IA : arrêtez de chercher de l’or, construisez les pelles et les pioches

Ayant démarré dans la tech à l’aube du web dans les années 90, j’ai vu défiler les cycles : cloud, mobile, blockchain… Mais rien n’a l’ampleur — ni surtout la vitesse — de la vague que l’IA déclenche aujourd’hui. Là où la digitalisation a transformé nos interfaces, l’intelligence artificielle s’attaque aux fondations : décision, création, exécution. Même les secteurs dits "bricks and mortar" n’échappent plus à sa traction.

Et comme dans toute ruée vers l’or, la tentation est grande de se précipiter là où ça brille. Pourtant, ceux qui tirent vraiment leur épingle du jeu ne sont pas toujours les chercheurs d’or. Ce sont ceux qui construisent et vendent les outils : les pelles, les pioches, les plans de galerie, les tunneliers...

La vraie richesse est dans l'infrastructure 

Aujourd’hui, trop de startups IA sont en réalité des "features déguisées en produits". Interfaces séduisantes, démos bluffantes… mais une utilité réelle peu pérenne en mode "kleenex", un modèle économique fragile, et une dépendance forte à des briques technologiques qu’elles ne maîtrisent pas. Les opportunités solides se trouvent ailleurs : dans l’Applied AI. Ces solutions verticales, souvent moins sexy mais radicalement plus utiles, qui s’intègrent dans des métiers, et les process, dans la chaîne de valeurs.

C’est là qu’apparaissent les futurs leaders, avec des outils de structuration et de traitement des données, des plateformes d’intégration de modèles dans des environnements industriels ou financiers et des solutions de MLOps ou de traçabilité sectorielle

Prenons l’exemple de Fairly Made, une startup de notre portfolio, qui utilise l’IA, entre autre, pour tracer l’impact environnemental des chaînes d’approvisionnement textile. Ce n’est pas une innovation de façade. C’est une réponse concrète à un enjeu business complexe — avec un potentiel systémique qui intègre même la dimension RSE...

Construire des galeries solides : la donnée comme charpente

Dans cette nouvelle mine, creuser sans structurer, c’est s’exposer à des effondrements. La data est l'ADN de l’IA, mais mal préparée, mal protégée, mal contextualisée, elle peut devenir un danger. On parle beaucoup de cybersécurité. Trop peu de datasécurité — c’est-à-dire la gouvernance intelligente de la donnée : collecte éthique, structuration claire et anonymisation, granularité, traçabilité. Là encore, une opportunité immense se dessine pour les fondateurs qui oseront construire ces briques invisibles, mais essentielles. Parce que sans elles, il n’y aura pas d’IA fiable. Et sans confiance, pas de marché.

L’IA ne remplace pas l’humain, elle le prolonge

Chez Frenchfounders, j’ai le privilège d’observer ces transformations sous différents prismes grâce aux échanges constants au sein de notre réseau mondial. Avec plus de 25 000 leaders répartis dans le monde entier, nous sommes bien plus qu’un simple réseau business : nous sommes une plateforme d’échanges humains où se croisent idées et expériences business.

Cette diversité est une chance incroyable. Les discussions avec nos membres — entrepreneurs, dirigeants ou investisseurs — permettent d’appréhender comment l’IA transforme aussi bien les grandes multinationales que les PME locales. Ces échanges enrichissent notre vision globale et nous aident à identifier et à accompagner des entreprises tout en tenant compte des défis spécifiques à chaque secteur. Ce qui émerge, c’est une certitude : l’IA ne vaut que par ce qu’elle permet à l’humain d’accomplir. Elle ne doit pas être un substitut, mais un amplificateur.

Discerner pour transformer : l’intelligence collective, clé d’une IA durable

Je crois fermement que le succès repose sur le collectif. L’intelligence collective générée par la communauté est un levier essentiel pour naviguer dans le défi que représente l’intégration de l’IA dans nos entreprises. Je crois fermement en une IA collaboratrice, porteuse d’évolution plutôt que de remplacement. Comme le défend Reid Hoffman, le co fondateur de LinkedIn que nous avons déjà reçu sur nos événements, ce qui compte, ce n’est pas l’autonomie des machines, mais la collaboration entre intuition humaine et puissance algorithmique.

Alors que nous sommes à une époque où les algorithmes impactent tous les aspects de nos économies (et même de nos vies..), mon mot clé est le discernement. Pour avancer aussi vite que l’IA nous le propose et en tirer parti au mieux, notre sens critique et notre curiosité seront nos seuls alliés. Parce que dans cette nouvelle mine, la vraie valeur, ce ne sera pas l’accès à la technologie, mais la capacité à l’exploiter avec intelligence — et discernement.