Dernière ligne droite avant le début de la «Semaine de l’action pour l’IA», dont le Sommet (10 et 11 février au Grand Palais) sera le point d’orgue. A quelques jours du coup d’envoi de cette échéance majeure dans le calendrier tech, Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, a donné quelques précisions sur les attentes du gouvernement derrière cet événement, la manière dont les entreprises françaises seront mises en avant et l’élan européen que pourrait générer ce rendez-vous.

Pour ce Sommet pour l’action sur l’IA dont elle est la responsable officielle dans le gouvernement de François Bayrou, Clara Chappaz identifie trois objectifs : sociétal et culturel, économique et diplomatique.

Mistral AI, Pigment et Alan seront bien au Grand Palais

Pour le premier cité, cela se jouera surtout sur le week-end du 8 et 9 février, entre les journées scientifiques des 6 et 7 février à Paris-Saclay et le Sommet en lui-même les 10 et 11 février au Grand Palais, à Paris. En effet, ces deux journées ouvertes au public auront vocation à les sensibiliser aux usages et enjeux autour de l’intelligence artificielle. A Paris, cela se passera essentiellement sur le site François-Mitterand de la Bibliothèque nationale de France (BNF), avec des tables rondes et des ateliers, et à la Conciergerie, qui accueillera des installations artistiques et des masterclass d’artistes. « Une personne sur deux en France émet des doutes à l’égard de l’IA. Ce sommet est donc une occasion de montrer ce que l’IA peut apporter à nos vies et notre société », estime Clara Chappaz.

Pour le deuxième objectif, à savoir l’impact économique de ce sommet, cela se jouera surtout au Grand Palais le 10 février et à Station F le lendemain. « Les entreprises françaises sélectionnées vont pouvoir côtoyer le 10 février les plus grands chercheurs, des chefs d’État et les plus grands décisionnaires du monde pour discuter de l’IA », indique l’ancienne directrice de la Mission French Tech. Cette dernière a ainsi confirmé que Mistral AI, Pigment et Alan seront bien au Grand Palais durant le sommet.

Mi-janvier, Clara Chappaz avait déjà annoncé la présence de plusieurs personnalités de la tech : Sam Altman (OpenAI), Dario Amodei (Anthropic), Arthur Mensch (Mistral AI) et des dirigeants d'Aleph Alpha, d'Accenture, de Mozilla et de Signal ont confirmé leur participation à ce grand rendez-vous dans la capitale française.

Mais pour les entreprises, c’est surtout dans le cadre du «Business Day» organisé à Station F le 11 février, qu’elles pourront tirer leur épingle du jeu. Plus de 3 000 acteurs (startups, ETI, grands groupes…) sont attendus sur le site de l’incubateur dirigé par Roxanne Varza. Ce sera notamment l’occasion de mettre en avant des cas d’usage, des réflexions sur l’adoption de l’IA… et de faire du business évidemment. « Avec ce sommet, les entreprises auront l’occasion de montrer ce qu’elles font de mieux. Et la meilleure manière de les soutenir, c’est de leur donner des contrats », estime la ministre déléguée. Cette dernière précise ainsi que le sommet constituera « une bonne occasion pour annoncer des projets d’investissement ».

« La technologie n’a jamais été aussi politique »

Dernier volet et pas des moindres : la diplomatie. Le sommet doit permettre à la France d’être le centre névralgique de l’IA à l’échelle mondiale durant quelques jours. A cette occasion, une centaine de chefs d’État sont attendus, à l’image du Premier ministre indien Narendra Modi, qui co-présidera le sommet aux côtés d’Emmanuel Macron. « La technologie n’a jamais été aussi politique et le sommet arrive à un moment absolument important », observe Clara Chappaz. En effet, l’année 2025 a débuté de manière tonitruante dans l’IA, avec le méga-plan de 500 milliards de dollars annoncé par Donald Trump et la percée spectaculaire de la pépite chinoise DeepSeek, capable de proposer une IA tout aussi efficace qu’un ChatGPT pour un coût dérisoire. « Ces annonces montrent à quel point la course à l’IA ne fait que débuter. Il ne faut pas tomber dans une forme de fatalisme. Les cartes sont là, rien n’est joué », assure-t-elle.

Dans cette effervescence planétaire, Clara Chappaz estime donc que le sommet arrive à point nommé. « C’est un moment très fort sur le plan diplomatique qui va nous permettre de prendre des décisions très fortes. Nous voyons que l’IA est le reflet d’une certaine vision du monde. Et celle que nous portons en France et en Europe, c’est-à-dire une IA au service de tous et qui n’est pas concentrée par un certain nombre d’acteurs, on pense que la centaine de pays qui seront là peuvent s’y rallier, notamment les pays du Sud. C’est l’occasion de les embarquer dans cette vision », explique l’ancienne dirigeante de Vestiaire Collective.

Une session plénière décisive au Grand Palais le 11 février

Cette partie diplomatique se jouera essentiellement au Grand Palais. Le 10 février, des conférences, tables-rondes et présentations, qui mettront en avant les solutions permises par l’IA, seront organisées pour alimenter la discussion entre les participants du monde entier. L’IA au service de l’avenir du travail, les cyberattaques et la désinformation, la gouvernance de l’IA, l’IA dans l’intérêt général, les risques de l’IA ou encore la construction d’une IA de confiance seront autant de thèmes abordés sous la nef du Grand Palais.

Mais c’est réellement le lendemain, le 11 février, que l’on pourra juger de la réussite ou non du sommet, avec une session plénière, toujours au Grand Palais, pour rassembler les chefs d’État et de gouvernement ainsi que des personnalités internationales. A cette occasion, ils échangeront sur les grandes actions communes à mettre en œuvre en matière d’IA. Une charte mondiale pour une IA durable pourrait notamment être élaborée à l’issue de ce sommet. Autant d’éléments qui rappellent des spécificités d’une COP pour le climat, mais version IA. « Ce que nous organisons est à la fois un mélange de VivaTech et de Choose France, et un objet diplomatique », a résumé Anne Bouverot, envoyée spéciale du président de la République et cheffe d’orchestre de l’événement, dans un grand entretien accordé à Maddyness.

Un événement fondateur pour la 3e phase du plan français pour l’IA

A défaut d’informations supplémentaires sur le casting - on ne sait toujours pas si Donald Trump et Elon Musk seront de la partie - et sur les promesses d’investissements et de normes mondiales, Clara Chappaz a tout de même distillé quelques indices sur les annonces qui pourraient être faites durant le sommet. « Il y aura beaucoup d’annonces durant cet événement, notamment sur les capacités en France pour entraîner des grands modèles de langage. Le sommet sera aussi une occasion d’avoir un peu plus d’informations sur l’agenda européen. On entend un discours assez nouveau en Europe, mais pas si nouveau en France, sur la course à la compétitivité », note la ministre déléguée. Elle fait référence à la feuille de route dévoilée ce mercredi par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. La dirigeante allemand promet un « choc de simplification » et la mise en place d’une « boussole de compétitivité » pour « relancer le moteur de l’innovation » en Europe.

Clara Chappaz a également évoqué le lancement d’une fondation dédiée à l’intelligence artificielle lors du sommet. Celle-ci vise à créer des outils pour développer et promouvoir des modèles open source, de manière à aboutir à une IA au service de l’intérêt général. Pour financer ce projet, le gouvernement espère lever 2,5 milliards d’euros sur cinq ans, dont 500 millions dès cette année. Cette fondation, qui pourrait être basée à Paris, s’inscrira dans la mise en œuvre de la troisième phase de la stratégie nationale pour l’IA, initiée en 2018 par Emmanuel Macron. Celle-ci fait écho au souhait de Clara Chappaz d’ouvrir « une troisième voie de l'intelligence artificielle », qui rimerait avec éthique, frugalité et inclusivité. Reste désormais à savoir si cette vision française sera partagée par le monde entier dans quelques jours. Puisse l’esprit des Jeux Olympiques jouer les prolongations sous la nef du Grand Palais !