Pionnier du développement de jeux et d'applications sur mobiles il y a 13 ans, Alexandre Jubien a créé et dirigé les activités mobiles de Deezer et de Viadeo. Fondateur du cabinet de conseil en stratégie et marketing mobile ThinkMobile, Alexandre Jubien nous présente les tendances actuelles et les perspectives dans le marketing mobile.
Quelles sont les grands mouvements dans le marketing mobile aujourd’hui selon vous ?
Globalement aujourd’hui, je remarque que le marketing passe de la notion d’acheteur / consommateur à celle d’utilisateur. Le nouveau paradigme aujourd’hui ce n’est plus : “to buy” or “not to buy” mais “to use” or “not to use”. Que l’on soit propriétaire ou pas, on est tous des utilisateurs potentiels. Sur le mobile en particulier, il faut vraiment raisonner “user centric”. Une application n’est pas un endroit pour annoncer, informer ou pour publier, elle doit être orientée service et valeur ajoutée pour l’utilisateur. Le mobile met l’utilisateur au centre. Sur le mobile, on ne peut pas asséner un discours de marque. Les utilisateurs veulent qu’on leur parle d’eux, pas de la marque. C’est ce qui fonctionne bien par exemple avec l’application de L’Oréal Make Up Genius.
Plutôt que penser objectifs, les marques doivent raisonner en termes de valeur apportée à l’utilisateur. C’est d’ailleurs comme ça que fonctionnent les startups. Elles se basent sur des problèmes non résolus pour les utilisateurs, développe une solution puis - souvent dans un deuxième temps - trouver le moyen de la monétiser. Facebook, Snapchat, Shazam, Deezer ont chacun créé des produits remarquables, avec une vraie valeur pour l’utilisateur. Ils ont rapidement bénéficié d’un super bouche-à-oreille et n’ont pas eu besoin d’investir beaucoup en communication au démarrage.
Les marques peinent encore à investir dans le mobile et se plaignent parfois de ne pas y trouver de ROI. Quels sont les bonnes pratiques pour assurer la rentabilité d’une application ?
En ce moment, je conseille beaucoup de lire le livre de Seth Godin “La Vache Pourpre”. Même s’il a été écrit en 2003, il est vraiment d’actualité et s’adapte très bien au domaine des applications. Tout d’abord, le point clé pour une application, c’est la valeur créée. Le travail doit être fait en amont, dans la conception de l’application. Télécharger une application c’est déjà un effort énorme pour l’utilisateur. Si l’application ne créé pas de valeur utilisateur, ça va coûter cher d’aller chercher des téléchargements et on aura du mal à les fidéliser.
Mon conseil est aussi de ne pas penser ROI à court terme. Une application c’est un investissement sur du long terme. D’ailleurs, contrairement à ce que font souvent les agences, je préfère intégrer le coût de développement de l’application dans les calculs de rentabilité, cela donne une vision complète de l’investissement et incite à avoir une vision long terme. Après quand on pense mobile, il ne faut pas penser uniquement “application”. Les applications ne sont qu’une fenêtre, on peut aussi faire des choses incroyables avec du web mobile. Je plaide aussi l’approche Mobile First et je conseille aux entreprises d’expérimenter sur le mobile. Quand on est déjà bon dans le mobile, on sera bon sur les autres devices.
" L’intérêt du smartphone c’est de travailler le marketing du contexte : prendre en compte le moment, l’endroit, les personnes autour et l’intention. L’évolution des technologies permet de prendre en compte ce contexte. Je conseille aux annonceurs d’y aller sans attendre "
Que pensez-vous des récents lancements d’applications “invisibles” et des approches du type liens intra-applications ?
Je vois vraiment un avenir pour les interfaces conversationnelles. Il commence à se passer des choses vraiment intéressantes. Ces initiatives prennent en compte l’ensemble des fonctionnalités du mobile : géolocalisation, reconnaissance vocale... Les possibilités du mobile combinées avec l’intelligence artificielle, le marketing prédictif et les assistants virtuels vont ouvrir de belles perspectives. Il va se passer des choses incroyables. C’est même inquiétant, demain les assistants prendront peut être la décision à votre place.
Et prochainement, tout se fera avec la voix. La reconnaissance vocale et le speech c’est complexe, les premières expériences étaient souvent déceptives. Mais la technologie continue d’évoluer, les utilisateurs commencent à l’intégrer et cela va s’accélérer. Pour moi, c’est loin d’être un gadget. Waze l’a mis en place et c’est évident que ça va marcher parce que le besoin est en lien avec le contexte d’utilisation. Couplée avec le machine learning, les perspectives à venir sont vraiment intéressantes. La voix est le plus court chemin vers la transmission de pensées. J’irai jusqu’à imaginer que dans le futur, on commandera les applications par la transmission de pensées.
Article proposé par Véronique Colbert (Equancy)