“Une nouvelle victoire pour la French Tech”: c’est ce que twittait cet hiver le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, suite à la levée de fonds de 100 millions réalisée par Sigfox. Nouveau fait d’armes de la PME toulousaine: en début de semaine, Samsung a annoncé un investissement dans l’entreprise et la mise en place d’un partenariat technologique. ENGIE (anciennement GDF Suez et ses filiales) a, dans la foulée, annoncé la création d’une filiale uniquement dédiée au déploiement du réseau Sigfox en Belgique. Article rédigé par Astrid Laplanche, Growth Analyst pour La Belle Assiette.
Si Sigfox est devenue la coqueluche des géants du high-tech et des acteurs de l’énergie, c’est bien pour de bonnes raisons. Explications.
L’idée de génie: le Big Data, oui, mais avec quelles infrastructures?
Pour faire court, Sigfox crée des réseaux de communication pour l’Internet des objets (IoT, Internet of Things): fondée en 2009 par Ludovic le Moan, cette entreprise a fait le pari de travailler sur un réseau sans fil à bas coûts et faible consommation électrique afin de transporter les données émises par le parc grandissant des objets connectés - et donc de permettre une communication entre eux. Les objets connectés envoient en effet des messages de petite taille (l’équivalent d’un SMS), données qui peuvent passer sur des réseaux à bas débit, et donc meilleur marché.
Sigfox joue sur deux plans: si elle utilise des infrastructures existantes de réseaux télécom, sa force est d’avoir mis au point un protocole peu consommateur d’énergie pour les exploiter, et sur de longues distances - jusqu’à 40 kilomètres, idéal pour les zones urbaines; par ailleurs, elle propose aux fabricants d’objets connectés des capteurs de différentes formes à placer sur ces derniers, qui généreront des données.
Grâce à un tel réseau, toutes les notions de smart grid énergétique, smart cities et leurs cousins deviendront rapidement réalité: d’un capteur placé sur le compteur électrique de tous les foyers d’une ville, on pourra collecter des données en temps quasi réel pour optimiser la production d’électricité d’une centrale. Et ce n’est qu’un exemple.
Sigfox a donc mis la main sur un marché en pleine expansion, où peu d’acteurs sont déjà présents, et où l’avantage du premier arrivé est considérable: Sigfox couvre déjà plus d’un million de kilomètres carrés en Europe (France, Espagne, Portugal, Grande-Bretagne, Danemark et Pays-Bas) et ne compte pas s’arrêter là.
Un marché en pleine croissance : après Samsung, qui viendra frapper à la porte de Sigfox?
Le 15 juin 2015, l’investissement de Samsung dans la “startup” toulousaine a été officiellement annoncé - bien que le montant n’ait pas été indiqué. Il s’agit de soutenir le déploiement de l’entreprise en Europe et aux Etats-Unis, mais également d’intégrer le protocole de communication développé par Sigfox dans Artik, la nouvelle plateforme de Samsung.
Cette plateforme ouverte, proposée par le géant coréen aux développeurs et fabricants d’objets connectés, a été pensée afin d’accélérer l’innovation dans ce secteur, et de réduire le “time to market” de ces objets, en aidant au développement d’applications pour les entreprises, les industries et le grand public. Pour reprendre les mots du Président et Responsable de la Stratégie de Samsung Electronics, Young Sohn, “les développeurs pourront créer des appareils à faible coût, de faible puissance, ainsi que des services qui se connectent simplement au réseau”. A long terme, l’objectif est d’”atteindre la meilleure connectivité entre les différents objets de la maison, en collectant des données dans le cloud, tout en permettant d’assurer au mieux la sécurité”.
Le parc technologique de Samsung, qui compte télévisions, smartphones, tablettes, mais aussi ordinateurs, fours, réfrigérateurs, machines à laver, etc., représente une vraie manne économique si l’on y associe la connectivité bon marché (au sens premier du terme) offerte par Sigfox.
Les géants Google, Apple et Facebook, s’y sont également mis: quand le Brillo de Google se propose d’étendre la plateforme android à tous les objets connectés, afin que qu’ils soient faciles à configurer et être gérable depuis un smartphone, Apple déploie un système d’exploitation propre à son Apple Watch et génère de nouveaux flux de données … Le réseau de Sigfox a de beaux jours devant lui.
ENGIE, un grand frère de taille pour le développement international
Et Samsung n’est pas le seul à vouloir contribuer à la success story: ENGIE, l’opérateur de réseaux télécom, vient d’investir 4 millions d’euros dans une nouvelle entité, ENGIE M2M, dont le seul rôle sera de développer le réseau Sigfox en Belgique.
Un investissement rentable, qui permettra de nouvelles solutions B2B et B2C pour l’opérateur télécom. Côté B2C, la filiale permettra à ses clients, via un abonnement, de connecter leurs objets entre eux. Côté B2B, Sigfox propose à ses clients des émetteurs récepteurs, des systèmes sur puce (SoCs) et modules pour connecter leur objet à son réseau.
Un premier projet voit déjà le jour avec Cofely service, dont la mission est de travailler sur l’efficacité énergétique et environnementale des bâtiments: en s’appuyant sur le réseau Sigfox, l’entreprise proposera aux propriétaires d’immeuble de collecter des données sur la consommation énergétique de leur bien et de nouveaux leviers pour l’optimiser. Voilà une première smart city! Et, encore une fois, le moindre coût du réseau Sigfox fait la différence.
D’ici deux ans, ce sera sans doute au tour d’Electrabel, société d’électricité et de gaz naturel, d’intégrer la solution Sigfox dans son offre.
Un avenir brillant, à l’international, s’ouvre donc à Sigfox, qui saisit les opportunités une à une: il s’agit en effet de conserver sa position de tête, car le marché des objets connectés en attire plus d’un. Actility, son concurrent breton, vient de lever 25 millions d’euros, et bénéficie également du soutien d’acteurs des télécom, comme Orange. Sans parler de Qowisio, le challenger, qui a levé 10 millions d’euros...
La course aux données a commencé!