Depuis des décennies, nombreux sont les dirigeants et observateurs internationaux à décrire l’Afrique comme le «continent de demain». Et ce qui était formulé comme un vœu il y a encore quelques années, commence à se concrétiser en une ambition bel et bien réelle grâce à la vitalité croissante de l’écosystème tech en Afrique. En effet, pour relever les nombreux défis qui s’imposent aux pays africains, les nouvelles technologies représentent un levier à la force de frappe colossale afin de faire entrer le continent dans une nouvelle dimension.

Avec la création de nombreuses startups dans des domaines clés, comme l’e-commerce, l’inclusion financière, la souveraineté agroalimentaire ou encore la santé, et une chaîne de financement qui se met en ordre de bataille, l’écosystème tech africain se structure et aborde désormais l’avenir avec optimisme. Entre 2013 et 2023, ce sont 20 milliards de dollars qui ont été investis sur le marché du capital-risque africain, dont 68 % sur les trois dernières années de cette décennie d’investissements. Néanmoins, cela reste particulièrement modeste pour un continent qui devrait compter 2,5 milliards d’habitants en 2050, selon les prévisions de l’ONU. Soit un humain sur quatre à cet horizon !

«Le Maroc est un hub d’ouverture pour l’ensemble de l’Afrique»

Dans ce contexte, la tech africaine veut passer la vitesse supérieure et des événements comme le Gitex Africa ont vu le jour pour faire rayonner l’écosystème continental à l’échelle mondiale. Lancé en 2023, cette déclinaison nord-africaine du méga-salon dubaïote a vocation à faire du Maroc un épicentre africain de l’innovation. «Le Maroc est un hub d’ouverture pour l’ensemble de l’Afrique», confirmait d’ailleurs il y a quelques jours Marie-Albane Prieur, directrice du développement Export chez Bpifrance, à l’occasion d’un petit-déjeuner organisé par Frenchfounders sur les opportunités qui existent en Afrique pour les entrepreneurs français.

Pour autant, si la langue ne constitue pas une barrière dans de nombreux pays africains parlant la langue de Molière, attention à l’excès d’orgueil qui pourrait ruiner les chances de succès de nos compatriotes d’entrée de jeu. «Il faut arrêter de penser que l’Europe va sauver l’Afrique. Les Chinois et les Sud-Américains sont là», observait Christian Byron, Head of Business Operations Markets Afrique, Moyen-Orient et Amérique latine chez Unilever, lors de ce même rendez-vous du réseau business francophone. Une mise en garde que valide Marie-Albane Prieur : «Il y a un risque d’arrogance à croire qu’on nous attend alors qu’on nous attend absolument pas. On peut aussi citer la Turquie et le Royaume-Uni qui sont présents. Il y a des opportunités, mais il faut être conscient et préparé. Il ne faut pas croire que c’est facile juste parce qu’on a la même langue. Et puis il faut avoir en tête que toutes les voies commerciales sont en train de se redessiner dans le contexte actuel.»

Le Maroc monte en puissance dans l'IA

Comme les lignes évoluent en effet très rapidement sur l’échiquier géopolitique international, le Maroc ne veut pas rater le coche. Et le royaume entend bien capitaliser sur le Gitex Africa pour rayonner bien au-delà de ses frontières nationales et continentales.

Dans cette perspective, le Maroc mise notamment sur l’intelligence artificielle et c’est donc logiquement que le pays dirigé par le roi Mohammed VI figure parmi les fondateurs de «Curent AI», une coalition internationale qui vise à mobiliser 2,5 milliards de dollars sur 5 ans pour financer des projets d’intérêt général dans l’IA. Sans surprise, l’IA, comme dans l’ensemble des salons internationaux, sera sur toutes les lèvres au Gitex Africa de Marrakech. Un chiffre pour s’en convaincre : 40 % des entreprises présentes proposent des solutions liées à l’IA.

45 000 visiteurs attendus

Au total, cette 3e édition du Gitex Africa dans la cité ocre table sur 45 000 visiteurs tablant de 130 pays, contre 32 000 lors de la première édition. 350 investisseurs seront de la partie, dont 50 % sont des acteurs internationaux et un quart d’entre eux qui vont découvrir le Maroc pour la première fois.

Parmi les investisseurs présents à Marrakech, il y aura notamment Ben Marrel co-fondateur et CEO de Breega. Une présence logique alors que le fonds tricolore a lancé l’an passé un véhicule d’investissement de 75 millions d’euros pour soutenir des startups africaines en pré-amorçage et en amorçage. Les principaux écosystèmes visés : le Nigeria, l’Égypte, l’Afrique du Sud et le Kenya, mais aussi des pays d’Afrique francophone comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Maroc bien entendu. A noter qu’un autre fonds français, Partech, avait dégainé dès 2018 un fonds de 125 millions d’euros, avant d’en mettre un autre sur orbite de 245 millions en 2023.

La France ne sera pas seulement représentée par des fonds à Marrakech. Des pépites et des jeunes pousses tricolores figurent notamment sur la liste des exposants, à l’image d’OVHcloud qui aura sûrement à cœur d’élargir ses parts de marché en dehors de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Bien évidemment, les startups marocaines seront en force au Gitex Africa. Elles seront 200 à jouer des coudes pour épater les visiteurs internationaux dans un rendez-vous qui ambitionne de devenir le «VivaTech» africain. Mais le Maroc ne devra pas se reposer sur ses lauriers, puisqu’une autre déclinaison du Gitex verra le jour en septembre prochain au Nigeria. Une manière de créer de l’émulation d’un bout à l’autre du continent africain.