Lors de la dernière grande braderie de Lille, je me suis déguisée en basket géante et j’ai  déambulé ainsi dans la foule toute la journée. Je viens d’avoir 29 ans, j’ai créé une entreprise qui  fabrique des baskets en cuir recyclable, et cette expérience promotionnelle inédite, outre qu’elle ne m’a  quasiment rien couté, s’est révélée inoubliable. Cela fait partie des choses que l’on apprend lorsque l’on  est cheffe d’une toute petite entreprise, que l’on n’a pas beaucoup d’argent mais que l’on a la fierté de  participer à une démarche utile à la société : rendre plus éco-responsables les activités sportives. J’ai  le sport chevillé au corps, je pratique le judo, le krav-maga, l’escalade, le marathon, le trail et j’ai toujours  été convaincue que la pratique sportive devait être la plus neutre possible pour l’environnement.  

Mais ce n’est pas du marché des chaussures de sport dont je souhaite vous entretenir dans cette tribune, ni même de l’entreprise au féminin, mais d’un aspect de l’entrepreneuriat dont on parle un  peu moins : l’importance du mental. J’ai investi mes économies, mes tripes, mes convictions, mes rêves,  mes projets, mon avenir dans cette entreprise. J’y crois et j’y crois encore. Et pourtant, comme beaucoup  d’autres créateurs de start-ups, je traverse parfois des moments de doute où je me mettrais bien sur  pause. Mais c’est impossible : même en vacances, même en faisant semblant de décompresser, il faut  que l’entreprise tourne, il y a ces « to do list » à cocher, qui ne cessent de s’allonger et de partir dans  toutes les directions, jusqu’à ce que l’on décide, comme moi, à les limiter à quatre tâches par jour, maxi… Inconsciemment, nous nous mettons en permanence en position de tout savoir, de tout  comprendre, d’être les meilleurs.  

C’est cette charge mentale qu’il faut apprendre à gérer, au risque de dépasser ses limites. Ce n’est pas toujours simple, il faut apprendre à être soi-même sans ostentation, assertive sans faire preuve de suffisance, écouter les conseils sans être pusillanime. Et surtout, il faut se mettre en situation  d’apprentissage permanent, ne pas perdre courage devant ce que nous ne maîtrisons pas. Chaque  jour, j’apprends quelque chose de nouveau et je fais en sorte d’être meilleure aujourd’hui qu’hier, mais  moins bonne que demain…  

Comme beaucoup de mes collègues, j’ai enduré beaucoup, des refus, des sacrifices  personnels, des heures passées au téléphone, des échecs, des déceptions, mais ma soif d’apprendre, de tirer des leçons de tout, bonnes ou mauvaises nouvelles, m’a évité de me faire trop de nœuds au  cerveau. 

Et finalement, je suis toujours là. Mes collections de baskets recyclées ont été remarquées, j’ai remporté la médaille de bronze au concours Lépine en 2024, j’ai embauché ma première collaboratrice en CDI cet été, je fais partie de l’association Diversidays et je prépare le lancement d’une nouvelle  collection de chaussures de running. La leçon à tirer : toujours se souvenir que lorsque l’on est à terre,  la seule direction possible c’est de se relever…