L’univers des startups est associé à l’hypercroissance, l’innovation, le pivot heureux, les levées de fonds à succès, les projets de rachats féconds... Des préoccupations a priori bien éloignées du sujet de l’échec entrepreneurial. Surtout, elles détournent les fondateurs d’une autre priorité pourtant vitale : celle de travailler leur capacité de rebond simultanément et en sus de leur capacité de croissance.

Croissance et rebond vont de pair et créent de la valeur l’un comme l’autre. C’est même parce qu’un entrepreneur se sera préparé à se planter au cas où qu’il réussira à atteindre l’objectif et la vision qu’il porte avec sa startup. Quelle figure emblématique du monde des startups n’a pas essuyé de revers ? De Marc Simoncini (Meetic et Angell) et Pierre Kosciusko-Morizet (PriceMinister) à Tony Parker (Wenbanyana et Risacher) et Olivier Jaillon (Wakam) en passant par Bertrand Fleurose (Cityscoot) et Albert Szulmann (Be Bound), la liste est longue, y compris en France. 

Le rebond, un passage inévitable qui devient un bonus

Certes, quand les fondateurs lancent leur projet, cherchent des fonds et se préparent à pitcher devant des investisseurs, ils s’entrainent avant tout à raconter la belle histoire. Pourtant, avoir connu des difficultés n’est pas rédhibitoire. Surtout, ça ne fait pas d’eux des loosers. Au contraire ! 

L’exemple qui suit est facile : aux États-Unis, eldorado des startups qui fait rêver plus d’un créateur français de jeune pousse, chacun raconte son plus bel échec. C’est d’ailleurs ce qui donne de l’épaisseur et du galon à un entrepreneur. C’est aussi ce qui va rassurer et inciter un investisseur à miser sur sa startup – estimant que, comme il a déjà commis des erreurs, il saura corriger le tir si la situation l’impose et surtout, il agira bien avant qu’il ne soit trop tard.

Ne nous trompons pas de sujet : tout entrepreneur, aussi brillant et génial, aussi « capé » et « à réseau » soit-il, essuiera des revers. Et ces accidents de parcours ne viendront sans doute pas de là d’où il les attend. Mésentente et divergences entre associés qui dégénèrent en conflit, mauvais recrutement qui plombe la dynamique interne ou la croissance, erreur de positionnement ou choix du mauvais marché pour un produit, contretemps et retard au niveau de la R&D, événements géopolitiques ou climatiques imprévus qui modifient les supply chains et augmentent les charges et les délais, levée de fonds qui s’éternisent alors que les charges tombent et même augmentent... les possibilités de rater sont multiples, diverses et infinies !

La clé est dans la préparation du rebond

Alors que faire ? Tout d’abord, arrêter de se voiler la face et s’emparer du sujet autant que des questions de financement, de ventes, de marketing ou de RH. Travailler sa résilience et son réseau en pensant “rebond” est aussi vital qu’acquérir les fondamentaux de la gestion financière et qu’enrichir les connexions business au sein de son écosystème. 

Pour se préparer, pour anticiper, la première étape est de changer d’état d’esprit et d’écouter des témoignages, d’oser partager ses doutes et ses réflexions avec des pairs, sans tabou. Préparer un rebond est plus efficace quand tout va bien que quand la situation commence à aller mal. Le pire serait de se replier sur soi et d’être dans le déni quand des difficultés surgissent. Il est essentiel, sinon vital de savoir écouter les signaux faibles, assumer et regarder les difficultés en face, ne pas se replier sur soi et solliciter les bonnes personnes, au bon moment, pour prendre les meilleures décisions possibles. 

Rebondir demande des aptitudes et un état d’esprit que tous les startuppers devraient développer au fil de leur vie professionnelle, et même dès les années d’études pour ceux qui ont l’opportunité d’intégrer des cursus sur l’entrepreneuriat. A ce jour, le sujet reste rarement abordé et travaillé quand une large part des cours est consacrée à la gestion, à la comptabilité, au business plan ou encore à l’internationalisation, au marketing et au management. 

Choisir de rebondir est une décision de gestion. Réussir une hypercroissance est aussi complexe que gérer un défaut de trésorerie, à un détail près : le défaut de trésorerie fait très vite clignoter les lanternes rouges alors que les alertes en cas d’hypercroissance sont des signaux faibles que la plupart ne savent ni détecter ni écouter. Plus que jamais, alors que des startups prometteuses basculent en redressement judiciaire, voire en liquidation, le rebond doit être encouragé et devenir une valeur économique forte de l’entrepreneuriat français. Un startupper averti est un startupper qui rebondit.