les passagers et les créditer de points fidélité à l’aide de ces puces. D’autres envisagent d’y stocker toutes nos informations médicales comme le groupe sanguin ou les allergies, rapidement consultables par les médecins en cas d’accident.
Une opération aussi simple qu’un piercing
Car le problème des bracelets connectés et téléphones portables, c’est d’une part qu’on les oublie souvent chez soi et d’autre part qu’ils risquent de tomber en panne de batterie. Deux inconvénients résolus par l’implant, qui n’est pas alimenté en énergie. La puce RFID, comme celles que l’on trouve dans les cartes de crédit ou les pass Navigo, n’est en effet lisible qu’avec un lecteur spécifique et dans un rayon de quelques mètres. Ce qui écarte également un "pistage" 24 heures sur 24, rassurent ses défenseurs. Quant à l’injection de la puce sous la peau, elle est "à peine plus douloureuse qu’une piqure", selon un journaliste de la BBC qui a testé le système. N’importe qui peut d’ailleurs effectuer l’opération pourvu qu’il dispose d’un matériel stérilisé, comme pour les tatouages ou les piercing. L’implant est généralement situé dans un doigt ou à la base du pouce, bien qu’il puisse "légèrement bouger"si on fait beaucoup de sport par exemple.
De véritables capteurs pour des applications médicales ou sportives
La technologie de ces puces ne cesse de se perfectionner. Profusa, une startup de la Silicon Valley, a mis au point un implant qui s’intègre complètement dans les tissus humains, pas plus épais qu’un cheveu et fabriqué en hydrogel (une substance semblable aux lentilles de contact). Cette micropuce mesure le taux d’oxygène dans le sang, l’encrassement des artères, et même les performances du muscle. Et bientôt le niveau de sucre ou les apnées du sommeil. Le capteur émet une lumière fluorescente qui permet au smartphone de récupérer toute les données.
Le "tatouage électronique" intègre lui des circuits électroniques à même la peau. Cette "e-skin" est ainsi capable de détecter des objets à l’approche, mesurer la température, et faire sentir une pression. Un système similaire de Microsoft doté de micro aiguilles permet d’afficher directement sur son bras des informations médicales, comme l’efficacité d’un médicament.
Surveillé 24 heures sur 24 par son employeur
Les pionniers de cette technologie y voient une simple fonction utilitaire. Après tout, certaines femmes portent bien des implants contraceptifs et les handicapés sont dotés de mains bioniques. Sauf que les dérives ne sont pas bien loin. En mars dernier, un médecin américain a ainsi reçu la visite surprise d’une jeune prostituée de 20 ans avec une puce GPS injectée dans sa hanche par son proxénète. Avec de tels dispositifs, les employeurs pourraient vérifier la durée de sommeil de leurs salariés, les maris jaloux espionner les déplacements de leur femme et le fisc vérifier où vous partez en vacances. Pire qu’un bracelet électronique.
Les promesses des implants ne sont pas non plus toujours au rendez-vous ; certains pionniers s’avèrent finalement déçus."Rien ne vaut les solutions classiques", relate René Schoemaker, rédacteur pour les sites Webwereld et Computer world. "Les cartes à puce sont plus faciles à utiliser, une clé permet d’ouvrir sa voiture à distance et on peut payer avec son smartphone".
L’idée de se faire "pucer" comme un animal de compagnie a de quoi susciter les réticences. Pourtant, les barrières psychologiques semblent être repoussées toujours plus loin Selon une étude du Pew Research Center, un tiers des personnes seraient prêtes à se faire implanter une puce dans le cerveau pour améliorer ses capacités cognitives. La prochaine étape ?