Ils ont traversé l'Île-de-France, et parfois même le pays, pour certains dans des trains affrétés par Bpifrance, pour se rendre à La Communale de Saint-Ouen, ce lieu de vie pluriel, transverse, et engagé. Destiné à adresser les entrepreneurs et porteurs de projets issus des quartiers qui ne participent à la chaîne entrepreneuriale qu’à hauteur de 25%  contre 32 % dans le reste du territoire national, l’évènement Quartier Général a mis en avant les solutions du Programme "Entrepreneuriat Quartiers 2030", financé par l’Etat et la Banque des Territoires, lancé en 2023 avec l’objectif de réduire l'écart entre la volonté d'entreprendre et la création effective d'entreprises dans les quartiers prioritaires de la ville en accompagnant 100 000 nouveaux entrepreneurs dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) d'ici 2027. 

Et pour cause, entreprendre peut s'apparenter à un chemin semé d'embûches, qui plus est dans les quartiers prioritaires de la ville. Moyens limités ou encore défiance accrue des institutions financières, ces porteurs de projets ont tendance à limiter leurs prévisionnels à quelques milliers ou dizaines de milliers d'euros, freinant ainsi leur potentiel de croissance. Ils ont par ailleurs encore trop souvent le sentiment, réel ou perçu, d'un manque d'accompagnement, de soutien et de connexions avec les milieux économiques. “La France des quartiers, c’est la France réelle et c'est la France de demain. C'est la France qui va changer la France. C'est la France dont on a besoin pour se projeter vers le futur et oublier un certain nombre de passés dont on ne veut plus entendre parler. Concentrez-vous sur vos projets. Ne vous laissez pas distraire par les turbulences politiques ou les nouvelles négatives. Préservez votre énergie, c’est le principal atout d'un entrepreneur”, a tenu à rappeler Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance. 

Des rôles modèles pour y croire dur comme fer 

Un message d'encouragement et de résilience qui résonnait dans l'ancienne halle industrielle, célébrant l'ambition et la réussite entrepreneuriale comme véritable voie d'émancipation. Chaque élément de cet espace avait été soigneusement conçu pour relever le défi de l'entrepreneuriat, créer des connexions significatives et transcender les barrières socio-économiques. La scène principale donnait à voir une série d’interventions inspirantes de fondateurs de startups, de dirigeants d'entreprises établies, d’artistes et de personnalités influentes dans le domaine de l'entrepreneuriat et de l'innovation dans divers secteurs. "Les quartiers regorgent de rôles modèles. Les entrepreneurs ont besoin de s'identifier à des personnes qui les ressemblent.. Je pense notamment à Yasmine Iamarene et Mamadou Dembele, entrepreneurs emblématiques issus des quartiers prioritaires", explique Maëlle Jacquet, Responsable de la valorisation de l'offre chez Bpifrance.

Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance, a quant à lui évoqué l'histoire inspirante de Mohed Altrad, un bédouin syrien réfugié devenu milliardaire en France, incarnant le parfait exemple d'un transfuge de classe ayant réussi grâce à l'entrepreneuriat. Pour faciliter le parcours des participants, un "village des solutions" a été mis en place. Il a réuni les membres du collectif Cap Créa, regroupant 27 réseaux partenaires, parmi lesquels, des structures telles que BGE, l’Adie et Initiative France, des réseaux spécialisés comme le Moovjee (pour les jeunes entrepreneurs) ou Les Premières (dédié à l'entrepreneuriat des femmes) mais également des associations qui s’adressent spécifiquement aux entrepreneurs des quartiers, à l’instar de Positiv ou des Déterminés. Ces organisations offraient un éventail de ressources, de conseils et de programmes d'accompagnement adaptés à tous les besoins des entrepreneurs.

Le nerf de la guerre étant toujours l'argent, un espace baptisé Money Time était spécifiquement dédié à la recherche de financement. Imaginé par le nouveau service Fast Track to Cash de Bpifrance, il récompensait les lauréats d’un concours éponyme à travers d’une part la mise en relation qualifiée avec des financeurs et des investisseurs, et d’autre part pour les 12 lauréats les plus matures la possibilité de pitcher sur scène leur projet. 

Un parcours croissance pour viser les étoiles

Pour répondre aux besoins différenciés des entrepreneurs, deux parcours distincts ont été créés lors de l'événement : les ateliers création, destinés aux entrepreneurs de moins de 3 ans d'activité, et les ateliers croissance, conçus pour ceux en phase de développement. “Le parcours création aborde l'ensemble des problématiques fondamentales : la recherche d'accompagnement, l'immatriculation d'entreprise, l'élaboration du business plan et l'anticipation des risques. Le parcours croissance, quant à lui, cible spécifiquement les entrepreneurs ayant dépassé les trois premières années d'activité ou en phase d'expansion. Il se concentre sur des enjeux plus avancés : la construction d'une marque forte, l'optimisation de la communication, la gestion du recrutement, le développement de la relation client et l'internationalisation”, rappelle Maëlle Jacquet,  Cette différenciation était pertinente au regard des statistiques présentées par Stanislas Lefort, Responsable du Programme Accélérateurs, et Manon Vergne, Responsable des Accélérateurs Entrepreneuriat Quartiers 2030 : 29 % des entreprises échouent dans les deux premières années, 50 % dans les cinq premières années, et la moitié des dirigeants déclarent se sentir isolés.

Les rôles modèles sélectionnés pour illustrer ces problématiques se sont révélés particulièrement attractifs. L'atelier croissance a même rapidement affiché complet lors de l'intervention de Marvens François, président de Poulet Braisé, sur la construction d'une marque forte. "Votre marque doit parler d'une seule voix à travers tous vos points de contact avec le client. Appropriez-vous les codes établis et réinventez-les à votre manière pour façonner une identité unique. Construire une marque forte, c'est créer une expérience reconnaissable instantanément par le client", a-t-il déclaré.

Les bancs étaient tout aussi pleins à l'occasion de l'atelier croissance dédié à l'internationalisation, qui réunissait Pierrick Chabi, CEO de Wakatoon, Arnaud Laurent, General Manager Stratégie et Développement chez Salveo, et Sébastien Pascaud, spécialiste export et coordinateur du Pass Africa chez Bpifrance. Ce temps fort a notamment permis à l'audience de découvrir les clés pour adapter son offre, identifier des marchés porteurs et préparer son entreprise à un nouveau défi international. "Chaque nouveau pays est en quelque sorte une nouvelle entreprise", a rappelé Arnaud Laurent.