Hausse de 20% du montant total des levées de fonds par les fintechs françaises cette année par rapport à l’année dernière. Hausse de 10% du nombre d’employés par les fintechs françaises entre 2023 et 2024. Le secteur de la Fintech, qui comprend l’assurtech, les néo-banques, les cryptos ou encore les établissements de paiements et les solutions de gestion, poursuit sa croissance de manière linéaire depuis 2010, exception faite de 2021 et 2022, deux années hors normes. 

L’Observatoire de la Fintech publie son rapport annuel et dresse un bilan de l'année 2024. D’après cette étude, les fintechs françaises ont levé 1,3 milliard d’euros cette année, et 10,8 milliards d’euros depuis 2010. Il recense 508 startups actives en France. Si le montant total des levées est en augmentation, le nombre de tour de table, lui, est en baisse, passant de 140, en 2023, à 92. Cette évolution s’explique aussi par quelques méga-levées réalisées cette année. Alan a bouclé une série E de 173 millions d’euros, Akur8, un tour de 108 millions d’euros et Pigment, de 134 millions d’euros, pour ne citer que les trois opérations les plus importantes. Une tendance qui devrait se poursuivre. 

2025 : année de l’assurtech ? 

«Nous pensons que cette tendance des levées de fonds soutenues par des investisseurs internationaux va se poursuivre, puisque nous n’en avions qu’un l’année dernière et trois en 2024», commente Mikaël Ptachek, président de l’Observatoire de la Fintech. Si nous zoomons sur la répartition des montants levés, un sous-secteur émerge : l’assurtech. Elle capte 33% des fonds levés, souligne le rapport de l’Observatoire. Deux des trois méga-deals de 2024 reviennent à des néo-assurances. Ce dynamisme pourrait s’expliquer par le retard de de transformation tech accumulé par ces métiers. 

L’autre tendance qui devraient se confirmer dans les prochains mois est l’importance des services aux acteurs de la finance. Les startups B2B comptent pour 27% des fonds levés soit 357 millions d’euros. Dans ce sous-secteur, amené à croître, on retrouve Greenly, solution de mesure d’empreinte carbone, Datadome dans la gestion de data et de cybersécurité, ou encore Morpho Labs, un logiciel open-source pour programmer sa suite de services financiers. 

Enfin, le troisième poste le plus important est celui qui rassemble les métiers du middle et du back office. C’est dans cette catégorie que l’on place Pigment, Agicap ou Pennylane. Ces jeunes pousses ont reçu 23% des fonds levés. Un dynamisme qui s’accentuera en 2025. En effet, ces stratups répondent au besoin de simplification et de centralisation des services financiers aux PME et ETI. Ainsi, on observe de plus en plus de points de convergence entre des néo-banques pour les PME ou indépendants et des solutions de paiements. Pennylane a par exemple renforcé son partenariat avec Defacto pour faciliter les paiements instantanés. Qonto a fait l’acquisition de Regate. On note un fort mouvement du “tout-en-un” qui anime les fintechs, et notamment la finance embarquée, et qui va se poursuivre. 

La poursuite de la concentration du secteur 

Cette évolution se traduit également dans le nombre d’opérations de M&A. Il y en a eu 54 en 2024. Parmi les plus marquantes, le Crédit Agricole a fait l’acquisition de Pledg, une solution de paiement fractionné, le rachat de Shine par le danois Ageras a été validé mi-décembre, et le groupe BPCE a intégré iPaidThat. Les corporates sont bien sûr à l’initiative de ces opérations pour diversifier et transformer leur industrie. Mais ce ne sont pas les seuls acquéreurs. 

Les fintechs sont acheteuses, dans les mêmes proportions que les grands groupes, des jeunes pousses du secteur. «Cette bonne santé du M&A reflète la capacité des acteurs à acquérir des sociétés viables pour se transformer», souligne Emmanuel Papadacci-Stephanopoli, vice-président de l’Observatoire de la Fintech (et nouveau maire du Village by CA Paris). Ces opérations de M&A se réalisent, en grande majorité, entre acteurs français. Les startups acquises ont une moyenne d’âge de 10 ans. 

«Nous avons beaucoup vu, cette année, de scaleups faire l’acquisition de plus petites startups. Notamment avec trois deals où on peut voir des néo-banques compléter leur offre de services avec de la comptabilité tech, qu’on appelle la finance embarquée, ou le mouvement inverse», constate Mikaël Patchek. «Ces concentrations verticales font du sens dans la chaîne de valeur. Ce ne sont plus des rachats entre acteurs d’un même métier mais des acquisitions qui viennent compléter cette chaîne de valeur.»

Un climat réglementaire au service de l’expansion européenne

L’année 2024 a été marquée par la publication et la mise en application de nombreuses lois, y compris à l’échelle européenne. «Le secteur de la fintech a été favorisé par les réglementations et en particulier pour tout ce qui concerne le paiement», analyse François Faure, associé conformité externalisée et contrôle interne Techfin et secrétaire général de l’Observatoire. «Cela s’est fait de la même manière pour le crowdfunding. Sans la loi qui a permis son démarrage, rien n’aurait été possible. Donc le réglementaire a été un vecteur essentiel de la création de tout l’ecosystème actuel.»

«On s’attend à davantage d’harmonisation au niveau européen avec la disparition d’un certain nombre d’agréments franco-français pour aller au niveau européen», projette l’expert du réglementaire. Cela a été le cas pour le crowfunding en 2024 : les réglementations sont donc européennes. Le statut pour les cryptos passe également à l'échelle européen. «L’avantage important est qu’une fois que vous avez l’agrément en France, il suffit de s’enregistrer auprès des autorités tutelles des autres pays pour opérer dans ces pays.» Le processus reste long mais devrait encourager l’internationalisation d’acteurs comme Sowefund ou Tudigo entre autres. 

La dernière tendance d’harmonisation concerne notamment le blanchiment. De cinq directives, avec des applications légèrement différentes selon les pays, nous nous dirigeons vers un règlement harmonisé au niveau européen. C’est aussi vrai pour les services de paiement. «Tout cela fait que globalement les obstacle pour s’installer et offrir ces services à l’étranger diminuent. C’est un des axes portés par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, pour favoriser la création d’un marché unique européen», conclue François Faure. De quoi attendre des expansions internationales courant d’année prochaine.