En pratique, toutes les startups innovantes ont eu l’occasion un jour de se poser la question de la protection de leurs droits de propriété intellectuelle. A ce titre, les startups rencontrent souvent des situations de conflits de droits, lors de la création ou pendant le cours de la vie sociale, sans pour autant maîtriser les solutions à y donner.


En 3 rubriques juridiques, je vous propose de vous transmettre quelques clés, qui vous permettront de mieux comprendre les enjeux et les stratégies de défense ou d’accord à mettre en place. Evidemment, comme toujours, l’ensemble de mes développements présentent des règles générales.

Chaque cas étant différent, il est indispensable de prendre conseil auprès d’un spécialiste de la matière, pour confirmer la pertinence de vos décisions finales.

Je suis titulaire d’une marque antérieure et une personne utilise ou imite celle-ci pour des produits et services identiques. Que faire ?

Selon l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, "la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale".

Pour protéger vos droits, 3 actions majeures vous sont offertes :

1- L’opposition à l’enregistrement d’une marque postérieure

Cette procédure doit être diligentée auprès de l’INPI et aboutit, si la demande est jugée fondée, au rejet de la marque nouvelle.

Qui peut faire opposition ? Tout propriétaire d’une marque antérieure, ce qui recouvre :

  • la marque française déposée (en cours d’enregistrement) ou enregistrée,
  • la marque communautaire, déposée (en cours d’enregistrement) ou enregistrée,
  • la marque internationale ayant effet en France ou sur le territoire de l’Union Européenne,
  • la marque notoire, suffisamment reconnue pour empêcher tout dépôt identique (ex : Coca Cola).

Sur quoi porte l’opposition ? Sur toute demande d’enregistrement de marque française ou de marque internationale ayant effet en France, qui serait identique ou qui imiterait votre marque. Attention, les produits et services visés doivent être identiques à ceux commercialisés sous votre marque antérieure.

Dans quel délai former opposition ? 2 mois à compter de la publication de la demande d’enregistrement au BOPI (Bulletin Officiel de Propriété Industrielle) – ou, si internationale, à la Gazette des marques internationales de l’OMPI - de la marque nouvelle.

Comment ? Par courrier (en LRAR) ou grâce au formulaire d’opposition en libre accès sur le site de l’INPI, via le lien : http://www.inpi.fr/fileadmin/mediatheque/pdf/ma464.pdf (en 2 exemplaires). En cas d’opposition nécessitant des observations particulières, il est vivement recommandé d’établir un courrier spécifique argumenté.

Afin de justifier du bien-fondé de votre demande, vous devrez en outre produire, en 2 exemplaires :

  • la copie de la publication de votre marque antérieure (enregistrement ou demande d’enregistrement),
  • la copie de la publication de la marque nouvelle contestée,

Attention : si la publication est en langue étrangère, il faut aussi joindre la traduction de la copie.

  • en cas de marque notoire, tout élément attestant de cette notoriété,
  • le cas échéant, les pages « Suites » des annexes,
  • si un mandataire vous représente, un pouvoir (sauf s’il s’agit d’un avocat ou d’un conseil en propriété industrielle),
  • le paiement d’une redevance de 310 € (par chèque, virement, prélèvement sur compte-client INPI, espèces ou CB sur place), à ne pas oublier sous peine d’irrecevabilité.

Le dossier est à adresser à :

INPI, Direction des marques, dessins et modèles, Service des oppositions

15, rue des Minimes CS50001

92 677 Courbevoie Cedex

Suivant la réception de votre dossier complet, l’INPI informe le déposant de la marque nouvelle litigieuse de l’existence d’une opposition. Ce dernier dispose alors d’un délai de 2 mois pour présenter ses observations.

L’INPI statue alors, au regard des éléments en sa possession, sur le bien-fondé de l’opposition, sous 6 mois. La décision de l’INPI est susceptible de recours devant les juridictions du 2nd degré (Cour d’appel)

2- L’action en nullité

Si vous êtes titulaire d’une marque antérieure, vous pouvez solliciter en justice l’annulation de la marque postérieure.

Il existe deux types de nullité :

  • la nullité relative : si la marque litigieuse porte atteinte à des droits antérieurs (marque, dénomination sociale, nom patronymique, droit d’auteur), le titulaire de ces droits antérieurs (et lui seul) sera fondé à agir en nullité,

Attention : l’action n’est pas recevable si la marque litigieuse a été déposée de bonne foi et si le titulaire antérieur a toléré l’usage pendant 5 ans.

  • la nullité absolue : si la marque litigieuse ne peut constituer une marque valable en elle-même (absence de distinctivité, illicéité du signe, impossibilité de représentation graphique), tout intéressé (y compris un concurrent ou un contrefacteur) peut agir.

La décision d’annulation a un effet absolu. Aussi, l’annulation d’un enregistrement de marque entraine également la nullité des licences concédées sur la marque dont l’enregistrement est annulé.

Bon à savoir : l’annulation d’une marque peut être totale ou partielle (dans ce dernier cas, la marque est nulle pour certains produits et services mais demeure valable pour d’autres).

3- L’action en contrefaçon

Les atteintes susceptibles d’être portées aux droits résultant de l’enregistrement peuvent être qualifiées de contrefaçons (articles L. 716-1 à L. 716-16 du Code de la propriété intellectuelle).

Ex : reproduction ou imitation de la marque pour des produits ou services identiques ou similaires. Cette action se concilie souvent avec l’action en concurrence déloyale, dans le cas où des agissements fautifs entraînant un dommage s’ajoutent à la contrefaçon de votre marque (parasitisme notamment).

Si vous êtes titulaire d’une marque antérieure contrefaite, vous pourrez faire valoir ses droits, en portant le litige devant les juridictions civiles et/ou pénales, dans les délais suivants :

  • 5 ans pour une action civile (devant le Tribunal de grande instance),
  • 3 ans pour une action pénale (devant le Tribunal correctionnel).

Sur le plan civil, l’action pourra aboutir à l’octroi de dommages et intérêts, selon le préjudice subi (préjudices financier et moral, atteinte à l’image, conséquences économiques négatives subies, bénéfices réalisés par le contrefacteur, économies d’investissement, etc.).

Sur le plan pénal, les auteurs de contrefaçon encourent des peines pouvant aller jusqu’à 300 000 € d’amende et 3 ans d’emprisonnement (doublées en cas de récidive). Ces sanctions sont portées à 500 000 € d’amende et 5 ans d’emprisonnement si le produits contrefaisants sont qualifiés de dangereux ou s’ils proviennent de réseaux criminels.

Des peines complémentaires peuvent également être prononcées, comme la fermeture totale ou partielle, définitive ou temporaire, de l’établissement ayant permis la contrefaçon.

Par ailleurs, le service des douanes, qui découvre des produits contrefaits, peut les saisir et les retirer du marché. Avant toute saisie, il peut également retenir les marchandises suspectées, pendant 10 jours ouvrables, sur demande du titulaire des droits antérieurs.

Bon à savoir : le Tribunal peut ordonner des mesures d’instruction ayant pour objet de collecter des preuves, mêmes en l’absence de saisie.

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