L’IA sait coder. Et plutôt bien. Mais elle ne sait pas pourquoi elle le fait. Et si nous, développeurs, cessons de nous poser cette question, nous ne vaudrons pas mieux qu’elle. Jusqu’à récemment, l’IA était une commodité. Elle suggérait des séries, optimisait des itinéraires, corrigeait nos fautes de frappe. Son intrusion dans nos vies était discrète, tolérée, voire saluée. Peu s’interrogeaient sur l’impact de ces outils. Après tout, qui s’inquiète du sort des fabricants de cartes routières face à Google Maps ?

Mais l’IA ne se contente plus d’agrémenter notre quotidien. Elle s’attaque désormais aux fondements mêmes des métiers, et le développement logiciel est en première ligne. Génération automatique de code, détection d’anomalies, sélection de modèles d’apprentissage automatique : elle apprend vite. Très vite. Alors, qui survivra à cette mutation ? Contrairement aux idées reçues, ce ne seront ni les plus rapides ni les plus techniques. Ceux qui resteront seront ceux qui remettront l’IA à sa place.

La fin du développeur exécutant

L’illusion du développeur-artiste, sculptant son code tel un orfèvre, n’a pas tenu bien longtemps. La réalité est plus prosaïque : dans 90 % des cas, coder, c’est traduire un besoin métier en instructions compréhensibles par une machine. Et devinez quoi ? L’IA fait ça très bien. Demandez-lui d’écrire une fonction, elle obéira. D’analyser des logs, elle synthétisera. De générer une API, elle vous la livrera en quelques secondes.

Alors, à quoi bon un développeur humain ? Pour son intention. Son sens critique. Sa capacité à comprendre les enjeux, au-delà du code. L’IA sait faire, mais elle ignore pourquoi elle le fait. Elle ne connaît ni le contexte, ni les conséquences, ni l’éthique. Si nous, développeurs, nous réduisons à l’exécution aveugle, nous sommes déjà remplacés.

L’obsession de la productivité : une impasse

Pendant des décennies, la course à la rapidité et à l’efficacité a dicté nos choix. Mais à quoi bon coder plus vite si l’on ne se pose jamais la question du sens ? L’histoire récente du développement en est l’illustration parfaite : hier, nous écrivions tout from scratch. Puis vinrent les frameworks, puis les briques réutilisables. Aujourd’hui, l’IA accélère encore cette logique. Jusqu’à quel point ?

Si tout devient modulaire et automatisable, le développeur n’a plus d’avenir en tant qu’exécutant. Sa valeur ne réside pas dans la rapidité d’écriture, mais dans sa capacité à penser. À donner du sens. À refuser de devenir un simple technicien du code.

L’illusion du développeur indispensable

On a longtemps cru que la pénurie de développeurs assurerait leur avenir. Mauvais pari. Ce qui était une denrée rare hier ne l’est plus aujourd’hui. Les développeurs qui se contentent d’écrire du code sans réflexion stratégique seront, tôt ou tard, marginalisés.

L’IA ne va pas “supprimer” les développeurs. Mais elle va trier. Elle va distinguer ceux qui acceptent de remettre en question ce qu’ils font, et ceux qui suivent la vague en espérant ne pas être balayés. Le darwinisme technologique ne récompense pas les plus forts, mais les plus adaptables. Et s’adapter, ce n’est pas apprendre à coder plus vite, c’est apprendre à coder mieux.

Pour quoi et pour qui coder ?

La vraie question n’est pas de savoir si l’IA va prendre votre job. Elle le fera, tôt ou tard, si vous vous contentez d’exécuter. La vraie question est : qu’allez-vous faire de l’IA ? Développer, ce n’est pas seulement écrire du code. C’est choisir pourquoi et pour qui on le fait. C’est refuser d’être l’exécutant de modèles générés à la chaîne. C’est comprendre que la technologie n’est pas une fin, mais un moyen.

L’IA n’est ni une menace, ni une solution miracle. C’est un outil, puissant, exigeant, qu’il faut savoir maîtriser - non pas pour coder plus vite, mais pour coder mieux. Pour se libérer des tâches rébarbatives et se concentrer sur ce qui compte : la conception, la vision, la finalité, l’éthique. Le sens. Alors, Homo Developus : êtes-vous prêt à coder avec conscience ?