Le réseau social est utilisé par une large communauté de traders et analyses financiers, à l'affût du moindre signal pour vendre ou acheter un cours. Les startups d'analyse de tweets se multiplient pour leur offrir des services encore plus performants.


En avril 2013, un faux tweet de l'agence de presse AP annonçant une explosion à la Maison blanche a fait brutalement chuter l'indice du Dow Jones de 150 points, soit 136 milliards de dollars envolés en fumée en quelques secondes. Une illustration de plus d'un phénomène aujourd'hui devenu massif : l'influence de Twitter sur les marchés financiers. Depuis notamment que le gendarme de la bourse américain, la Securities and Exchange Commission (SEC) a autorisé en 2013 les entreprises à utiliser les réseaux sociaux pour publier leurs informations officielles, chaque analyste ou trader scrute son fil de tweets avec autant d'acuité que ceux de Reuters ou Bloomberg. Ce dernier a d'ailleurs rapidement intégré les tweets comme source d'information fiable dans ses fils d'information. Il a par exemple créé un indice de création d’emplois américains basé les contributeurs influents au réseau, aujourd'hui aussi regardé que le fameux "consensus de marché", ou encore un outil d'alerte lorsqu'il détecte une activité "anormale" sur un thème donné (forex, pays ou région, pétrole…)

Des twittos influents peuvent faire grimper le cours d'une action en quelques secondes

Curieusement, les comptes officiels (institutions financières, agences de notation, médias économiques…) ne sont pas forcément les plus influents. Certains analystes ou blogueurs sont capables de faire grimper ou dégringoler le cours d'une action en moins de 140 caractères. En 2013, un tweet du célèbre activiste américain Carl Icahn estimant la valeur du cours d'Apple "largement sous-évaluée" a suffit a faire prendre 8,35 milliards de dollars à l'action en quelques minutes. En 2015, c'est le patron de Tesla, Elon Musk, qui a fait bondir le cours de son entreprise de 4% en publiant sur Twitter l'annonce d'un "nouveau produit majeur". Parmi les autres "influenceurs" notoires, citons aussi @ZeroHedge (294 000 abonnés, un compte derrière lequel se cacheraient des anciens salariés de Wall Street, qui relayent une information moins "officielle"), @SJosephBurns (35 300 abonnés) ou @MuddyWatersre (29 800 abonnés), dont les tweets font la pluie et le beau temps auprès de la communauté des traders.

De nombreuses startups se sont emparées du phénomène pour proposer leurs services d'analyse automatisée. Isentium traduit par exemple les tweets financiers en "scores" positifs ou négatifs sur une entreprise. MarketPsych, qui fournit notamment ses services à Reuters, analyse des millions d'articles et de tweets pour en ressortir un "sentiment" des marchés et un outil de prévision. Dataminr se vante lui de d'alerter ses clients en avant-première à partir de signaux détectés par son algorithme sur Twitter.

Une source délicate à utiliser et qui augmente la volatilité

Mais si le site de microblogging est une source essentielle d'information, il comporte aussi des risques. En novembre 2015, la SEC a déposé plainte contre un trader écossais qui diffusait de fausses informations via les comptes frauduleux de grands groupes. Il avait ainsi réussi à faire chuter le cours de certaines actions à son profit. Louis Scott, le fondateur de la société de conseil financier Kiema Advisors, a lui publié une étude sur la relation entre la masse d'information disponible et le raccourcissement des délais de transaction. Selon ses calculs, la volatilité des marchés à horizon cinq jours est doublée lorsqu'on a recours à des fils d'actualité comme Twitter.

Un tweet est de toute façon une donnée délicate à manipuler surtout pour des algorithmes. "Parfois, le volume de certains tweets s'envole alors qu'il n'y a aucune annonce impactant le chiffre d'affaire d'une entreprise", avertit Jonathan Trévier, le fondateur du think tank Sparkism. "De plus, la corrélation entre le cours de bourse d'une entreprise et celui de son compte Twitter (en terme d'image "positive") diffère selon les cas. En revanche, l’étude des tweets peut donner directement le sentiment des consommateurs potentiels et ainsi estimer les prévisions de vente, comme pour l'Apple Watch".

Article écrit par Céline Deluzarche