Jeudi 2 juin 2016 se tenait à la Gaîté Lyrique la 12ème édition du MaddyTalk, le cycle de conférences de Maddyness. Au programme : le Robot. Plongée au cœur de la relation homme-machine en France avec Gwenaëlle de la Roche (Manpower Group), Nicolas Simon (Wandercraft), Rodolphe Hasselvander (Blue Frog Robotics) et Gaël Musquet (La Fonderie).

« Pendant des années, les cours de technologie n’intéressaient personne, s’amuse Rodolphe Hasselvander, fondateur de Blue Frog Robotics. Aujourd’hui, on teste beaucoup Buddy dans les classes pour sensibiliser les enfants au monde numérique. » Buddy c’est le premier robot domestique de la société. Première caractéristique : il est « trop mignon » pour changer notre regard sur les robots et se rapprocher d'un véritable animal de compagnie 2.0. Ensuite, Buddy est utile : il se charge de réveiller les enfants, de surveiller la maison et de rendre tout un tas de services. « Il faut former les nouvelles générations à la programmation, pas pour qu’ils deviennent nécessairement programmeurs mais pour qu’ils comprennent certains métiers », poursuit Rodolphe. Inscrite dans les programmes scolaires dès la rentrée 2016, la robotique interpelle, inquiète ou réjouit mais laisse rarement indifférent. Problème, selon le domaine concerné, l’une ou l’autre des réactions se fait plus sentir. La robotique domestique semble être acceptée : que ce soit pour les drones, l’IoT, et même ce charmant robot compagnon, toutes les innovations sont suivies de près et intriguent le grand public. Loué soit le jour où naîtra un robot qui fait le ménage, non ?

Le robot, le grand méchant loup de l'emploi

« Le robot doit permettre de se dégager des tâches ingrates », précise Gwenaëlle de La Roche, responsable du département marketing stratégique de Manpower Group. Sauf que côté emploi, le robot fait peur. C’est vrai qu’il est inquiétant ce grand méchant loup mécanique qui vient de piquer le travail de 60 000 personnes chez Foxconn avec son carénage d’acier hyper résistant et son penchant pour le travail 24h/24h. Et puis, pénibilité au travail ou pas, il ne risque pas de se plaindre. Mais si en fait c’était cool d’avoir un robot comme collègue ? « La question de la peur et de la menace n’est pas un phénomène nouveau lié au robot. Il y a eu la machine à tricoter, la révolte des canuts, la théorie de Keynes sur le chômage technologique… or les enthousiastes ont toujours eu raison ». Et si on laissait les pessimistes de côté pour se rallier à l’entrepreneur français Bruno Bonnell qui entend démocratiser la robotique à tous les niveaux ? « On ne parle d’une révolution du robot comme une révolte mais comme une « robolution » : comment le robot va réinventer l’employabilité et l’entreprise de demain et ainsi entraîner des gains de productivité », se réjouit Gwénaëlle.

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« Dans beaucoup d’entreprises, il y a un sérieux problème de culture, constate Gaël Musquet, hacker "payé par nos impôts" qui œuvre à la Fonderie. Les gens sont en poste, ils ont toujours fait comme ça et ils se font doubler par la gauche par Amazon et par la droite par Facebook. Aujourd’hui il faut qu’on les interpelle et que l’on réinjecte du concret. » Pour « réinjecter du concret » et secouer les collaborateurs parfois réfractaires à l’innovation, Gaël a sa méthode. « J’emprunte parfois des Tesla pour montrer aux gens de PSA ce qu’est une voiture moderne ».

Accompagner et faire évoluer les entreprises

Mais au-delà de la culture, les entreprises françaises ont aussi parfois du mal à accéder à la techno dont ils ont besoin. D’où l’intérêt du poste de Gaël.  « La Fonderie porte les politiques publiques numériques d’Ile de France. Mon rôle est d’aller jouer dans les boyaux des technos et aussi d’accompagner les entreprises sur les compétences en la matière. On a lancé l’idée à la région Ile-de-France de fabriquer un Arduino (carte pour connecter des composants dont les schémas sont en open source sur internet, NDLR) du côté de Melun et aujourd’hui, la société est capable de fabriquer 500 cartes par jour qui ont l’intelligence du robot. » Dans le cadre du plan national pour la robotique « France Robots Initiatives » lancé en 2013 par Arnaud Montebourg, une initiative qui va dans ce sens a vu le jour : Robot Start PME, un programme de soutien aux PME primo-accédantes à la robotisation.

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Mais l’État ne s’arrête pas là et permet aux sociétés comme celle de Nicolas Simon, CEO de Wandercraft de «  trouver des profils exceptionnels comme un médaillé d’or des mathématiques au Vietnam, qui n’avaient pas de débouchés à la sortie de son doctorat. C’est un super profil qui ne nous coûte pas cher puisqu’il est financé par le Crédit Impôt Recherche. » Il faut dire que le produit de Wandercraft, un exosquelette intelligent, fait rêver. Sa promesse : permettre à des personnes handicapées de remarcher.  Après des années de développement, l’algorithme qui permet de reproduire une marche naturelle a vu le jour et équipe désormais le premier prototype qui sera présenté à la presse cette semaine.

Une législation française à la traîne

Mais avec un homme à bord, même si les objectifs sont louables et les bénéfices réels, Wandercraft a prêté attention à ne pas laisser trop d’autonomie au robot. « Le cadre réglementaire n’est pas encore prêt, précise ainsi Nicolas. Du coup nous avons mis le moins d’intelligence possible dans le robot. On garde la fonction réflexe mais la tâche de décider de la direction est déléguée à l’utilisateur. Aujourd’hui c’est un moyen de transport qui a des jambes, pour éviter tous les problèmes de responsabilité et d’éthique. »

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Les lois n’évoluent donc pas assez vite. Étonnant. « Tant que nous n’aurons pas dans les ministères, ou à la CNIL des techniciens, des personnes qui touchent et qui savent de quoi il est question, ça ne marchera pas. Il y a un magistrat à la cour des comptes qui est un ancien développeur, voilà ce qu’il nous faut pour législateurs », s'emporte Gaël. « À vouloir trop d’éthique, on tue les technologies avant même qu’elles n’émergent. Un Facebook n’aurait jamais pu voir le jour en France », regrette de son côté Rodolphe.

Mais si l’État a parfois trop tendance à vouloir tuer l’innovation dans l’œuf, les citoyens eux-mêmes prennent de plus en plus leur rôle de bidouilleur à cœur. Si la robotique entre seulement dans les programmes scolaires, nombreux sont ceux qui n’ont pas attendu de devenir ingénieur pour développer leur idée. « Aujourd’hui la robotique est accessible. Avec un Arduino, même des gens qui ne sont pas spécialisés peuvent créer un robot qui plante des graines », remarque Gaël, enthousiaste. Si la fusion homme-machine n’est pas à l’ordre du jour, une chose est sûre, « la robotique d’aujourd’hui ne sera pas celle de demain quand on voit à quelle vitesse les individus prennent le pouvoir. On fantasme l’intelligence artificielle mais on est encore très très loin de Skynet dans Terminator », conclut ce dernier.

Un grand merci à Pierre-Baptiste Goutagny pour ce résumé illustré

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