L’intelligence artificielle appliquée à l’industrie génère au moins autant d’espoirs que d’inquiétudes. Rien ne sert, toutefois, de verser dans le débat passionné. L’enjeu est plutôt d’analyser ses impacts sur le domaine de la fabrication. Car dans l’industrie, l’IA n’est plus une chimère. Elle transforme déjà le secteur en profondeur.

L’IA moteur de l’efficacité

Facteur essentiel de la compétitivité des industriels, l'efficacité se voit décupler par l’IA, notamment dans le domaine de la maintenance prédictive. Alors que la société américaine Lake Cable peinait à atteindre ses objectifs de production, sans en identifier la raison, elle a déployé le logiciel Oden. Grâce à lui, elle a découvert que les arrêts de production, pourtant peu fréquents, duraient en moyenne dix fois plus longtemps qu’estimé. L’entreprise a donc, par l’intermédiaire d’Oden, trier et catégoriser les incidents et identifier leurs causes racines afin de mettre en place des plans d'action spécifiques. Résultat : une augmentation de 8 % de sa capacité de production, une amélioration de 25 % du rendement synthétique (rapport entre le temps de production et le temps de production planifié) et de 30 % de la productivité des ingénieurs de processus.

L’IA, un potentiel de qualité inégalé

Les méthodes traditionnelles de contrôle qualité, souvent dépendantes de l’œil humain, sont désormais complétées, voire parfois remplacées, par des systèmes de vision IA, bien plus performants. Woodmills, l'une des plus grandes entreprises de coupe et de sciage en Amérique du Nord, utilise Cogniac, un logiciel de vision par ordinateur pour détecter les variations entre les grumes (troncs d’arbre pas encore équarris). Ainsi, elle parvient à évaluer beaucoup plus précisément la qualité du bois en fonction de sa courbure, de son état interne, de sa longueur et de son diamètre. Ce nouveau processus qualité lui a permis d’économiser plus de 20 millions de dollars par an.

L’IA au service de l’approvisionnement

L’impact de l’IA touche également la chaîne d'approvisionnement, un domaine critique pour tout fabricant. Sous son impulsion, les industriels sont capables d’évaluer la demande de plus en plus précisément, ce qui leur permet d’aligner leur production sur les besoins réels du marché. Et donc de réduire leur stock excédentaire et d’éviter les ruptures. En utilisant le logiciel développé par la startup française Flowlity dans 26 pays, Saint-Gobain - Sekurit a diminué ses ruptures de stock de 23 % et la valeur de son inventaire de 6 % en seulement 3 mois.

IA et main-d’oeuvre : un mariage possible

À mesure que l'IA prend en charge des tâches répétitives traditionnellement gérées par les travailleurs humains, la nature des emplois manufacturiers évolue. Cette évolution les encourage à s’investir dans des missions plus complexes à l’image de la gestion, de la programmation et de la maintenance des systèmes IA. Ils engrangent par ce biais de nouvelles compétences.

L’IA, source de créativité

Si l’IA favorise l’efficacité, la qualité et valorise les compétences des ouvriers, elle est aussi un formidable vecteur d’innovation, en particulier dans la conception et le développement des produits. Les fabricants qui utilisent la conception générative explorent un éventail de possibilités encore jamais atteint. Ils prototypent, testent et affinent leurs produits beaucoup plus rapidement. Et raccourcissent en conséquence drastiquement leurs délais de mise sur le marché.

L’IA est-elle la quatrième révolution industrielle ? Si elle a longtemps été une source de fantasmes et de craintes, elle est désormais incontournable. S’en passer, c’est se priver de nombreux bénéfices en termes de qualité, d’efficacité et d’innovation. Exploiter sa pleine puissance, c’est au contraire s’assurer des gains de productivité qui ne sont pas sans rappeler ceux réalisés grâce à d’autres évolutions majeures (pétrole, électricité, internet). Au bilan, révolution ou pas, l’IA confère un avantage certain sur la concurrence. Un argument largement suffisant.