Imaginez un événement où vous côtoyez en permanence des figures françaises et internationales provenant de tous les horizons. Vous faites un pas, vous tombez sur Xavier Niel (Iliad), un de plus et vous vous retrouvez devant Yann LeCun (Meta) et à peine plus loin, vous passez à côté de Luc Julia (Renault), Christel Heydemann (Orange) et Jean-Noël Barrot, le chef de la diplomatie française. Une telle proximité avec des personnalités du monde politique, économique et scientifique dans un périmètre aussi réduit est suffisamment rare pour être soulignée. Mais le Sommet pour l’Action sur l’intelligence artificielle (IA) dans le cadre prestigieux du Grand Palais, à Paris, a rendu cela possible.

En effet, cet événement représentait ce lundi une occasion rare de rencontrer des «grands de ce monde». De notre côté, nous n’avons pas boudé notre plaisir, en multipliant les échanges avec une bonne partie des personnalités mentionnées plus haut. Alors on ne vous cache pas qu’il fallait parfois lutter ou faire preuve de patience pour s’entretenir avec la personne souhaitée, mais il y avait tout aussi bien des moments où l’on croise par hasard Luc Julia, qui nous a confié que le plan Stargate des États-Unis, « c’était du vent, c’était du Trump », et Xavier Niel par exemple. Ce lundi, le Grand Palais faisait office de grande ruche autour de l’IA. Certes, cela sonnait parfois creux, mais pourrait-il en être autrement avec seulement 1 500 participants triés sur le volet ?

Un lieu si grand et majestueux pour une affluence si légère

A la différence d’un salon comme VivaTech par exemple, ce sommet permettait de faire des rencontres sans se bousculer. On pouvait prendre le temps d’échanger. Et si le rythme n’en demeurait pas moins intense, cela permettait d’avoir des discussions très instructives sans le côté assourdissant et étouffant d’un parc des expositions. Mais pour trouver un compromis sur l’IA avec des dizaines de pays, mieux vaut les mettre dans les meilleures conditions après tout…

Néanmoins, sous l’immense nef du Grand Palais, il valait mieux ne pas rester statique pour se réchauffer. On a une pensée pour les exposants qui étaient présents pour présenter leurs solutions d’IA. Ces derniers ont dû trouvé le temps particulièrement long, alors que les participants étaient surtout là pour écouter les tables-rondes et faire du networking de prestige. Dans une ambiance feutrée, c’était un ballet incessant de personnalités qui s’enchaînait pour se rendre à des rendez-vous diplomatiques et économiques. Celles-ci étaient seulement stoppées par des journalistes qui les pourchassaient pour avoir quelques mots à leur micro. Et bien évidemment, on en faisait partie pour vous faire vivre le sommet de la manière la plus immersive possible.

Le show d’Emmanuel Macron en clôture

Après une journée plutôt calme dans l’ensemble, l’effervescence est montée d’un cran un peu avant 17h lorsque Sundar Pichai, le patron de Google, est apparu sur la scène sous la nef du Grand Palais. Cependant, l’ambiance était quelque peu étrange au départ, puisque le dirigeant indo-américain a commencé à s’exprimer devant à peine une vingtaine de personnes, avant que la foule ne commence à s’agglutiner devant l’un des dirigeants les plus puissants de la tech mondiale. C’est ensuite la superstar du sommet, Arthur Mensch, à la tête de Mistral AI, qui a fait monter la température dans le cadre d’une discussion avec John Elkann, président de Stellantis.

Mais le clou du spectacle, c’était Emmanuel Macron, qui s’est fait attendre une bonne demi-heure avant de percer la foule pour se placer au centre du Grand Palais. L’occasion pour le président de la République de livrer un discours passionné sur l’opportunité à saisir pour la France et l’Europe dans l’intelligence artificielle. Galvanisé par ce sommet, un temps fort international qu’il affectionne, dans la lignée des Jeux Olympiques et de la réouverture de Notre-Dame de Paris, le chef de l’État s’est montré particulièrement à l’aise devant une audience conquise qui l’entourait à 360 degrés.

« Plug, baby, plug ! »

Conscient que tous les regards étaient braqués sur lui en France et dans le monde durant ce sommet, Emmanuel Macron, qui avait annoncé la veille 109 milliards d’euros d’investissements privés dans l’Hexagone, avait préparé quelques phrases percutantes pour marquer les esprits. « J’ai de bons amis de l'autre côté de l'océan qui disent 'drill, baby, drill'. Ici, il n'y a pas besoin de forer, c'est 'plug, baby, plug’ », a-t-il lancé. Une formule qui a fait mouche devant un parterre de spécialistes de l’IA pour prendre le contrepied de Donald Trump qui souhaite relancer l’exploitation des énergies fossiles aux États-Unis. « L’électricité est disponible, vous pouvez vous brancher ! », a ajouté le président de la République, en guise d’invitation aux pépites de l’IA pour brancher leurs data centers en France.

Pour que le pays soit une puissance mondiale du secteur, Emmanuel Macron souhaite la mise en œuvre d’une « stratégie Notre-Dame de Paris », en référence à la reconstruction express en cinq ans de la cathédrale. Ce discours au ton résolument ambitieux s’est achevé sous les applaudissements, avant que le DJ Agoria ne se mette à ses platines pour conclure cette journée au Grand Palais, qui a alors pris des airs de night-club. En tant que journaliste, il a cependant fallu attendre longtemps pour partir. Interdiction de sortir de notre « parcage » tant que le président était encore là…

Ce dernier a enchaîné dans la foulée avec un dîner organisé à l’Élysée en l'honneur des chefs d’État et personnalités emblématiques de l’IA présents à Paris. Sam Altman, le patron d’OpenAI, était de la partie, mais sa soirée a été quelque peu mouvementée. Et pour cause, ce fut le timing choisi par Elon Musk, grand absent de ce sommet, pour annoncer qu’il souhaitait racheter OpenAI pour 97 milliards de dollars. Une offre gentiment balayée par le dirigeant de l’entreprise à l’origine de ChatGPT quelques minutes plus tard sur X, le réseau social détenu par le patron de Tesla et SpaceX : « Non merci, mais nous pouvons vous acheter Twitter pour 9,7 milliards si vous voulez. » Réaction de Musk : « Escroc. » Après cette passe d’armes à distance, il était temps d’aller se coucher pour être d’attaque pour la deuxième et dernière journée de ce sommet.