Cela fait des années que les grandes entreprises utilisent l’intelligence artificielle. Celle-ci a déjà transformé nombre d’usages et d’opérations : maintenance prédictive, prévision des ventes, détection d’anomalies… L’IA a permis de renforcer l’analyse, de fiabiliser les décisions, d’accélérer les chaînes de valeur. Dans ces cas-là, elle a été intégrée dans des processus formalisés, portés par les métiers, avec des effets durables et visibles à l’échelle de l’entreprise mais sur des domaines très précis, et verticalisés.

L’IA générative, elle, a pour le moment pris un tout autre chemin : celui des usages individuels. Ce sont les salariés qui en ont pris l’initiative. En France, 83 % l’utilisent déjà chaque semaine, et 92 % d’entre eux se disent satisfaits. Leurs utilisations sont variées et concernent des tâches simples et répétitives, propres à chaque fonction : synthèse de documents, rédaction de supports, recherche, reformulation. Résultat : en moyenne, ils économisent une heure de travail par jour.

Et que font-ils de cette heure gagnée ? 66 % des utilisateurs déclarent la réinvestir dans des interactions plus riches avec leurs collègues ou leurs clients. Pour beaucoup, leur travail est devenu plus collaboratif, plus fluide. Et pourtant, l’impact collectif reste encore flou! L’usage est trop dispersé, trop informel pour devenir un levier structurant de performance à l’échelle de l’entreprise.

Intégrer l’IA dans les rouages de l’entreprise 

La solution pour y parvenir ? Sortir d’une logique d’usage individuel pour passer à une approche fondée sur les processus. Car ce qui permet réellement de changer d’échelle, ce n’est pas l’outil technologique en lui-même, mais son intégration dans les rouages existants de l’organisation. Il s’agit d’identifier les processus les plus chronophages, répétitifs ou à faible valeur ajoutée — puis de les transformer en profondeur pour y déployer l’IA générative de manière structurée.

Une grande banque française, qu’Artefact accompagne l’a déjà fait. En testant un agent IA sur l’octroi de crédit, elle a réduit un délai de traitement d’un mois à une semaine, en supprimant les temps morts, les validations superflues, les recherches documentaires chronophages. Les entreprises qui intègrent l’IA dans un cadre structuré constatent des gains de productivité supérieurs de 30 % à celles qui laissent les usages se développer de manière informelle — des gains qui ne se limitent pas à la performance chiffrée, mais qui améliorent aussi l’expérience client, redonnent du temps aux équipes et renforcent la coopération entre les fonctions.

Et c’est là que se joue le vrai passage à l’échelle : quand l’IA n’est plus simplement un outil destiné à un usage individuel, mais qu’elle devient un levier de transformation de l’organisation. Ce changement ouvre aussi un nouveau rapport au travail. 75 % des utilisateurs disent gagner en autonomie. Un salarié sur trois affirme faire des choses qu’il ne savait pas faire auparavant. L’IA devient un accélérateur d’apprentissage, un levier de mobilité, un outil pour réinventer les rôles et les équipes.

Mais ce n’est pas tout : il ne s’agit pas simplement d’automatiser certaines tâches à court terme pour gagner en productivité. Il faut aussi penser l’IA comme un outil d’augmentation : un levier pour enrichir les compétences, élargir les marges d’action, faire émerger de nouveaux métiers — et accompagner les transformations profondes du travail à long terme. C’est aux entreprises de placer le curseur, en fonction de leur vision stratégique : décider ce qui doit être automatisé pour libérer du temps, et ce qui mérite d’être augmenté pour faire monter en puissance les individus.

Car l’enjeu fondamental n’est pas de savoir comment adopter l’IA, mais comment l’adopter de façon pérenne, sur les 10 à 20 prochaines années. Cela suppose une vision à long terme et un véritable investissement dans une plateforme d’apprentissage et de développement des compétences. L’important, c’est de construire une force de travail du futur, qui combine intelligemment savoir-faire humain et puissance des machines — et qui saura s’adapter aux évolutions radicales à venir.

Vincent Luciani interviendra à la table ronde “Productivité : comment faire de l’IA un levier de performance collective” de 15h00 à 15h30 à la MKIA, à la salle Gaveau, le 29 avril.