À la différence de la révolution informatique des années 80/90 ou de l’arrivée d’internet dans les années 2000, la vague d’IA générative est aujourd’hui majoritairement portée par les salariés, bien plus que par les entreprises qui restent encore, pour beaucoup attentistes. OpenAI revendique ainsi plus de douze millions d’abonnés individuels payants (soit 5 à 6 % du total de ses 250 millions d’utilisateurs), pour “seulement” un million d’entreprises abonnées.
“C’est une révolution qui est arrivée par les individus, et qui s’est ensuite propagée dans l’entreprise… Ça change beaucoup de choses ! Cela met notamment beaucoup de pression sur les chefs d’entreprise à qui on demande d’avoir une politique sur le sujet”, explique Robin Rivaton, co-président du Comex40 du Medef et CEO de Stonal.
Une technologie qui égalise ?
Qu’elle soit accompagnée ou subie par les entreprises, cette prise en main spontanée de l’IA générative par les collaborateurs commence à avoir des effets bien concrets, et ils sont plutôt positifs, selon l’étude du Medef. En effet, celle-ci évacue les risques pour l’emploi, une “peur [qui] est profondément irrationnelle quand on la confronte sur période longue", et évoque plutôt une “explosion des hiérarchies”, avec “une mobilité accrue pour des profils autrefois bloqués par le diplôme, la langue ou la maîtrise des outils informatiques”.
L'étude revient notamment sur un exemple précis : en Espagne, Orange a observé, dans un de ses centres d’appels, ayant mené une expérimentation avec l’IA, “un nivellement par le haut de tous les agents. Ceux qui étaient dans le premier quartile voient leur performance augmenter de 15 à 20% ; ceux qui se situaient dans le dernier quartile voient leur productivité doubler.”
“Souvent, on a la vision d’une technologie qui va polariser alors que, sur le terrain, on a plutôt des retours sur une certaine égalisation, avec une technologie qui bénéficie à tout le monde”, constate ainsi Robin Rivaton.
Expliquer et accompagner dirigeants et collaborateurs
Mais pour bénéficier à tout le monde, les usages et les intérêts de l’IA doivent tout de même être plus largement expliqués, aussi bien pour les dirigeants que pour les collaborateurs. Une tâche à laquelle a commencé à s'atteler le Medef avec son “Tour de France de l’IA”, qui compte plus d’une vingtaine d’étapes d’ici février 2025.
“On voit énormément d’intérêt pour l’événement, mais avec une forte hétérogénéité en fonction des secteurs, des tailles d’entreprise ou des territoires. Il y a encore un vrai travail pédagogique à faire pour expliquer les bénéfices qu’on peut tirer de l’IA”, explique le co-président du Comex40 du Medef. Et ce, alors que selon l’institut Gartner, nous sommes maintenant au “pic des attentes” et allons bientôt entrer dans “la vallée de déception”.
Former, mais surtout changer les modes de management
L’un des enjeux principaux est d’éviter les déconvenues vécues avec le mouvement de transformation numérique initié dans les années 2010, marqué par de forts investissements technologiques, mais des impacts (encore) limités. De fait, comme le constate Robin Rivaton, “si les entreprises françaises ont énormément investi dans la digitalisation et le logiciel ces dernières années, elles n'en ont pas recueilli les fruits, la France affichant la plus forte baisse de la productivité du capital des pays de l'OCDE ces dix dernières années”.
Une des raisons de ce décalage, selon l’entrepreneur ? Un enjeu de management, qui pourrait gagner en souplesse. “C’est une question de formation, certes, mais surtout d’autonomisation des collaborateurs. 61% des salariés français déclarent avoir peu d'autonomie contre 39% au Royaume-Uni : la France est le pays dans lequel les salariés déclarent être les moins autonomes dans leurs tâches au travail ! C’est pourtant un point encore plus important avec l’IA, qui est une technologie qui repose sur l’expérimentation et une prise en main individuelle.”