Très présent dans l'actualité récente, en particulier aux USA, Pealk répond à nos questions et nous parle notamment de sa récente mésaventure avec LinkedIn, qui a brutalement interdit leur application. Une aventure humaine riche en expérience et en conseils, à découvrir dans la suite avec Boris Golden, co-fondateur et CEO de Pealk :

#1 On va d’abord commencer par te demander de te présenter et de présenter Pealk

Je m'appelle Boris Golden, et j'ai 28 ans. Je baigne dans les startups depuis 3 ans maintenant. Pealk, c'est ma 2ème startup, et je l'ai créée avec 3 associés (Anthony, Nicolas et Yann) !

Pealk, c'est un logiciel disponible sur le web, permettant à toute personne disposant d'un compte LinkedIn de rechercher, organiser, passer en revue et contacter des profils de personnes sur LinkedIn. Le tout de façon simple, agréable et efficace ! (et quand vous passez plusieurs heures par jour sur LinkedIn, ça change TOUT).

L'idée derrière Pealk, c'est de fournir un outil de "productivité" pour les professionnels (recruteurs, business developers, commerciaux, etc) qui passent beaucoup de temps sur Internet pour trouver et contacter d'autres professionnels. Par exemple pour leur proposer des offres d'emploi, un contact dans le cadre d'un business, une mise en relation...

Il y a des millions de personnes qui en ont besoin aujourd'hui ! Aujourd'hui, on l'a fait sur LinkedIn, mais on peut adapter très facilement le produit à d'autres plate-formes professionnelles (comme Viadeo, Xing, Monster, BranchOut, Data.com, etc).

#2 Et Pealk, ça marche ?

A vous de juger 🙂 Quelques chiffres :

  • 10 semaines écoulées depuis le lancement
  • 0 euros de marketing (bon OK, on a dépensé $50 en LinkedIn ads pour voir)
  • 2 700 utilisateurs dans plus de 30 pays
  • 20 reviews d'experts extrêmement positives
  • des centaines de feedbacks élogieux d'utilisateurs qui nous donnent VRAIMENT envie de nous lever tôt chaque matin !

Ca, c'est le côté vraiment positif de notre histoire. On a sorti un produit de qualité, qui répond à de vrais besoins, qui a été adopté et reviewé dans le monde entier, et ça on en est vraiment fiers (bon, on a eu le droit dans le passé à quelques projets précédents bien foirés avant d'en arriver là, hein 😉 ) !

Le côté (légèrement) moins rose, c'est qu'à l'heure où je vous parle, Pealk n'est plus disponible... LinkedIn nous a coupé l'accès à leur API (c'est-à-dire au système qui nous permettait de nous intégrer à leur plate-forme) !

#3 Que s'est-il passé avec LinkedIn en deux mots ?

En quelques mots – même si aujourd'hui on veut surtout se concentrer sur l'avenir – l'histoire c'est que nous avons discuté avec LinkedIn pendant 2 mois pour nouer un partenariat (les discussions ont commencé dès le lancement de notre beta). Tout semblait se passer au mieux... jusqu'à ce que l'on apprenne brutalement qu'ils allaient nous couper l'accès à l'API, sans aucune raison (les motifs de cette coupure nous ont été communiqués a posteriori). Nos tentatives de négociation restant vaines (on était prêt à changer tout ce qu'ils voulaient pour survivre !).

L'histoire a vraiment intéressé le Web pendant une grosse semaine, puisqu'au-delà de notre cas personnel (symboliquement fort de par le côté David contre Goliath, mais finalement assez anecdotique compte-tenu de notre taille), c'est bien toute la problématique de la gestion des écosystèmes de partenaires / startups autour de plate-formes comme LinkedIn qui se pose. Sachant que l'innovation pour un acteur important passe et passera de plus en plus par des solutions comme Pealk qui naissent dans son écosystème et proposent une façon différente d'apporter de la valeur...

Pour ceux que ça intéresse (encore 😉 ), la version longue et détaillée de l'histoire est dans un (très long) article de The Next Web ici.

Après, les Relations Presse de LinkedIn ont fait leur travail, à savoir contester énergiquement les faits. Mais leur version de l'histoire a évolué sans cesse pendant 2 jours, ce qui a considérablement diminué leur crédibilité...

#4 Quel est ton interprétation de la situation ?

On a démontré qu'il y avait une très forte traction utilisateurs sur notre produit, et que notre positionnement productivité / expérience utilisateur avait un vrai sens pour beaucoup de personnes utilisant intensément LinkedIn (et prête à payer pour). Il y avait eu beaucoup de buzz autour de Pealk en quelques semaines, et des feedbacks vraiment excellents.

Et pour cause : LinkedIn reste très "data-centric" (ils possèdent la plus belle base de données sur les professionnels dans le monde), et ils ont jusqu'à présent beaucoup négligé les outils professionnels pour exploiter ces données. Typiquement, leur offre "LinkedIn Recruiter" (qui coûte quand même autour de 7 000 euros par an et par utilisateur, donc qui reste réservée à une "élite") offre un accès débridé à l'ensemble de la base de LinkedIn, mais à travers un logiciel qui pêche par son ergonomie et ses fonctionnalités (et ce n'est pas moi qui le dis...).

A côté de ça, on avait développé des fonctionnalités simples, efficaces et vraiment adaptées comme le "profile flow", qui permet de balayer très facilement et très rapidement des dizaines de profils, tout en les classant dans des dossiers, ajoutant des notes, etc. Le gain de temps pour ceux qui traitent des centaines de profils par jour est considérable ! Et c'est tellement moins pénible en plus... Bref, on se demande pourquoi cette fonctionnalité n'existe pas déjà dans les solutions payantes de LinkedIn ! Mais comme souvent, l'évidence s'impose... a posteriori !

Un nombre croissant d'utilisateurs des solutions payantes de LinkedIn (surtout les abonnements Premium et Linkedin Recruiter) se sont mis à utiliser Pealk, qui était d'après un certain nombre d'entre eux un outil plus efficace et agréable à utiliser (même si on disposait d'un accès bridé à la base de données LinkedIn, tant que nous n'avions pas de partenariat avec eux). Et cette popularité de Pealk, surtout chez des gens utilisant les solutions payantes de LinkedIn, a dû être finalement perçue comme une menace.

#5 Mais n'est-ce pas un énorme risque de tout miser sur une seule API ?

On savait que c'était un risque, depuis le début. Mais un risque mesuré ! On a choisi de le prendre et on ne regrette rien ! Les risques, toute startup en a, mais ils sont en général mal identifiés...

Certains nous font la critique un peu rapide de dire (en gros) que c'est un non sens business de s'adosser à une (seule) API. Si je suis d'accord qu'il faut mitiger les risques et avoir des plans B (on en a), je ne suis pas du tout d'accord sur le fond de cette remarque :

  • si la solution est d'exploiter plusieurs API en parallèle, je pense que cela multiplie les potentiels problèmes plus que cela ne diminue le risque
  • on a détecté une énorme opportunité sur LinkedIn, et on a foncé. C'est aussi ça, l'entrepreneuriat !
  • l'avantage de s'adosser à une API comme celle-ci, c'est que l'on a peu de chance de végéter pendant des années sans savoir si le business va décoller ! En effet, le partenaire peut nous éjecter rapidement (ce qui nous est finalement arrivé), et on peut assez facilement se faire une idée du "market fit" (grâce à la facilité de diffuser son produit via une plate-forme comme LinkedIn)
  • enfin, il faut savoir que LinkedIn souhaite lancer sa marketplace d'applications courant 2013 (bon, après la manière dont ils ont géré notre cas, et le bad buzz qu'ils ont subi, ça va peut-être les faire réfléchir un peu... et au passage refroidir pas mal de développeurs et de startups). Le timing était donc parfait pour nous !

Je pense vraiment que le futur de beaucoup de produits innovants sur le web, en mode "lean startup" (en gros : agile, rapide, pas cher au début), passera par l'exploitation de plate-formes puissantes et populaires via leur API. Mais il y a encore beaucoup de choses à clarifier pour que cela soit possible (les conditions d'utilisation des API tellement peu claires, la visibilité que les plate-formes donnent à leurs partenaires, etc).

Cependant, la toute récente rupture du partenariat avec LinkedIn par Twitter (ça sent l'arroseur arrosé 😉 ) montre bien que ce n'est facile pour personne, avec des acteurs dont la ligne de conduite est très opportuniste et change en fonction de leurs besoins et de leur stratégie...

#6 Qu'est-ce qu'on ressent dans une telle situation ? C'est perturbant ? Excitant ?

Mixed feelings! Sur le coup, perturbant. Surtout qu'on ne s'y attendait pas, compte-tenu des très bonnes relations qu'on entretenait avec LinkedIn... Donc ça a été un choc ! Et ce d'autant qu'ils ont refusé toute forme de négociation et ne nous ont fourni aucune explication pour la coupure (avant d'y être fortement incités par les journalistes) !

Ensuite, quand on a reçu des centaines de compliments et d'encouragements, on a retrouvé le sourire, même si on l'a progressivement perdu quand on a vu le portrait de notre équipe que LinkedIn a essayé de brosser.

Aussi, ce qui est troublant, c'est de se sentir si prêts du but... On fait un produit qui décolle immédiatement à son lancement et qui reçoit un excellent accueil ! On négocie avec LinkedIn qui apprécie notre application ! On se dit qu'on va enfin faire un business qui tourne et pouvoir se payer un salaire (oui, oui, rien que ça, ce serait déjà génial 😉 ) ! Et vlan, la claque !

Après, tout s'enchaîne très vite, et c'est un mélange de déception, d'excitation, d'exaspération, d'incertitude... Je n'ai jamais aussi peu dormi que ces 2 dernières semaines : réunions, avocats, huissiers, journalistes, coups de téléphone, réflexions, discussions avec l'équipe, démarchage...

Mais on veut remercier chaleureusement LinkedIn pour une chose : grâce à eux, le monde entier sait que l'on a fait un produit de qualité, qui a été suffisamment populaire pour qu'ils le suppriment sans nous laisser le choix !

Par contre, je ne voudrais pas décourager des gens qui hésitent à se lancer. C'est une aventure de dingue, quelque soit ce qui vous arrive ! Foncez ! C'est une expérience qui vaut tous les diplômes du monde !

#7 Quels sont vos plans pour le futur ? Est-ce une opportunité finalement ?

On a comme grands axes :

  • la protection de notre propriété intellectuelle, car on sait que l'on a crée des fonctionnalités originales et innovantes
  • la reprise de contacts plus apaisés avec LinkedIn, pour voir ce que cela peut donner !
  • la réalisation d'une application Chrome qui permettrait aux personnes utilisant Google Chrome de bénéficier d'un certain nombre des fonctionnalités de Pealk, en toute légalité... depuis leur navigateur Internet ! Eh oui, on ne va pas lâcher si vite notre produit ! 😉
  • l'intégration de Pealk sur d'autres plate-formes... On est en discussion avec pas mal de monde...

Une opportunité ? C'est bien possible... Stay tuned! A très bientôt !