La première conférence FinTech française avait lieu à Bordeaux le 7 octobre. Une journée rythmée par les tables-rondes et les keynotes de personnalités issues aussi bien des startups que de grands noms de la banque traditionnelle. Un premier cru savoureux qui devrait être renouvelé en 2016.
C’est à Bordeaux, sous une pluie battante, que de nombreuses FinTech et institutions bancaires étaient réunies le 7 octobre à l’occasion de la première conférence du secteur dans un hangar du projet Darwin -orienté développement durable-, un lieu « aussi disruptif que les FinTech », comme le souligne Louis Alexandre de Froissard, gérant du cabinet Montaigne Patrimoine, à l'initiative de l'événement. C’est entre deux rampes de skate, que la scène, coquille de bois -certainement recyclé-, a vu défiler des sociétés de toutes tailles et aux profils tout à fait différents : Paypal, Payname, Société Générale, Wiseed, GoCardless, Lendix, et une bonne vingtaine d’autres intervenants, venant pour la plupart de France mais aussi de Londres.
Tout l'écosystème FinTech réuni dans un lieu insolite
Alors que les FinTech françaises commencent seulement à se structurer, notamment avec la naissance de l'association France FinTech cet été, tous ont répondu à l’appel de Louis Alexandre de Froissard, de Guillaume-Olivier Doré, président de FinTech Invest et fondateur de FinTech-Mag.com et de Sandrine Hirigoyen, fondatrice de l'agence Digitall Conseil. Ce qui au départ ne devait être qu’une petite conférence avec une poignée d’intervenants et une centaine de spectateurs a rapidement pris une ampleur qui a dépassé les attentes des organisateurs. Il faut dire que le sujet passionne. Stars des médias depuis quelques mois, les FinTech jouissent d’une aura et d’un pouvoir d'attraction dont la finance en général ne peut pas se targuer de bénéficier.
Au fil des tables-rondes, qui ont permis de dresser un état des lieux des Fintech, mais aussi d’évoquer son avenir ou de débattre sur leur collaboration avec les instances bancaires traditionnelles, startups et grands comptes ont exprimé leur avis, parfois avec verve, parfois de manière plus timide. Face à eux, un public de près de 400 personnes, venu écouter religieusement des présentations inattendues et riches en enseignements de Nicolas Colin, cofondateur de The Family qui a éclairé les esprits avec une présentation sur l’économie numérique et le changement de paradigme que l’on vit actuellement, ou encore de Stéphane Mallard, en charge de l’innovation chez Société Générale, qui s’est fendu avec brio d’une keynote de 45 minutes sur l’intelligence artificielle et sur son pouvoir de remodeler le monde.
La relation aux banques traditionnelles interrogée
C’est Audrey Stewart, qui a fondé Origin Investing (qui verra bientôt le jour), qui a ouvert le bal avec sa définition des FinTech qu’elle considère comme un « mot à la fois transparent et galvaudé ». Regrettant que « les médias parlent toujours des révolutions d’usage mais éclipsent la question de la technologie », elle a rappelé que « la légitimité des FinTech ne sera pérenne que si elles gardent cette technologie que les banques n’ont pas ». Ajoutant également à ce sujet que les FinTech étaient les « alliées des banques » et qu’il était nécessaire pour les jeunes PME innovantes de trouver une « offre complémentaire à celle des banques ». Pour Eric Charpentier, PDG de Payname, le constat est différent : « Nous devons aller plus vite que ceux qui étaient là avant nous. Nous ne sommes ni contre, ni avec les banques, nous voulons cultiver un schéma d’indépendance dans notre modèle. »
D’autres acteurs en revanche regardent les banques d’un autre œil. Presque comme si elles étaient les fossoyeurs de l’innovation. Gonzague Grandval, cofondateur de Paymium a pris soin de rappeler que le Bitcoin, qui semble tant intéresser les banques en ce moment, n’est pas une monnaie virtuelle mais une technologie qui comprend trois faces indissociables : le réseau peer to peer, cette unité de compte qu’est le bitcoin et la blockchain, présentée comme le « grand livre comptable ». Il déplore l’attitude des banques qui ne « s’intéressent qu’à la blockchain sans s’intéresser à Bitcoin. Nos banques voudraient créer la même chose que Bitcoin, mais en privatif, et sur lequel elles auraient le contrôle, mais c’est contraire aux principes de Bitcoin qui repose sur la transparence, l’universalité et le peer to peer ».
A trop vouloir rester dans la course, il ne faudrait donc pas que les banques traditionnelles en viennent à étouffer l’innovation en l’absorbant et en s’en servant de la manière la plus inappropriée qui soit. L’avenir de la banque, pour Jérôme Traisnel , CEO de Slimpay, réside dans la « spécialisation, tant le modèle de la banque universel sera de plus en plus difficile à maintenir. Le marché va se stratifier, les banques vont demeurer mais ça va se complexifier et il va falloir trouver de nouvelles verticalités ». Mais l’injonction à la spécialisation et à la vigilance ne concerne pas que institutions vieillissantes : « Nous aussi nous allons devoir trouver des spécificités si nous ne voulons pas nous faire dévorer par la deuxième vague de FinTech », a-t-il ainsi ajouté.
La France, un pays à la traîne ?
Avec une poignée de Londoniens dans la salle, la viabilité de l’écosystème français a aussi été passé au crible. Beaucoup ont pointé les mesures réglementaires et le poids de la fiscalité comme un frein à l’innovation, à l’instar de Gonzague Grandval qui estime que « certains blocages existent en France alors qu’on ne les trouve pas à deux heures de Paris, pour certaines activités l’écosystème français n’est pas le meilleur pour se développer rapidement ». D’autres en revanche, ont préféré souligner l’attitude des Français, moins frileux face à l’investissement, comme Stéphanie Savel, présidente de la plateforme d'equity-crowdfunding Wiseed qui milite pour que le marché du crowdlending et de l’equity-crowdfunding ne « se construise pas sur de la mesure fiscale mais sur une moindre aversion face à l’investissement. » Et si les pouvoir publics ne bougent pas assez vite, il reste toujours la montée en puissance « des RegTech, rappelle Nicolas Steiner, cofondateur de FinTech Circle, ces technologies qui vont impacter les régulations » Avouant toutefois volontiers que pour le moment il y avait « beaucoup de bruit » autour d’elles et qu’il était « assez difficile de cerner les opportunités réelles ». Rendez-vous en 2016 pour en discuter ?