Alors que se tient jusqu'à demain la conférence F8 de Facebook qui s'adresse aux développeurs et que de nouvelles fonctionnalités devraient y être dévoilés, découvrez comment l'app chinoise WeChat inspire aujourd'hui la Silicon Valley.
Imaginez un monde sans Google ni Facebook…
Un monde où des Mark Zuckerberg ou Larry Page européens auraient anticipé une dépendance aux GAFA. Imaginez un monde où des valeurs différentes sont de mise et où le fait de copier est vu comme une opportunité pour les nouvelles générations. Ce monde, c’est la Chine d’aujourd’hui et de demain qui s’inspire de la Sillicon Valley pour adapter les meilleurs app, en vue de changer le quotidien de ses habitants. Aujourd’hui, découvrez comment une app à la sauce chinoise, inspirée de Facebook, Google et autres, peut « disrupter » les habitudes et l’économie d’un pays monde.
La promesse de WeChat : tout concentrer sur un réseau unique
Problématique : dans les pays occidentaux, entre app de messagerie et réseaux sociaux, on ne sait plus où donner de la tête. Avant d’en revenir à l’ogre Chinois menaçant, demandons-nous sur quelles app nous passons le plus de temps ? Réseaux sociaux, musique, news..?
Quand on sait qu’en moyenne on va 9 fois par jour sur une app de messagerie et qu’on passe 6 heures et 45 minutes par mois sur Facebook, on comprend vite pourquoi messageries et réseaux sociaux font si bon ménage pour toute entreprise soucieuse d’avoir un maximum d’utilisateurs actifs.
Au fait, vous utilisez quoi comme app, pour envoyer vos messages?
Plutôt du genre classique avec le combo SMS/MMS ou partisan de Facebook avec Whatsapp ou Messenger (oui, ces deux app appartiennent à l’ami Zuckerberg) ? Nous n’avons malheureusement pas trouvé une app commune pour tous nos contacts pro et perso, car en Europe et aux États-Unis le marché des app de messagerie est très disparate.
Qu’en est-il ailleurs dans le monde ? Il existe une app qui totalise 600 millions d’utilisateurs actifs journalier en Chine, qui est utilisée pour le pro, le perso et qui fait bien plus que toutes les autres app connues dans nos contrées !
La réponse de WeChat : tout concentrer sur un réseau unique
Cette app, c’est WeChat. Une espèce d’ovni spatio-temporel d’un point de vue occidental. 600 millions d’utilisateurs actifs par jour en Chine et 70 millions ailleurs dans le monde, dont la majorité ouvrent l’app 10 fois par jour pour échanger, se montrer, rencontrer, prendre un taxi, acheter mais aussi régler des achats. En gros, mélangez WhatsApp, Facebook, Tinder, Uber, Amazon, Apple Pay, avec du chinois, secouez : vous obtenez WeChat.
WeChat en Chine, c’est désormais l'une des plus grosses allocations de budget pour les marques voulant obtenir une crédibilité publicitaire dans l’Empire du Milieu. Tout le monde en Chine interagit avec des marques comme Nike, Xiaomi ou Tsingtao via les comptes officiels WeChat de ces marques. En 2014, lors d’un grand jeu concours organisé sur l’app, les marques ont distribué des “Hongbao” qui sont des étrennes traditionnellement données en famille pour la nouvelle année en Chine. C’est cette opération qui a permis à WeChat de lancer son service de paiement intégré en habituant ses utilisateurs à faire des transferts d’argent à l’occasion des “Hongbao”.
Il est aussi possible d’écrire sur la page de ses marques préférées pour obtenir du support, des promotions exceptionnelles ou des ventes privées. Vos achats se font directement sur l’app, pour ensuite être livrés chez vous dans la journée. Tout ça depuis une app de messagerie…
WeChat offre un service quasi illimité mais gagnerait à améliorer le confort de l’utilisateur
WeChat c’est quand même un peu m’as-tu-vu. Copier impunément la plupart des champions de la Sillicon Valley et les regrouper dans une app de messagerie, ce n’est pas bien…d’un point de vue occidental. Le peuple chinois préfère ses champions aux ogres GAFA qui, vus de Chine, ne sont pas si impressionnants. Ça fait 4 à 5 ans qu’on nous répète que c’est l’année du mobile en France. En Chine ça fait 3 ans que c’est déjà le cas. Plus aucun parent Chinois de moins de 60 ans ne demande à son enfant ce qu’il trouve de si intéressant à faire sur l’écran qu’il tapote frénétiquement au milieu du repas. Se transférer de l’argent ou rencontrer n’importe qui autour de vous dans une ville nouvelle, c’est possible avec WeChat. Avoir toutes les informations d’une personne (pro+perso) regroupées au même endroit, c’est encore WeChat. WeChat n'est plus une simple app mais une plateforme sur laquelle différentes services peuvent se greffer.
WeChat est donc un vrai écosystème qui va bien plus loin que Facebook ou Google, et tout ça sur mobile. Il y a aussi à redire sur cette app qui relève de la chasse au trésor quand il s’agit de trouver les différentes fonctionnalités. C’est mal expliqué (surtout pour ceux qui ne parlent pas chinois !) et pas très sexy. L’app est fonctionnelle, mais en termes d’expérience utilisateur WeChat est loin du niveau d’un Facebook qui travaille beaucoup sur la qualité de présentation des posts, ou d’un Google Search qui épure au maximum ses pages pour un confort de lecture optimal. On observe aussi des soucis de traduction et du coup un manque de sens pour certains boutons, ce qui empêche de découvrir toutes les fonctionnalités facilement.
Crédit : David Cagle
Pour beaucoup, WeChat n’est pas simplement une app dans le vent. WeChat est un catalyseur qui transforme la société de services chinoise autour du mobile. C’est simple, en Chine on constate que tout le monde utilise WeChat que ce soit pour réserver un chauffeur, commander à manger, régler un achat. Parce qu’elle s’intègre parfaitement dans le quotidien et devient une habitude, cette app est un modèle à suivre pour Facebook, Google ou Snapchat qui veulent se libérer du statut d’app pour devenir de véritables platerformes multi-services.
L’acquisition de WhatsApp pour 22 milliards de dollars par Facebook en 2014 est liée à l’expansion rapide de WeChat. Mark Zuckerberg aime profondément la Chine (sa femme est chinoise et il a appris le chinois en un temps record) et considère que le pays est en avance pour le mobile. En 2014 il a notamment déclaré qu’il ne comptait pas générer de profits avec WhatsApp et Messenger avant qu’elles n’atteignent les 1 milliard d’utilisateurs et que ces plateformes deviennent des normes. On vous invite d’ailleurs à visiter la page « Platform and Businesses on Messenger » et de suivre la sortie du Facebook Messenger Bot Store. Les “Bot” étant pour beaucoup les nouvelles “App” et au final des services intégrés (paiement, reservation, rencontres…) à une plateforme de messagerie comme WeChat… Facebook va donc se « Wechater » plus vite qu’on ne le pense. On peut dire que le jeune fondateur de WeChat et Tencent (l’éditeur monstre du web Chinois), Ma Huateng, même si il est bien aidé par un Etat très protectionniste, a réussi son pari de braver et de devancer les GAFA!
Arnaud Parise est cofondateur et rédacteur de mobiletroopers.fr, site sur lequel vous trouverez plus d’informations sur WeChat et un test d’utilisation.