Open AI, Mistral, et plus récemment DeepSeek : les technologies d’IA générative rebattent les cartes de l’innovation mondiale. Mais derrière la course aux modèles toujours plus performants se cache un défi majeur : le financement. En effet, plus qu’une simple avancée technologique, l’IA marque une nouvelle révolution industrielle qui nécessite des infrastructures massives, des besoins énergétiques colossaux et une mobilisation sans précédent de capitaux. Pourtant, dans un contexte économique morose, les investisseurs institutionnels adoptent une posture attentiste. Alors, la France et l’Europe sauront-elles tenir la cadence face aux États-Unis et à la Chine ?

C’est la question qui a animé un panel lors du Business Day organisé dans le cadre du sommet de l'Action pour l'IA. Interrogés par Adeline Lemaire de Bpifrance, experts du private equity, du venture capital et entrepreneurs ont échangé sur les nouvelles dynamiques d’investissement dans l’IA et les défis structurels à relever. 

L’IA, un levier de puissance économique et géopolitique

« Le leader en intelligence artificielle dominera le monde ». Cette phrase attribuée à Vladimir Poutine, rappelée par l’économiste Philippe Tibi, illustre bien l’enjeu : l’IA n’est pas seulement une avancée technologique, c’est aussi et surtout un levier de domination économique et politique. Son influence s’étend de la cybersécurité à la puissance militaire, en passant par la guerre de l’information.

Face aux mastodontes américain et chinois, l’Europe peine à exister sur la scène mondiale. « Nous avons des capitaux, des talents et des infrastructures, mais il manque une volonté politique et une stratégie claire » , martèle Philippe Tibi. Pourtant, la France affiche de belles ambitions : en 2024, 2 milliards d’euros ont été investis dans l’IA.

IA et infrastructures : une équation économique et énergétique sous tension

Chaque révolution industrielle ou technologique pose la même question : comment mobiliser le capital nécessaire pour l’accompagner ? Avec l’arrivée de l’IA générative, les besoins de financement changent d’échelle. « Avant, on finançait le machine learning et les modèles d’entraînement. Aujourd’hui, l’IA générative nécessite des infrastructures massives et énergivores », souligne Julien-David Nitlech, Managing Partner chez Iris

Cette nouvelle donne implique un changement de paradigme dans le financement. « Nous sommes passés d’un financement centré sur le software et les algorithmes à une approche qui intègre désormais les coûts faramineux des infrastructures », explique Pauline Thompson, Director Infrastructure et Head of Data science chez Ardian. 

Le problème ? Ces investissements arrivent dans un contexte où le financement est en berne. « Les investisseurs restent frileux, et malgré les annonces, le secteur peine à voir une accélération nette », souligne Fabrice Dumonteil, président de France Invest et fondateur d’Eiffel Investment Group. Mais l’annonce d’un plan de 109 milliards d’euros par le président Macron pourrait bien changer la donne.

Si la question du financement est cruciale, celle de l’énergie l’est tout autant. L’IA est vorace en ressources : data centers, GPU ultra-performants… Mais tout cela repose sur un facteur clé : l’électricité. « Le véritable goulot d’étranglement ne sera pas la demande, mais l’approvisionnement énergétique », alerte Pauline Thompson. Avec une importante capacité de production d’électricité bas-carbone, la France semble plutôt bien lotie. Emmanuel Macron l’a d’ailleurs déclamé, lors de son intervention au sommet de l’Action pour l’IA au Grand Palais : "Plug baby plug".