Les BSPCE demeurent un instrument privilégié pour attirer et fidéliser les talents dans les startups, malgré les changements apportés par la loi de finances. Ce dispositif permet à une société d’attribuer gratuitement, sous certaines conditions, à ses dirigeants et à ses salariés, le droit d’acheter des actions à un prix définitivement fixé lors de l’attribution. Les bénéficiaires peuvent ainsi espérer réaliser une plus-value, si la valeur de l’action augmente entre la date d’attribution et la date de la cession. « Les BSPCE contribuent ainsi à aligner les intérêts des managers et des salariés sur les objectifs de croissance de l’entreprise. » précise Eric Birotheau, Directeur de l'ingénierie patrimoniale de la Banque Richelieu.

« Il est important de noter que l'attribution de BSPCE ne confère pas immédiatement le statut d'actionnaire au bénéficiaire, mais lui ouvre la possibilité de le devenir sous certaines conditions rappelle-t-il. L'entreprise dispose d’une grande latitude pour élaborer des plans sur mesure. Elle peut notamment échelonner l’exerçabilité des bons sur plusieurs années, par exemple un tiers après deux ans et deux tiers après trois ans (les périodes de « vesting »). 

Un avantage clé des BSPCE réside dans la fixation du prix d'exercice dès leur attribution, qui peut être ajusté par l’application de décotes, indépendamment de l'évolution future de la valeur de l'action. La possibilité pour les salariés de bénéficier de la croissance de l'entreprise peut créer un puissant levier de motivation et d'engagement à long terme », explique-t-il.

Le régime fiscal des BSPCE est modifié

Jusqu’à présent, la cession des actions issues de l’exercice des BSPCE générait l’imposition d’une seule plus-value. Avec la nouvelle loi de finances, deux catégories de gains sont distinguées, avec une imposition différente : un avantage salarial et un gain net (plus-value de cession). L’avantage salarial, correspond à la différence entre la valeur des titres au jour de l’exercice et le prix d’acquisition fixé lors de l’attribution. Ce gain est taxé à l’impôt sur le revenu (IR) au taux de 12,8% (avec une option possible pour le barème progressif de l’IR) ; ou à 30% si le bénéficiaire exerce son activité depuis moins de 3 ans (sans option pour le barème progressif). Le gain net (plus-value de cession) est, quant à lui, égale à la différence entre le prix de cession et la valeur au jour de l’exercice. Il est imposé selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, donc en principe au taux de 12,8%.

Ces deux gains supportent également les prélèvements sociaux au taux de 17,2% et éventuellement les contributions sur les hauts revenus (CEHR et CDHR). Il faut noter que les modifications du régime des management packages apportées également par la loi de finances pour 2025 peuvent s’appliquer aux BSPCE et modifier la fiscalité de la plus-value de cession (cf. point 2 ci-dessous).

Autre changement majeur : l'impossibilité d'intégrer les BSPCE et les titres issus de leur exercice dans un Plan d’Epargne en Actions (PEA), un PEA destiné aux PME (PEA-PME) ou un Plan d’Épargne Entreprise (PEE). Une mesure effective à compter du 10 octobre 2024, qui clôture un débat en cours depuis plusieurs années. De plus, en cas d'apport des titres issus de BSPCE à une société holding à l’impôt sur les sociétés (IS), l'avantage salarial est immédiatement imposable. Le régime du sursis d’imposition (pour une holding non contrôlée par l’apporteur) et du report d’imposition (pour une holding contrôlée) s’appliquent uniquement à la plus-value de cession.

«La taxation du gain d’exercice lors de l’apport pourra s’avérer compliquée pour l’actionnaire, car l’apport ne génère aucun flux financier à son profit » ajoute Eric Birotheau. Malgré une fiscalité remaniée, les BSPCE continuent d’offrir l'opportunité de participer à la croissance de l'entreprise sans investissement initial, tout en partageant le risque entrepreneurial. « C'est un mécanisme de motivation puissant pour les salariés, assure Eric Birotheau avant d’ajouter, Malgré ses avantages potentiels pour stimuler l'engagement et la performance des salariés, il n’est pas assez connu. Il est essentiel pour les startups et leurs dirigeants de bien comprendre ces changements afin d'optimiser l'utilisation des BSPCE dans leur stratégie de rémunération et de fidélisation des talents ».

Par ailleurs, il faudra également suivre une proposition de loi, visant à améliorer le partage de la valeur au sein des entreprises innovantes françaises, qui a été déposée à l’Assemblée Nationale, le 18 mars 2025. L’un de ses objectifs consiste à assouplir le régime des BSPCE.

Les management packages évoluent également

Outils cruciaux pour les dirigeants et salariés clés, les management packages subissent également des transformations significatives avec la nouvelle loi de finances.

Pour rappel, le terme de management packages englobe les investissements des managers et des salariés dans le capital de leur société, qui peuvent revêtir des formes diverses : titres « pari passu » (dont les possibilité de risques et de gains sont identiques à celui des « simples » investisseurs), titres de préférence qui offrent la possibilité d’obtenir un multiple de performance plus fort que celui des investisseurs financiers, BSPCE, attribution d’actions gratuites (AGA),… 

Depuis notamment des arrêts du Conseil d’Etat rendus le 13 juillet 2021, les gains de cession de titres réalisés par les managers et les salariés actionnaires pouvaient être requalifiés en salaires, lorsqu’ils trouvaient leur source essentiellement dans l’exercice de leurs fonctions (barème progressif de l’IR au taux marginal de 45% et cotisations sociales, à la place de la flat tax de 30%).

“Pour clarifier la situation, un nouveau cadre fiscal et social est mis en place pour ce type de gains. Pour aller à l’essentiel, le gain traité comme une plus-value de titres « classique » est plafonné dorénavant à trois fois la performance financière de l'entreprise pendant la durée de détention des actions”, explique Eric Birotheau. 

Par ailleurs, les titres doivent présenter un risque de perte de leur valeur et avoir été détenus pendant deux ans, sauf exception, comme les AGA et les BSPCE. A défaut de respecter ces conditions, les gains sont traités comme des salaires, soumis au barème progressif de l’IR. Pour les gains réalisés entre le 16 février 2025 et le 31 décembre 2027, la loi de finances prévoit également l’application d’une nouvelle contribution salariale de 10%, à la place des cotisations sociales habituellement applicables aux salaires. 

Ce nouveau cadre fiscal et social est applicable aux cessions réalisées à compter du 16 février 2025, englobant ainsi tous les titres acquis antérieurement à la loi.

Exemple :

 « A l’occasion d’un LBO, un dirigeant investi 200 K€ dans des actions de préférence, qui sont évaluées en fonction de la réalisation de certains objectifs. Quelques années plus tard, un fonds d’investissement prend le contrôle de la société, dont la valeur a été multipliée par 2.  Le manager cède ses actions pour un prix de 1 400 K€ et réalise une plus-value totale de 1 200 K€ (1 400 K€ - 200 K€). Si ce gain est rattaché à ses fonctions (compte tenu notamment de la structuration des ADP), seule une fraction égale à 1 000 K€ sera soumise à la flat-tax de 30%.  Ce montant est calculé de la manière suivante : prix d’acquisition (200 K€) multiplié par 6 (multiple de la société de 2 X multiple de 3 prévu par la loi) diminué du prix d’acquisition de 200 K€. Le solde du gain, soit 200 K€, sera imposé en salaires (barème progressif de l’IR + contribution sociale de 10%), illustre Eric Birotheau. 

Startups et talents appelés à affûter leur compréhension de ces dispositifs

Dans ce contexte fiscal en mouvement, startups et talents se trouvent face à de nouveaux défis et opportunités qui nécessitent une compréhension approfondie des subtilités juridiques et fiscales. Les entreprises sont plus que jamais invitées à s'entourer d'experts capables de naviguer dans ces eaux complexes. Par ailleurs, si l’objectif de la loi de finances pour 2025 consiste à sécuriser les règles applicables, il faudra attendre des précisions de la part de l’administration fiscale pour bien appréhender la totalité des conséquences pratiques de ce texte, dont la portée se veut assez large. 

“Il sera intéressant, par exemple, de voir sur quels critères distinguer les seuls gains rattachables à l’exercice des activités des gains réalisés en tant qu’actionnaires ou encore, comment seront appréciés et traités, les gains lorsque le dirigeant ou le salarié détient dans la société des instruments juridiques multiples (actions ordinaires, actions de préférence, BSPCE…) éventuellement acquis à des dates différentes”, souligne Eric Birotheau.