Une première étape réussie pour François Bayrou. L'assemblée nationale a adopté hier le projet de loi finances. Le contenu du texte repend l'accord signé vendredi dernier par la commission mixte paritaire.

Que nous réserve ce budget ? Deux dispositifs enterrés ou malmenés par les gouvernements précédents sont ramenés à la vie (CII et CIR), mais avec des aménagements. Est-ce une bonne nouvelle ? Question de point de vue. « Nous nous sommes battus au Parlement pour les ressusciter, donc c’est moins une bonne nouvelle qu’un soulagement, résume une source parlementaire. Sur la ligne d’arrivée, le constat est le suivant : on coupe trois milliards directement dans les politiques d’innovation, au moment où Trump en met 500 sur la table, rien que pour l’IA. »

Sur ces trois milliards, deux et demi sont retirés du plan France 2030, avec des conséquences en rebond sur la vitalité commerciale des startups. « Nous y voyons un risque, souligne Marianne Tordeux-Bitker chez France Digitale : le report de certains projets structurants, alors que le plan doit permettre d’accélérer la transformation de notre économie par l’innovation dans des secteurs-clés comme la santé, la transition énergétique ou la mobilité décarbonée… »

En revanche, le Crédit d’impôt innovation (CII), dont l’existence même a fait le yo-yo ces dernières semaines, est finalement prolongé de trois ans, jusqu’au 31 décembre 2027. Mais avec ce bémol : le taux du CII passe de 30 à 20%. Autrement dit, le CII qui permettait aux entreprises de moins de 250 salariés de déduire de l’impôt sur les sociétés, 30% des dépenses de conception de prototypes ou d’installations-pilotes, passe à 20% désormais. Près de la moitié (45%) des startups françaises ont recours à cet avantage fiscal, selon France Digitale.

Quant au crédit d’impôt-recherche (CIR), il perd 400 millions d’euros : « On enlève la veille technologique, les brevets et on coupe dans le dispositif des jeunes docteurs. C’est bien dommage car la France est en retard sur les brevets », résume-t-on du côté des parlementaires qui sont montés au créneau. Marianne Tordeux-Bitker déplore de son côté « deux changements qui touchent directement la capacité des jeunes entreprises à faire de la R&D en France. Le salaire d’un “jeune docteur” reste éligible au CIR, mais on ne peut plus le multiplier par deux comme c’était le cas jusqu’à présent, pendant deux ans de suite. La R&D, c’est du temps long, on n’est pas rentable immédiatement. Cette mesure est un signal inquiétant pour notre capacité à jeter des ponts entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise. »

Le statut de JEI encore en suspens

Le sort de la « jeune entreprise innovante » sera tranché dans un second temps : il fait partie du PLFSS, mis à l’étude d’ici quelques jours et soumis lui aussi au 49.3. Cette question est centrale, car l’obtention du statut vaut décision de vie ou de mort pour de nombreuses startups, estiment nos interlocuteurs.

Une entreprise qui bénéficie du statut de JEI bénéficie en effet d’exonérations patronales sur les salaires des effectifs consacrés à la R&D. Pour être éligible à ce dispositif, les startups devaient jusqu’à présent consacrer à leur R&D au minimum 15% de leurs charges.

« Du jour au lendemain, on risque d’augmenter sensiblement le coût des salariés. Nous appelons à préserver impérativement ce dispositif, en conservant un déclenchement au taux de 15% de R&D, reprend Marianne Tordeux Bitker, chez France Digitale. Passer de 15 à 20%  comme évoqué par le précédent gouvernement aurait des conséquences majeures. Si demain on nous dit qu’il faut investir à hauteur de 16% en R&D, on raye de la liste un premier paquet d’entreprises, qui ne pourront pas garder leurs collaborateurs, ou pas embaucher comme elles le souhaitent. Et à 20%, on en perd mille. »

La gouvernement en décidera donc dans le PLFSS : à suivre chez Maddyness, d’ici la fin de semaine. Pour conclure, il faut souligner deux bonnes nouvelles. D’abord, deux millions d’euros ont été récupérés via des amendements poussés par Paul Midy, député Ensemble pour la République (Essonne). Un million pour le programme French Tech Tremplin, en faveur de la mixité sociale chez les créateurs de startups et un autre million pour « Tech pour Toutes », un dispositif pour la féminisation de la Tech. Ensuite, les particuliers vont pouvoir investir plus facilement dans les JEI, grâce à l’élargissement du dispositif d’investissement IR-JEI Midy.

« C’est une avancée positive, explique Paul Midy lui-même. Elle va permettre aux particuliers de bénéficier à travers leurs réseaux bancaires de mécanismes d’investissement dans les start-ups. Elle soutiendra le financement de nos jeunes entreprises innovantes. »

Concrètement, les 30% de réduction d’impôts pour investissement dans les JEI, autrefois réservés aux particuliers, sont désormais ouverts également aux fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), qui les représentent. Cette mesure est inspirée du Royaume-Uni, qui la pratique déjà depuis une vingtaine d’années.