Le Sommet de l’Action pour l’IA, qui s’est tenu sous la nef du Grand Palais, a été l’occasion d’aborder un sujet central : comment développer l’IA de manière plus durable ? Alors que l’IA connaît une adoption exponentielle, sa consommation énergétique suscite de vives préoccupations. Interrogés par Roxanne Varza, directrice de station F, experts, dirigeants d’entreprises et représentants d’institutions internationales ont exploré des solutions alliant performance et durabilité.

Une consommation énergétique colossale

D’après l’Agence internationale de l’énergie, les interactions avec des IA comme ChatGPT pourraient consommer 10 fois plus d’électricité qu’une recherche Google classique. « Nous ne mesurons pas encore pleinement les besoins en énergie de cette technologie », alertait déjà Sam Altman, début 2024, en marge du sommet de Davos. Et pour cause, d’après des données de Polytechnique, la consommation énergétique de l’intelligence artificielle a explosé avec l’engouement pour l’IA générative, bien que les données fournies par les entreprises manquent. En 2026, la hausse de la consommation électrique des centres de données, des cryptomonnaies et de l’IA pourrait s’élever à l’équivalent de la consommation électrique de la Suède ou de l’Allemagne, par rapport à 2022.

Yoo Sang-Im, ministre des Sciences et des TIC de Corée du Sud, a rappelé que si cette tendance se poursuit sans régulation, les infrastructures numériques pourraient devenir l’un des plus gros postes de consommation d’énergie au monde. « Nous avons besoin de politiques équilibrées qui minimisent l’impact environnemental tout en maximisant les bénéfices de l’IA », a-t-il affirmé. Lisa Su, directrice générale d’AMD, a, quant à elle, insisté sur la nécessité de conjuguer performance et durabilité. « Nous avons réussi à multiplier par 30 l’efficacité énergétique de nos solutions en cinq ans », a-t-elle souligné, évoquant des objectifs ambitieux pour les années à venir.

Des solutions technologiques pour une IA plus verte

Plusieurs pistes ont été évoquées pour réduire l’empreinte environnementale de l’IA. Parmi elles, le développement de semi-conducteurs à faible consommation énergétique, ainsi que l’optimisation des centres de données grâce à l’IA elle-même. Aiman Ezzat, directeur général de Capgemini, a cité l’exemple de Schneider Electric, qui a déployé une IA pour gérer la consommation énergétique de ses infrastructures en Inde, réduisant ainsi de 29 % leur consommation en un an.

Les modèles d’IA plus légers et optimisés semblent également constituer une piste prometteuse. « Nous allons voir émerger de plus en plus de modèles open source et transparents, qui consommeront moins d’énergie tout en offrant des performances élevées », a expliqué Aiman Ezzat, évoquant notamment l’exemple du modèle de Mistral AI, qui peut fonctionner sur un téléphone mobile. Nyallang Moorosi, chercheure au Distributed AI Research Institute, va dans le même sens. « Nous devons arrêter la course au modèle le plus grand et le plus gourmand en ressources. Les petits modèles bien conçus, avec de meilleures architectures et des données bien sélectionnées, peuvent surpasser les modèles massifs », argumente-t-elle. 

La nécessité d’un écosystème ouvert et d’une coopération internationale

Nyallang Moorosi a également souligné un point clé : la data n’est pas une ressource inépuisable. « Nous devons poser les bons problèmes avant d’entraîner un modèle, plutôt que de nous reposer sur une accumulation infinie de données », a-t-elle expliqué. Cette approche plus raisonnée et contextuelle permettrait d’optimiser les performances tout en limitant la consommation énergétique.

L’essor des modèles open source est une autre évolution essentielle. Lisa Su a insisté sur l’importance d’un écosystème ouvert et collaboratif. « Il n’existe pas de solution unique pour l’IA. Les modèles ouverts permettent d’adapter les outils aux besoins réels tout en garantissant plus de transparence et d’efficacité », a-t-elle partagé. Cette démarche, en plus d’améliorer l’efficacité énergétique, favorise un accès plus large aux technologies avancées.

Le panel s’est conclu sur l’importance de la coopération internationale. Sang-Hyup Kim, directeur général du Global Green Growth Institute (GGGI), a salué l’initiative de la France. « Il est temps de créer des standards globaux et de promouvoir une IA qui respecte les accords climatiques, notamment l’Accord de Paris », a-t-il déclaré. Le lancement d’une coalition pour une IA durable a été évoquée par plusieurs des participants. Plus d’informations au sujet de cette coalition devraient être communiquées demain, mardi 11 février.