Intervenant généralement après un premier financement (love money, business angels, OSEO, etc.), les fonds d’investissements ont une place prépondérante dans l’éco système entrepreneurial. Ils sont aussi présents dans le numérique et ont le rôle de propulser une entreprise vers une nouvelle étape de sa vie (bourse, rachat, etc.). Chaque acteur a besoin de son prochain, les fonds ont besoin des BA et du public pour déceler de nouvelles pousses, racheter et a besoin de vendre au plus offrant pour pouvoir réinvestir, un équilibre bien huilée que nous décrypte Nicolas Celier d’Alven Capital :
#1 On va d’abord commencer par vous demander de présenter ce qu’est et ce que fais un fonds d’investissements ?
Les apports d’un fonds d’investissement sont de plusieurs ordres:
- l’objectif premier est d’apporter de l’argent pour financer la croissance des startups à haut potentiel
- en tant qu’actionnaires et membres des conseils d’administration ou de surveillance les représentants du fonds participent à la gouvernance de ces sociétés dans lesquelles ils investissent
- et enfin ils ont pour missions d’épauler et accompagner les entrepreneurs, pour le meilleur bien de la société et de ses actionnaires
L’objectif est d’aider l’entrepreneur à accélérer dans des bonnes conditions, à éviter les sorties de route, tout en partageant son expérience et sa connaissance de l’écosystème.
#2 Est-ce que vous pouvez nous expliquer les différences – ou les complémentarités – entre les autres sources de financement proposées aux start-ups ?
Le financement en capital c’est un financement qui coûte très cher à l’entrepreneur car le risque pris est important. En échange de ce financement l’entrepreneur donne ce qu’il a de plus précieux : le capital de sa société. Il doit donc vraiment obtenir des contreparties importantes : en cash bien sûr, mais aussi en s’assurant de la compétence et de l’intégrité de son futur associé financier, de son réseau et de sa capacité à contribuer au développement de sa société.
Le premier financement en capital, joliment appelé love money (argent provenant de la famille, des proches, etc.), permet de créer la société et d’assurer ses premiers pas, mais les sommes obtenues in fine restent quand même très modestes. Les investisseurs personnes physiques (Business Angels) sont un très bon moyen de trouver des financements de départ et de bénéficier de l’expérience et du réseau d’entrepreneurs compétents. La récente loi TEPA, en favorisant les investissements de Business Angels a eu un effet très positif sur la création et le développement de startups en France.
Les fonds de capital risque peuvent investir avec ou à la suite des business angels, ce sont des investisseurs professionnels qui ont des capacités de financement souvent bien supérieures et peuvent contribuer à financer la société sur plusieurs années.
Les autres financements sont publiques ou para publiques, les plus efficaces sont le: crédit impôt recherche, le dispositif J.E.I., les avances remboursables OSEO, …
Lorsque qu’une start-up aura atteint une taille et une rentabilité suffisante elle pourra alors prétendre à d’autres types de financements moins dilutifs en capital comme les obligations convertibles, voire emprunts bancaires. Plus tard, quelques élus pourront se financer à plus grande échelle par en s’introduisant en bourse, si la conjoncture le permet.
#3 Comment aidez-vous les start-ups ? Dans quelles phases de développement ?
Nous aidons les entrepreneurs de différentes manières, selon leurs besoins, leur stade de développement et leur expérience. Nous n’aidons pas de la même façon un entrepreneur qui démarre sa vie professionnelle et un serial entrepreneur.
D’une part nous essayons d’être un partenaire disponible et à l’écoute afin d’aider à réfléchir sur les problématiques opérationnelles, sur la stratégie, l’organisation, les opérations de croissance externe et de sortie.
L’exigence d’une discipline en termes de reporting est aussi très utile aux managers, cela les pousse à prendre du recul, à sortir régulièrement la tête de l’opérationnel, pour mesurer l’atteinte des objectifs, identifier très tôt des dérives éventuelles et prendre rapidement les bonnes décisions.
Les dirigeants de startups bénéficient souvent des enseignements tirés de nos expériences réussies de l’accompagnement de start-up comme de nos échecs.
Enfin, notre connaissance de l’écosystème et nos réseaux peuvent aussi être très utiles au développement des sociétés de notre portefeuille et leur faire gagner un temps précieux. Par exemple, nous avons présenté Monshowroom aux équipes de Casino qui ont racheté la société quelques mois plus tard.
#4 Vos dernières réussites ? Quelles actualités ?
Monshowroom, qui a été vendu récemment à Casino est une très belle histoire écrite par deux femmes très talentueuses, notre chance fut de croire très tôt au fort potentiel des fondatrices malgré leur peu d’expérience et méconnaissance du secteur.
Une autre réussite récente fut le succès d’eboutich, premier site suisse de ventes privées qui été racheté récemment par Maus Frères, le plus premier groupe de distribution helvétique. Plutôt que de soutenir un énième acteur de ventes privées en France nous avons choisi d’investir très tôt dans le premier acteur du secteur en Suisse afin qu’il devienne le leader de ce marché.
Plus récemment encore nous avons investi en amorçage dans Socloz, aux côtés d’entrepreneurs de premier plan Oleg Tscheltzoff, Geoffroy Bragadir et Cédric Mangaud. SoCloz qui offre solution Web-to-Store qui permet de réconcilier les acteurs de la distribution offline avec l’internet en dirigeant les internautes à la recherche d’un produit vers le magasin le plus proche d’eux… (et vous pouvez d’ailleurs retrouver l’interview de son fondateur pour un autre point de vue sur les levées de fonds ici).
#5 Comment percevez-vous les investissements actuels, est-on dans une situation de crispation ?
Nous ressentons une crispation plus sur la sortie que sur la création et sur la croissance des startups. La conjoncture rend les introductions en bourse hasardeuses et difficiles, par ailleurs les grands groupes européens, peu innovants de nature, sont très réticents à racheter des startups ou à investir dans les nouvelles technologies. En la matière nous sommes donc très dépendants des entreprises et des fonds de private equity américains. Par ailleurs, la crise boursière et Bâle 3, ont également diminué les capitaux disponibles pour financer le capital risque qui peine à se financer.
Toutefois les fonds de capital risque qui affichent de solides performances parviennent à se financer. Tout comme les entrepreneurs les plus convaincants qui sont toujours très sollicités par les fonds et reçoivent le plus souvent plusieurs propositions d’investissement.
Les sociétés de nos portefeuilles ne se sont jamais aussi bien portées qu’aujourd’hui. Les VC et les entrepreneurs des années 2000, ont beaucoup appris de la bulle internet et leur expérience bénéficie à une nouvelle génération d’entrepreneurs très talentueuse.
Les périodes de crise sont souvent favorables à l’émergence de sociétés innovantes. Confrontées à une moindre concurrence elles peuvent se développer plus rapidement. Ce n’est pas un hasard si des acteurs leader de l’internet comme Seloger qu’Alven a financé ou encore Vente Privée, Meetic et Price Minister se sont lancés en pleine crise de l’internet et ont connu de grands succès.
#6 L’avenir des start-ups et de l’écosystème ? Voyez-vous une baisse des dossiers que vous recevez ou le contraire ?
Nous sortions de la crise par l’innovation, l’entreprenariat et le numérique. Les startups sont le moteur de l’économie américaine, nous sommes condamnés à suivre le même chemin.
Je suis très optimiste sur l’avenir des startups. D’une part, nous sommes encore au début du tsunami de la digitalisation du monde, porteur d’innovation et de nouveaux usages. D’autre part, même en France, l’entreprenariat devient un véritable modèle social, de plus en plus de jeunes diplômés rêvent marcher dans les pas de Mark Zuckenberg quand leur ainés se voyaient énarques ou traders. Une société ou la prise de risque est valorisée, ne peut pas aller mal.
Enfin, il est beaucoup plus facile de créer sa start-up aujourd’hui: internet a démocratisé l’accès à l’information, l’accès aux clients, l’accès aux compétences clefs…La technologie aussi est beaucoup plus accessible en raison notamment de l’essor du logiciel libre. Donc, non seulement la qualité des entrepreneurs qui nous sollicitent s’est beaucoup améliorée au cours des dernières années, mais ils sont de plus en plus nombreux, de plus en plus jeunes, ils comptent de plus en plus de femmes dans leurs rangs et viennent d’horizon sociaux de plus en plus diversifiés. Le seul hic, c’est qu’en conséquence, la concurrence est aussi de plus en plus rude et que seuls les meilleurs survivent…
Bref, la qualité des projets que nous recevons s’améliore nettement depuis quelques années et nous ne constatons pas de baisse du nombre des dossiers reçus malgré la crise (NDLR : C’est quand même plus de 1000 dossiers reçus chaque année pour 5 à 7 élus).
#7 Avez-vous un conseil ou des facteurs de succès déterminants pour réaliser une levée de fonds?
- Etre préparé, se renseigner sur les VC, bien cibler les investisseurs pertinents, essayer de se faire se faire introduire une personne référante
- Avoir un projet cohérent, être très clair sur la valeur apportée, le marché adressé, l’avantage concurrentiel durable, trop souvent absents des présentations
- Essayer d’avoir le sens du timing, lever quand le momentum est bon, quand le projet est dans une dynamique positive en termes de succès commerciaux ou de signatures d’accord avec des partenaires, ou lorsque le buzz médiatique est favorable …. Un process de levée de fonds s’étale sur plusieurs mois, attention à ne pas décevoir pendant cette période. Pour commencer à instaurer une relation de confiance, il vaut mieux avoir des objectifs plus conservateurs et les dépasser chaque mois, que d’être systématiquement au dessous d’objectifs trop ambitieux…