Avec son projet de loi de finances qui prévoyait une limitation des avantages du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) et l’alourdissement de la fiscalité des BSPCE, le gouvernement Barnier annonçait du gros temps. La flotte des startuppers s’est regroupée pour y faire face. L’orage est passé près, mais il est difficile de savoir si le gouvernement Bayrou ne va pas apporter son lot de tempêtes.

Il faut dire que, depuis plusieurs années, le climat politique entourant les startups françaises était particulièrement clément : difficile de citer une réforme manifestement défavorable depuis que M. Macron a été nommé ministre de l’Économie … il y a dix ans.

Le changement de cap à venir va tester la capacité de nombreux dirigeants à naviguer en vents contraires, alors même que les financements se sont déjà raréfiés. Si l’année 2024 a été marquée par des levées record dans des segments porteurs comme l’IA (Mistral.ai, The H Company, Poolside) ou les SaaS (Pigment), celles-ci ne sont pas représentatives des difficultés rencontrées par « le gros de la flotte », notamment dans des secteurs comme les life sciences ou le e-commerce. Les premiers sabordages retentissants (Ynsect, Luko, Masteos) auxquels nous avons assisté au cours des 18 derniers mois ne sont que le sommet de l’iceberg, au regard de la lame de fond de sociétés en difficulté, et ne vont pas contribuer à rassurer le secteur.

S’adapter

Nos navigateurs seront bien inspirés de profiter des expériences passées de leurs aînés, notamment aux États-Unis, qui ont déjà essuyé bon nombre de tempêtes pour finalement voir la lumière au bout du tunnel. Et, sans surprise, le premier atout à avoir est la capacité d’adaptation : face au tarissement des levées « faciles », il s’agira de trouver un juste équilibre entre réduire la voilure et explorer de nouvelles trajectoires de financement.

Ces derniers mois ont déjà été marqués par un certain nombre de plans sociaux. On verra certainement se développer le recours à des formes de financement qui restaient somme toute marginales jusqu’à présent tels que le crowdfunding ou la venture debt, et les stratégiques ne manqueront pas de mettre leur grain de sel en proposant aux startups qui les intéressent de s’adosser à eux.

S’organiser pour peser

Face à la marée montante, les startups et les VCs ont tout intérêt à resserrer les rangs et tenter de peser de tout leur poids. Ils n’ont d’ailleurs pas attendu pour le faire et des organisations comme France Digitale et France Invest jouent le rôle de figure de proue auprès du gouvernement et de Bercy pour défendre les intérêts des startups et proposer des ajustements aux réformes en cours pour préserver l’écosystème.

Tant les startups que les VCs savent à quel point les réformes du statut des JEI et des BSPCE telles qu’envisagées enverraient un mauvais message à l’international : notre système d’incentive des dirigeants et salariés est déjà perçu comme trop complexe et moins favorable qu’à l’étranger et dégrader l’attractivité des BSPCE serait manifestement pénalisant pour la compétitivité de la French Tech.

Espérons que cet effort collectif soit récompensé : c’est parfois dans la difficulté que les innovations les plus bénéfiques émergent et définissent les contours d’ères florissantes.