Le numérique a profondément bouleversé les habitudes de consommation des acheteurs. Aucun secteur n'échappe à cette mutation, pas même l'automobile. De nombreuses startups se sont lancées sur le créneau pour faciliter aux individus leur recherche et leur achat de véhicule.
L'avènement d'internet a modifié en profondeur les habitudes de consommation des Français. L'outil devient quasiment indispensable lorsqu'il s'agit d'acheter de livres, d'organiser ses vacances ou de se faire livrer un repas. Internet, notamment grâce à l'expansion de l'économie collaborative, a également modifié la perception de la possession. Nous semblons moins enclins à posséder un objet. Côté automobile, les sites de location de véhicules entre particuliers comme Koolicar, Ouicar, Drivy et consorts, explosent. Sur le marché de l'achat, les différences entre le neuf et l'occasion pointées par le Comité des Constructeurs Français d’Automobiles sont saisissantes : en 2015, la France a immatriculé 5,5 millions de véhicules d'occasion contre 1,9 million de modèles de première main. Les Français ne semblent plus prêts à casser leur tirelire pour acquérir une voiture.
Un changement de processus d'achat
Désormais les Français ne se rendent plus directement dans une concession lorsqu'ils envisagent d'acheter un véhicule. Près de 80% des acheteurs potentiels prennent d'abord le temps de faire des recherches sur Internet avant de se rendre dans une concession ou chez un mandataire automobile. Le web, plus qu'un outil d'information, tend même à devenir un canal de vente. D'après une étude de l'Observatoire Cetelem, en 2015, près d'un tiers des Français seraient susceptibles d'acquérir une automobile via Internet.
Conscient de cette tendance, les acteurs online du secteur se multiplient. De son côté, lorsqu'il fonde Caroom en 2011, Jonathan Luck veut moderniser le processus d'achat de véhicule neuf en France. « L'idée de créer Caroom m'est venue en constatant l'existence sur internet de centaines de mandataires français, fiables ou non, mais surtout en réalisant les énormes écarts entre les différents tarifs pratiqués pour un même véhicule. Il n'existe de surcroît aucune règle pour les classer, ce n'est pas parce qu'un mandataire est bien placé sur le prix d'une Renault Clio diesel qu'il le sera pour une Peugeot 208 Essence par exemple » explique-t-il. Il décide alors de travailler au développement d'un site comparatif permettant de déterminer le prix d'un modèle précis, en utilisant différents filtres (boîte de vitesse, nombre de portes, carburant, finition...).
Les Français se dirigent plus volontiers vers les modèles d'occasion
Le marché du neuf n'est cependant pas le seul qui intéresse les entrepreneurs du numérique. En effet, la vente de seconde main touche 3,5 fois plus d'acheteurs que le neuf. Pour preuve : en 2013, l'achat de véhicule neuf ne concernait que 3,4% des Français contre 18,8% pour les véhicules d'occasion.
Premier site de véhicules d'occasion créé en 1999, Lacentrale.fr mais aussi les sites de petites annonces généralistes comme Leboncoin.fr deviennent une référence pour qui cherche à s'offrir une nouvelle automobile. Fort de ce constat, des startups ont décidé de se lancer sur ce créneau. Reezocar, par exemple, recherche et négocie les véhicules (auprès de professionnels et de particuliers) partout en Europe pour ses clients, lui assurant de lui trouver la meilleure affaire. Idem pour Carizy, qui se présente comme "l'intermédiaire de confiance entre acheteurs et vendeurs de voitures d'occasion".
Olivier Raimbault a cofondé Effycar en 2015, après avoir aidé plusieurs amis à vendre difficilement leur voiture. Il décide alors de proposer non pas un intermédiaire entre particuliers mais une véritable concession 100% en ligne.
" Acheteur et vendeur n’ont pas besoin de se déplacer, de se rencontrer, ni de supporter les commissions élevées des concessionnaires automobiles traditionnels. Les showrooms d’EffyCar sont un site web complet et le domicile de ses acheteurs "
Olivier Raimbault
La jeune pousse propose au vendeur de venir évaluer leur bien directement à domicile. Une fois un prix de vente fixé, Effycar se laisse 30 jours pour trouver un acheteur, qui se verra livré le véhicule à domicile. Si le bien n'est pas vendu durant cette période, la startup s'engage à l'acheter elle-même. « Le vendeur a donc la certitude que sa voiture sera vendue. Après 7 mois d’activité, plusieurs dizaines de voitures ont été rachetées, rénovées et livrées par EffyCar, avec 100 % des acheteurs et vendeurs qui sont satisfaits. Tous les vendeurs ont vendu leur voiture en moins de 30 jours, sans rien faire, et aucun acheteur n’a souhaité rendre sa voiture à l’issue de la période d’essai » se réjouit le cofondateur d'Effycar.
Vers la mort des concessions ?
« Nous pensons que l’évolution des habitudes de vente et d’achat va se faire naturellement. Aujourd’hui on peut tout vendre ou acheter sur le web, alors pourquoi pas sa voiture ? », poursuit Olivier Raimbault. Il rapporte toutefois être conscient que l'achat d'une voiture, même si remboursable, entraine un engagement psychologique. « Les sommes en jeu sont inhabituelles pour le web. La peur de l’arnaque est tenace, mais compréhensible », admet-il.`
La plupart des constructeurs proposent un configurateur en ligne avant l'achat d'un véhicule neuf. Mais certains facteurs d'achat ne peuvent être retrouvés en ligne : sensation d'accélération, qualité des finitions, position de conduite etc. La solution pourrait être de se faire livrer plusieurs modèles similaires chez soi enfin de les tester comme cela est déjà possible aux États-Unis. Au pays de l'Oncle Sam, le géant Amazon a annoncé le lancement d'Amazon Véhicles, une plateforme de comparaison automobile. Adam Goetsch, en charge de la direction de la division automobile d'Amazon, explique vouloir « soutenir les clients Amazon dans l'un des achats les plus importants et qui nécessitent le plus de recherche dans une vie ». Même si l'entreprise ne vend pas de véhicules, elle a bien saisi l'importance de conjuguer le numérique avec ce secteur.
Olivier Raimbault croit aussi également beaucoup en l'économie collaborative : « elle devrait avoir toute son importance : les marques pourront vous proposer d’aller essayer celle d’un voisin qui possède depuis 3 mois une voiture semblable à celle configurée en ligne, afin de vous aider à franchir le pas ».
Est-ce que le numérique peut révolutionner le marché de l'automobile ? Il semble que ce soit déjà le cas. Avec l'engouement actuel autour de la réalité virtuelle, on peut tout à fait imaginer essayer un véhicule à distance. Alors, quel est l'avenir des concessions classiques ? Olivier Raimbault les pense sur le déclin. « La concession physique traditionnelle, avec des dizaines de modèles qui attendent un acheteur, devrait de moins en moins avoir sa place dans quelques années : les barrières géographiques devraient disparaître, et tous les avis seront publics, contrairement à aujourd’hui. Il demeure une certaine opacité dans ce domaine, que l’on ne retrouve pas ailleurs. Hôtels, restaurants, e-commerçants, chauffeurs de VTC : le web a permis une montée en gamme de la qualité de service, une transparence totale, et chaque concession automobile devra proposer la meilleure expérience possible aux automobilistes » conclut-il.