La divine idylle entre Emmanuel Macron et les entrepreneurs de la French Tech est-elle sur le point de se terminer ? En tout cas, elle bat sérieusement de l’aile, selon une étude réalisée par la plateforme Legalstart, qui fête cette année ses dix ans d'existence. Menée du 13 au 15 décembre auprès d’un échantillon de 891 dirigeants et chefs d’entreprise, soit dans la foulée de la nomination de François Bayrou à Matignon, celle-ci met en lumière la déception, pour ne pas dire l’exaspération des entrepreneurs, vis-à-vis de l’exécutif.

En effet, 78 % d’entre eux ne lui accordent plus leur confiance et 47 % le rejettent même totalement. Dans ce contexte, 50 % des entrepreneurs interrogés souhaitent la démission du président de la République. Un désir encore plus prononcé chez les sympathisants du Rassemblement national (79 %), tout comme ceux de La France Insoumise et du Nouveau Front Populaire (89 %). «Ces chiffres sont catastrophiques pour le président de la République. L’histoire d’amour entre la French Tech et Macron est pour de bon terminée», observe Guillaume Limare, directeur produit et marketing de Legalstart. L'époque où Emmanuel Macron était accueillie comme une rock-star au CES de Las Vegas en 2016 ou lors de l'inauguration de Station F en 2017 est donc bel et bien révolue.

Les entrepreneurs dépités et inquiets face au marasme politique actuel

Dans le même temps, 37 % des personnes interrogées ont envie que le chef de l’État aille au bout de son second mandat et parvienne à restaurer la stabilité dans un paysage politique chaotique depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier. 7 % des répondants souhaitent d’ailleurs la tenue de nouvelles élections législatives. Un scrutin qui ne pourra cependant pas avoir lieu avant l’été prochain, en vertu des règles imposées par la Constitution.

L’organisation de nouvelles élections législatives l’an prochain est une musique qui revient régulièrement dans les travées du Palais Bourbon et dans l’espace médiatique depuis la rentrée. Toutefois, 48 % des entrepreneurs pensent que ce n’est pas une bonne solution pour sortir de la crise, tandis que 36 % pensent le contraire.

Dans ce marasme politique, les entrepreneurs semblent quelque peu dépités, pour ne pas dire déboussolés, face au contexte actuel. 29 % d’entre eux n’identifient d’ailleurs aucun parti politique capable de régler cette situation inextricable. Le parti le plus plébiscité, le RN, ne séduit que 24 % des répondants, devant LFI/NFP et les Républicains (13 %). Le constat est encore plus terrible pour Ensemble, le parti présidentiel, qui n’est soutenu que par 4 % des répondants. «Il y a une forme de lassitude, voire même d’abandon, de la part des entrepreneurs», constate Guillaume Limare. Une lassitude à remettre en perspective avec leur inquiétude grandissante. 71 % des répondants se disent ainsi inquiets, voire très inquiets pour 50 % d’entre eux.

Bayrou à Matignon, un mauvais choix pour 6 entrepreneurs sur 10

Dans ce contexte difficile, le remplacement de Michel Barnier par François Bayrou à Matignon est-il de nature à rassurer les entrepreneurs ? Pas du tout. 62 % des dirigeants interrogés pensent que sa nomination est un mauvais choix, et 18 % un choix loin d’être optimal. Ils auraient préféré un autre profil, comme Lucie Castets (27 %), Jordan Bardella (26 %), Bernard Cazeneuve (15 %), François Baroin (12 %) et Thierry Breton (8 %). Par conséquent, les entrepreneurs ne prédisent pas un grand avenir au nouveau Premier ministre, qui connaît des premiers pas très laborieux dans son nouveau costume : 82 % pensent que François Bayrou n’arrivera pas à rassembler une majorité stable à l’Assemblée nationale. «C’est compliqué, il part avec un handicap fort dès le début», souligne Guillaume Limare.

Néanmoins, ils espèrent que le prochain gouvernement mettra à l’honneur les trois priorités suivantes : la réduction des charges fiscales et sociales pour l’entreprise (58 %), l’apaisement des tensions sociales et politiques (49 %) et la simplification des démarches administratives (44 %). Des priorités qui sont assez logiques alors que l’inquiétude est grande autour des niches fiscales plébiscitées par les entrepreneurs. Le budget 2025 n’étant toujours pas validé par le Parlement, le flou demeure autour de l’avenir du crédit d'impôt recherche (CIR), qui a coûté 7,7 milliards d’euros à l’État en 2024, du crédit d’impôt innovation (CII) ou encore du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI).

En attendant des jours meilleurs, les entrepreneurs font le dos rond. Ainsi, ils réduisent leurs coûts (45 %), leurs investissements (34 %) et les recrutements (27 %) ou se concentrent sur des projets à court terme (28 %). Mais une part non-négligeable est encore dans l’expectative : 36 % d’entre eux assurent ne pas avoir pris de décision majeure pour le moment. L’heure est donc à la prudence alors qu’une sortie de crise politique semble plus lointaine que jamais.