Au cœur d’un immeuble parisien, dans une petite cour, se cache un site de production industriel insoupçonnable. Bienvenue chez Standing Ovation. La pièce qui accueille les visiteurs et les collaborateurs est une grande cuisine meublée de trois tables en bois massif collées les unes aux autres. Quoi de mieux pour une startup qui veut modifier radicalement notre manière de nous alimenter

Grâce à son «advanced casein», Standing Ovation permet la fabrication de produits laitiers sans avoir utiliser de lait animal ou en complément de ce lait. «Nous ne voulons pas faire de compromis sur la qualité, ni sur le goût, ni sur les fonctionnalités», insiste Romain Chayot, cofondateur et directeur général et scientifique de Standing Ovation. Le scientifique explique que les qualités d’un fromage qui fond et file, du lait qui mousse bien dans son café ou d’une glace crémeuse, dépendent de la protéine présente dans le lait : la caséine. C’est cette protéine qu’imite Standing Ovation, mais sans se reposer sur l’animal. «Nous allons utiliser des micro-organismes, des ferments, des bactéries, des levures, des champignons… dans le but unique de produire cette même protéine.» 

Cette caséine se présente comme une poudre blanche. On pourrait presque la confondre avec de la farine. Elle est un outil pour les industriels. Romain Chayot précise : «Nous ne sommes pas là pour entrer en compétition avec un camembert AOP de Normandie ou un Roquefort. Nous apportons une brique complémentaire pour fabriquer un produit : on peut utiliser du lait et le compléter avec notre protéine obtenue par la fermentation de précision ou bien fabriquer un fromage vegan mais avec la bonne protéine qui donne sa typicité au fromage ou au yaourt.» La technique de production de Standing Ovation est désormais au point et nécessite moins de 24 heures pour produire cette poudre si précieuse. SO peut fabriquer 200 protéines de caséine de lait différentes. Elle a même mis au point le premier chocolat au lait vegan au monde, sans compromis sur le goût. La rédaction l’atteste. 

Standing Ovation vise désormais le passage à l’échelle en levant une série B en milieu d’année prochaine pour s’industrialiser et se commercialiser. 

Un marché de 127 milliards d’euros 

Le potentiel de marché de Standing Ovation est immense. La valeur totale de la caséine sur le marché est évaluée à 127 milliards de dollars dont 4,3 en poudre. Et aujourd’hui la biotech française est seule à proposer un produit breveté, ‘advanced casine’, aussi complet. «Nous avons deux types de concurrents», explique Yvan Chardonnens, le nouveau président arrivé il y a un peu plus de six mois. «Il y a un producteur américain, New Culture, qui se focalise sur une application unique, celle du fromage qui file sur les pizzas en restauration. Il y a un autre type de sociétés qui font de la fermentation de précision, mais sur ce qu’on appelle la whey, la protéine de petit lait, mais dont les fonctionnalités sont très limités.» Pas de quoi arrêter ou menacer Standing Ovation : «Est-ce qu’on les voit comme concurrents ? Pas forcément. L’étendue des possibilités qu’on apporte est bien meilleure et plus large. Notre produit est également utilisable en tant que tel, sans transformation.»

Pour passer de la phase de pure R&D à l’industrialisation et à la commercialisation massive de son produit, SO a recruté ce nouveau président, un Suisse avec 30 ans de carrière internationale dans l’agro-alimentaire. «Nous sommes en train de nous structurer comme une entreprise et plus comme un projet, très clairement. L’écosystème se met en place, légal, RH, finance etc. Nous grandissons comme une compagnie normale, de manière très saine», commente Yvan Chardonnens.  

Standing Ovation prévoit de boucler une série B en milieu d’année 2025. «Nous allons commencer le roadshow en décembre, janvier». «Ce tour de table nous servira à poursuivre notre ramp-up industriel, montrer que notre technologie est scalable et réalisable. Elle sera également utile pour nous aider à augmenter notre pipeline commercial.» Standing Ovation vise un montant de plusieurs dizaines de millions d'euros. 

Plusieurs centaines de tonnes commercialisées dès 2028

Aujourd’hui, le laboratoire et les bureaux sont installés dans 150 mètres carrés au coeur du 14ème arrondissement de Paris. Elle va commencer à augmenter en taille et en production, notamment grâce à un site de production déjà acquis à Compiègne. Mais la biotech veut aller au rythme du marché et progresser de manière maitrisée. «L’idée est de ne pas investir immédiatement dans une usine pour éviter de devoir se retrouver à faire du volume push», explique Yvan Chardonnens. «Nous allons être vraiment à l’écoute du marché, à se mettre dans une position où notre croissance sera graduelle, contrôlée technologiquement et au niveau des coûts.» 

Il prévoit une production et une commercialisation de quelques dizaines de tonnes en 2026 puis une hausse par étapes pour arriver à plusieurs centaines de tonnes d’ici 2028 et 2029, «avant de changer de modèle industriel». La startup attend encore les homologations pour voir les produits élaborés à parti de son "or blanc" soit commercialisés. L'équipe attend l'autorisation américaine pour le premier trimestre 2025, et l'européenne, quelques mois après. Yvan Chardonnens reprend :  «Nous allons continuer à étendre notre pipeline commercial, et continuer à inventer puisqu'il y a encore des possibilités d’applications énormes.» Puis Romain Chayot complète : «Maintenant que nous avons la crédibilité, on déroule. La caséine est notre premier produit, le plus beau, mais nous avons en déjà deux nouveaux en préparation.» 

«The protein company»

Effectivement, Standing Ovation est une «protein company». La protéine de lait est un premier terrain de jeu, nécessaire puisque la France ne sera plus auto-suffisante en lait dès 2027, mais la technique développée par la startup peut être appliquée à d’autres types de protéines. «Nous avons commencé par la face nord de l’Everest, la caséine, car c’est la plus difficile», le cofondateur, CEO et directeur scientifique, «Réussir à créer cette caséine qui peut être filante, crayeuse, coulante, était très compliqué. Cela nous a donné de la crédibilité. Nous sommes une référence dans la fermentation de précision à l’échelle mondiale. Cette crédibilité, nous allons la mettre au service d’autres protéines.» SO peut générer d’autres poudre magique au service d’autres marchés, pour la petfood par exemple. Romain Chayot prévoit également des applications en cosmétique et en santé humaine. 

Mais Standing Ovation doit d’abord relever un dernier défi : celui de l’arrivée à la parité-prix avec la caséine de lait de vache. «Elle arrivera avec notre modèle industriel», prévoit Yvan Chardonnens. Une fois cette égalité atteinte, le marché qui s’ouvre pour ce premier produit est «total». «Le consommateur aura alors le même produit, les mêmes fonctionnalités au même prix.» 

Standing Ovation est donc sur un boulevard bien balisé. D’autant que leur solution est synonyme de respect de l’environnement. Sortir de la dépendance des élevages pour les produits laitiers, c’est un réel impact écologique : «Avec Standing Ovation, nous générons 94% de gaz à effet de serre en moins. Pas 10%. 94%», insiste Romain Chayot. «Nous avons envie de faire partager notre technologie au plus grand nombre parce qu’elle est là pour nourrir la planète avec des produits sains et au bon prix».