« Quand votre client a plus de personnes dans son équipe projet que vous n'en avez dans toute votre entreprise, vous vous demandez si vous n'allez pas vous faire engloutir ! », reconnaît Emmanuel Mouren, le fondateur de WeMap… Cette crainte, beaucoup d’entrepreneurs du secteur BtoB l’ont vécue. Mais cette startup créée en 2014 l’a vite surmontée.
Aujourd’hui, ce spécialiste des solutions de cartographie interactive équipe ainsi plus de 200 clients en France et en Europe - institutions culturelles, gestionnaires d’infrastructures accueillant du public, centres commerciaux, réseaux de transport ou acteurs de l’événementiel - et gère plus de 500 millions de requêtes mensuelles sur ses serveurs.
Obtenir un siège à la table
Pour cela, l'entreprise a notamment développé une première mondiale : un système de localisation et de guidage par la caméra du smartphone, permettant aux voyageurs de s'orienter dans les gares aussi intuitivement qu'avec Google Street View, mais sans dépendre des géants américains. Une avancée technologique qui a notamment convaincu la SNCF, via sa filiale SNCF Gare & Connexion, l’entité qui exploite les 3 000 gares de France.
« On a commencé par les plus grandes gares, avec une centaine de plans et dispositifs de guidages déployés dans l’application ‘Magare’, ainsi que dans d’autres espaces de la SNCF, comme les sites web ou les bornes interactives dans les gares », explique ainsi Emmanuel Mouren. Objectif : atteindre les 300 gares à l’été 2025.
« Collaborer avec la SNCF, pour une entreprise de cartographie comme la nôtre, c’est naturel, mais c’est aussi loin d’être évident », ajoute l’entrepreneur. Le premier défi à relever a ainsi été d’“obtenir un siège à la table”, ou plus exactement à la “bonne” table, car, « dans le monde des grands comptes, le plus dur n'est pas d'avoir un échange, mais d'avoir un échange avec les bonnes personnes, de façon opérationnelle ».
Montrer une approche industrielle
Le premier contact de WeMap avec les équipes de la SNCF a eu lieu à travers un “challenge” organisé par Cap Digital. « Cela nous a permis de passer du temps avec eux, de montrer ce qu’on pouvait faire et prouver qu’on était crédible. Surtout, on s’est dit qu’au-delà du POC, il fallait montrer qu’on avait une approche industrielle », explique Emmanuel Mouren. Concrètement, il s’agissait de montrer très vite que la technologie de WeMap pouvait être déployée à grande échelle, sur de nombreux cas d’usage et dans plusieurs configurations opérationnelles, pour ne pas être catégorisée comme un simple sujet de veille technologique.
Cette première prise de contact a permis à WeMap d’avancer avec les bons arguments lors d’un appel d’offres organisé plus tard par d’autres équipes de SNCF Gare & Connexions. « Nous avons pu capitaliser sur le POC et nous avions le bon vocabulaire, même si ce n’était plus du tout les mêmes interlocuteurs. » Surtout, « nous avons été technologiquement agressifs - grâce à notre solution unique et d’avant-garde. En tant que startup, on ne pouvait pas arriver avec un produit seulement un peu meilleur que la concurrence. »
Parmi les autres enseignements tirés par la startup : « établir un maillage très important chez le client ou le prospect, et ne pas miser sur un seul interlocuteur. Il faut réussir très vite à lancer un projet, mais ne pas s’en contenter, en entrant très vite dans une démarche industrielle. »
Rigidifier les process et trouver l’équilibre
L’appel d’offres gagné, les équipes de WeMap ont pu passer à la phase de mise en œuvre de leur solution, en avançant progressivement : les gares concernées par les JO Paris 2024 ont servi de premier test, avant un déploiement plus large. « L’enjeu maintenant est de concilier notre agilité et la visibilité dont les clients ont besoin. Cela implique de rigidifier un peu les process, mais ça nécessite surtout une acculturation réciproque, pour converger et trouver le bon équilibre. »
Un partenariat d’une telle ampleur ouvre-t-il des portes ? Certainement, mais il ne résout pas tous les problèmes de perception… « C’est un combat du quotidien d’être reçu et écouté par les grands comptes. Aujourd’hui, malgré nos références, certains trouvent qu’on est encore trop petits. Lors d’un rendez-vous, on nous a même fait comprendre que le fait de travailler déjà avec de gros clients pouvait être un frein, car on aurait du mal à en intégrer de nouveaux ! » Le combat n’est donc jamais totalement gagné…