Selon le dernier rapport annuel d’Amazon Web Services (AWS), le rythme d’adoption de l'IA a dépassé celui des premiers téléphones portables. L'IA connaît en effet un essor fulgurant en Europe, avec cinq entreprises en moyenne adoptant l’IA chaque minute, toujours selon le rapport.
Adoptée massivement, l’intelligence artificielle va donc transformer en profondeur le marché du travail. Elle reconfigure la manière dont les entreprises recrutent, forment et mobilisent leurs talents. Cette évolution pousse à repenser l’organisation du travail et le rôle des travailleurs dans un contexte où l’IA devient un outil incontournable. À l’occasion du Sommet de l’Action pour l’IA, de hauts dirigeants d’entreprises et d’institutions ont débattu lors d’un panel dédié à ce sujet.
L'émergence de nouvelles fonctions
Avec l’automatisation permise par l’IA, de nombreuses tâches répétitives devraient disparaître, notamment dans le secteur des services et de l’industrie. « Le défi est de garantir que les travailleurs ne deviennent pas obsolètes à grande échelle », met en garde Denis Machuel, Directeur général du groupe Adecco, précisant qu’aujourd'hui, seuls 46 % des entreprises prévoient de redéployer leurs employés impactés par l’IA.
En parallèle, l’IA favorise également l’émergence de nouvelles fonctions. « Nous devons permettre aux travailleurs de se repositionner en permanence », avance Guillaume Faury, Directeur général d’Airbus. « Pour cela, les entreprises doivent investir massivement dans la formation continue », poursuit-il. En effet, selon les participants au panel, cette dynamique impose sans conteste, une montée en puissance de la formation continue et du “reskilling”.
Selon Denis Machuel, outre l’impact sur l’emploi et les compétences, l’IA transforme la manière dont nous concevons les missions et les interactions professionnelles. Avec l’IA, les descriptions de poste traditionnelles tendent à disparaître au profit d’une approche centrée sur les compétences. « Avec les bons outils, nous pouvons améliorer l’accès à l’emploi en identifiant plus rapidement les compétences des candidats », a-t-il expliqué. Cependant, ces outils doivent être encadrés pour éviter des biais discriminatoires. Plusieurs intervenants ont rappelé la nécessité de garantir une "IA inclusive", qui ne renforce pas les inégalités, mais contribue à une meilleure intégration de tous dans le monde du travail.
Réguler l’IA et replacer l’humain au cœur du processus
L’IA représente un levier majeur pour améliorer la productivité et créer de nouvelles opportunités. Mais son déploiement doit être accompagné de mesures claires pour éviter une fracture sociale. « Si les travailleurs ne savent pas ce qui les attend, leur anxiété augmentera et leur productivité en pâtira », alerte Gilbert F. Houngbo, Directeur général de l’OIT (International Labour Organization). « Il n’y a pas d’IA sans données », rappelle-t-il également. Or, leur accès est inégalement réparti à travers le monde, ce qui peut creuser les écarts économiques et sociaux.
Mgr Paul Richard Gallagher, représentant du Vatican, a quant à lui insisté sur la nécessité d’une IA qui respecte la dignité humaine. Il a également pointé un risque de "fracture sociale" si la transformation technologique n’intègre pas un cadre éthique fort.
Selon Christy Hoffman, Secrétaire générale d’UNI Global, fédération syndicale mondiale des industries de services, les entreprises doivent impliquer leurs salariés dès le départ dans l’adoption de ces nouvelles technologies, car lorsqu’ils sont consultés, les processus d’intégration de l’IA sont plus efficaces et acceptés. « Nous pouvons tirer un parallèle avec le covid : les managers gèrent aujourd’hui une situation à laquelle ils n’ont pas été formés. Dans ce contexte incertain, le dialogue social est donc clé », abonde Guillaume Faury.