L'IA fait son nid dans les fonds d'investissement. «Ça fait un peu plus de deux ans qu'on a notre ChatGPT privé (...) spécialisé dans le monde de l'investissement», présente fièrement à l'AFP Marc Boullier, responsable au sein du fonds PAI Partners. Baptisé Alfred, comme le majordome de Batman, cet outil d'intelligence artificielle (IA) conversationnel maison «est quasiment un membre de l'équipe», continue-t-il, à la différence près qu'il est capable de lire des milliers de pages et de les résumer en quelques secondes.

Alfred est, pour les investisseurs, le média d'accès au «savoir» de PAI Partners, une immense encyclopédie faite d'études et de données d'entreprises acquises et revendues au fil de son histoire, stockées sur des serveurs. Si tous les acteurs ne sont pas aussi en pointe que PAI Partners, 60 % des fonds de capital-investissement (qui prennent des participations surtout dans des sociétés non cotées) utilisent déjà d'une manière ou d'une autre l'IA, selon une étude de Bain & Company.

Le fonds de capital-risque Serena a adopté des outils grand public d'IA générative comme ChatGPT, PerplexitY ou Gemini. «L'idée, c'est d'identifier très vite des super-équipes qui sont en train de monter des projets» intéressants, explique Olivier Martret, associé et investisseur de Serena. Spécialisée dans l'univers des startups, la société de gestion manie l'IA pour écumer le réseau social LinkedIn, parmi les données d'incubateurs ou d'écoles, et identifier des profils à contacter très en amont de leur projet.

Décision humaine

Aiguiser son savoir sur un secteur, en comprendre les grandes tendances, connaître l'histoire d'une société, sonder les catalogues de brevets de ses concurrents... «C'est un aide de camp et c'est comme ça que les fonds et les sociétés de gestion» l'utilisent, résume Arnaud Leroi, associé de Bain & Campany à Paris. Ces outils sont aussi utiles pour réaliser des tâches d'analyses financière et juridique fastidieuses et répétitives, et éditer des rapports. In fine, l'objectif est le même : gagner du temps, et donc, de l'argent.

Toute puissante qu'est l'intelligence artificielle, elle n'a pas pour l'instant la prétention de concurrencer l'intelligence humaine d'investisseurs quand ils doivent répondre à cette question quasi-quotidienne : est-ce que j'investis dans telle entreprise ? Chez PAI Partners, la décision d'engager ou pas des centaines de millions d'euros reste une décision collective humaine, assure Marc Boullier.

Alfred, utilisé aussi pour décoder des milliers de pages lors de la phase d'étude par un fonds de l'opportunité d'achat de telle ou telle société - une période qui peut durer des semaines, voire des mois - permet toutefois de se positionner plus rapidement. Et de doubler un concurrent investisseur en identifiant plus vite que lui telle opportunité de croissance, ou en rassurant sur le supplément de prix à mettre pour remporter l'enchère.

Création de valeur

Les fonds d'investissement utilisent également leurs outils pour développer les sociétés dont ils sont actionnaires, espérant toujours les revendre plus chères quelques années plus tard. Aymeric Marraud des Grottes, associé au sein de Raise, pousse pour que les entreprises dont la société de gestion est actionnaire adoptent des robots conversationnels, par exemple pour gérer des demandes en dehors des heures d'ouverture du standard téléphonique. «On travaille pour avoir des solutions de plus en plus auto-apprenantes», explique-t-il, citant l'exemple de la société de garde d'enfants à domicile Kinougarde.

Autre exemple, PAI Partners a accompagné la société industrielle Armacell, spécialisée dans les mousses isolantes, pour traduire ses fiches produits dans de nombreuses langues. «La première est écrite par un humain», raconte Marc Boullier, et ensuite l'IA générative permet de «pouvoir l'adapter dans un langage de bonne qualité» et «aide à vendre plus et partout dans le monde».