« Le sujet, ce sont les revenus », martelait Nicolas Dufourcq lors du Sommet de l’IA, qui s’est tenu en février dernier à Paris. Pour le patron de Bpifrance, il faut désormais que les entreprises françaises convertissent leur soutien à Mistral AI en collaborations concrètes. C’est précisément ce que fait CMA CGM. Le groupe dirigé par Rodolphe Saadé annonce aujourd’hui un investissement de 100 millions d’euros sur cinq ans. L'objectif : intégrer les modèles de Mistral dans tous ses métiers : shipping, logistique, mais aussi médias.
L’accord s’articule autour de deux pôles structurants. D’un côté, la Mistral AI Factory, installée au siège CMA CGM de Marseille, réunira des ingénieurs de Mistral et des spécialistes métier du groupe de logistique. Leur mission ? Améliorer la fluidité et la personnalisation de l’expérience client, grâce à des solutions comme l’automatisation des réclamations, le e-commerce intelligent et la gestion des documents.
De l’autre, le AI Media Lab, situé à Grand Central (le QG de CMA Media), développera des outils d’édition et de vérification automatisée. Parmi les priorités : un système de fact-checking boosté à l’IA générative, dont l’objectif sera de garantir une plus grande fiabilité de l’information. Une logique qui s’inscrit dans la continuité du partenariat entre Mistral et l’AFP, dévoilé fin mars, qui permet à l’assistant “Le Chat” d’être nourri par 2 300 dépêches quotidiennes issues de l’agence.
L’IA comme boussole industrielle
Ce partenariat 100 % français incarne la volonté du groupe de jouer un rôle de pionnier dans l’adoption d’une IA souveraine et éthique. Ce n’est pas un coup d’essai pour Rodolphe Saadé, déjà cofondateur du laboratoire Kyutai aux côtés d’Eric Schmidt et Xavier Niel. L’IA est désormais considérée comme un levier de transformation globale pour CMA CGM, à la fois outil d’optimisation, d’automatisation et de montée en gamme.
L’ambition ne s’arrête pas à la tech. À travers son centre d’innovation et de formation TANGRAM, CMA CGM prévoit de former jusqu’à 3 000 collaborateurs par an aux usages de l’IA. L’objectif est de faire monter en compétence ses équipes tout en favorisant l’appropriation de ces nouveaux outils. Une manière d’ancrer la transformation dans les pratiques quotidiennes et de renforcer l’adhésion des métiers.
Avec cet accord, la France conforte son ambition de peser dans la course à l’IA face aux géants américains. Mistral, qui enchaîne les partenariats (Stellantis, France Travail, AFP…), voit ici s’ouvrir un nouveau terrain d’application industriel, à grande échelle. Une étape stratégique dans sa quête de monétisation et d’intégration au tissu économique français.