Comment se porte le marché de l'investissement en santé, et sous quels auspices l'année 2025 s'ouvre-t-elle ? Nous avons posé la question à deux fonds aux profils complémentaires : le pôle Biotech de BPI France, qui accompagne les startups early-stage sur leurs essais cliniques in vitro et sur des animaux, et le fonds de Private Equity Jeito, qui intervient lorsque les études cliniques basculent vers l'humain.
Chez BPI France, c'est Laurent Arthaud dirige le pôle Investissement BioTech et EcoTech, il nous a répondu en direct du CES de Las Vegas, juste avant de rejoindre la Healthcare Conference, à San Francisco, 43e édition du congrès organisé par JP Morgan : « InnoBio2 est un fonds de 203 millions d'euros, rappelle-t-il, géré par Bpifrance qui en est également souscripteur, aux côtés des principaux laboratoires pharmaceutiques mondiaux (Sanofi, Servier, Ipsen, BMS , Takeda et Boehringer Ingelheim) opérant sur le territoire national. Nous travaillons principalement sur le développement de nouveaux médicaments et ciblons prioritairement des entreprises françaises ou européennes ayant une part significative de leurs activités sur le territoire français. »
Pour Laurent Arthaud, le marché a connu un point de bascule en 2022. « Tout allait bien jusqu'à l'été 2022, et puis le Nasdaq s'est grippé, avec un arrêt des introductions en Bourse. Tout le monde s'est retiré, 2023 a été très mauvaise et la reprise attendue pour 2024 est arrivée, mais pas autant qu'espéré. »
La biotech ne bénéficie peut-être pas de la même « hype » que l'IA...
L'investisseur explique cette relative inertie par l'inflation toujours très élevée aux Etats-Unis et dans le monde : « Les arbitrages sont plus orientés vers des projets de dette et d'obligations que dans les actions. On cherche un rendement qui équilibre au minimum l'inflation, ce qui n'est pas évident dans l'investissement. Par ailleurs, du côté des actions, vous avez à choisir entre actions cotées et non cotées, mais aussi entre digital et biotech, or le digital bénéficie amplement de la vague de « Hype » autour de l'IA. »
L'année dernière cependant, les grands acteurs pharmaceutiques ont racheté davantage de startups et Laurent Arthaud a bon espoir qu'en 2025 le mouvement de reprise s'amplifie. « Le Nasdaq se rouvre progressivement aux biotechs et on voit en parallèle que des biotechs non cotées se font acheter par de grands groupes. Par ailleurs, nous avons un nombre important de créations d'entreprises, on voit beaucoup de startups se lancer, avec des entrepreneurs chevronnés. » ...
… Mais on aura toujours besoin de médicaments
Chez Jeito Capital, spécialisé dans la santé et le growth capital, « le plus grand fonds de Private Equity indépendant en Europe dédié à l'innovation en santé avec 534 millions d'euros d'actifs sous gestion », on faisait la semaine dernière deux grandes annonces : « Jeito Capital a mené une série B de 67,5 millions de dollars pour la startup XyloCor Therapeutics. Cette entreprise américaine développe une thérapie génique très innovante dans les maladies cardiovasculaires. Le tour de table, souscrit également par EQT, Fountain Healthcare Partners et Lumira Ventures, servira notamment à la réalisation de deux études cliniques de phase 2. »
Seconde annonce, Jeito a également misé sur Aviceda Therapeutics en participant significativement à son tour de série C sursouscrit de 207,5 millions de dollars. Américaine elle aussi, cette biotech développe un candidat médicament de pointe, destiné à traiter l'Atrophie Géographique, une perte de vision progressive engendrée par une DMLA et la biopharma pourra ainsi conduire ses deux études cliniques de stade avancé (phase 2b et 3).
« Jeito, grâce à sa dimension internationale et sa très bonne connaissance de l’écosystème en Europe, est le seul fonds européen à avoir participé à ce tour de table, précise Rafaèle Tordjman, sa fondatrice, qui rappelle également combien les résultats cliniques et plus précisément la qualité des bénéfices apportés aux patients par les nouvelles molécules, sont déterminants dans la valorisation d'une biopharma.
« L'autre critère important est le nombre d'années sous brevet qu'il reste après la commercialisation, ajoute-t-elle. D'ici 2030, on estime que les grands acteurs de la pharmacie vont perdre jusqu'à 300 milliards de dollars de chiffre d'affaires, en raison de l’expiration de nombreux brevets. Ils sont donc engagés dans une course contre la montre pour renouveler leur pipeline d’innovations, ce qui conforte la dynamique du secteur. »
Rafaèle Tordjman souligne un atout pour les biopharma, même sans IA : « Dans la Tech, vous avez votre produit et vous cherchez votre marché. Chez nous, c'est l'inverse : si la science est innovante et de qualité, et si elle produit de bons résultats, vous trouverez toujours acquéreur. Comment le valoriser le mieux possible ? C'est là que nous intervenons ! »