Entre deux joutes parlementaires au sujet du crédit d'impôt recherche (CIR), du crédit d’impôt innovation (CII) et le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) dans le cadre des débats sur le budget 2025, Clara Chappaz s’est envolée à San Francisco la semaine passée pour un déplacement de quatre jours dans le cœur battant de la tech américaine. Selon l’ex-directrice de la French Tech, ce voyage a débuté par un étonnant message de bienvenue des agents de la douane américaine à l’aéroport de San Francisco : «Welcome to the US Mrs Minister, but please make sure this AI doesn’t kill my job !»

Ces mots d’accueil étaient de circonstance. Et pour cause, ce déplacement outre-Atlantique était en effet axé sur l’IA puisque visant à préparer le Sommet pour l’Action sur l’IA qui aura lieu dans l’Hexagone les 10 et 11 février 2025. Dans la perspective de cet événement au rayonnement mondial, la secrétaire d’État en charge de l’IA et du Numérique a pris part à la première réunion la réunion des AI Safety Institutes, rassemblant des experts, scientifiques et entreprises du monde entier pour discuter du déploiement des outils d’évaluation des modèles d’IA. Cette initiative vise à créer une base de travail en vue du sommet français pour aboutir à des décisions fortes en février prochain de la même manière qu’une COP pour l’environnement. En espérant un résultat plus efficace que la COP 29 de Bakou…

Google, Meta, Microsoft, OpenAI et Nvidia au menu

En parallèle, Clara Chappaz a visité de nombreuses entreprises américaines et rencontré des acteurs français de la tech. Elle a ainsi échangé avec des responsables de Google, Meta, Microsoft, OpenAI, Nvidia, Anthropic ou encore Adobe, ainsi qu’avec les représentants d’une vingtaine de fonds majeurs, dont Sequoia Capital et Cathay Innovation, et des responsables politiques californiens, comme le sénateur Scott Wiener, pour discuter des enjeux autour de l’IA. Sur LinkedIn, la membre du gouvernement a souligné que «la puissance de la France est reconnue par tous grâce à nos deux atouts majeurs : nos talents et notre énergie décarbonée grâce au nucléaire». Ce n’est pas un hasard si de nombreux chercheurs français, passés par les grands laboratoires des Gafam, notamment le Fundamental AI Research (FAIR) de Meta et Google DeepMind, ont créé plusieurs pépites dans l’IA, à l’image de Mistral AI.

A l’issue de ses échanges avec ces entreprises américaines, Clara Chappaz a également assuré que «le consensus est clair» pour «créer un cadre pour renforcer la confiance», une condition sine qua non pour «faciliter l’adoption et donc le progrès». Cependant, cette vision se heurte à un impératif : «Il nous faut harmoniser et standardiser les règles.» Un vaste chantier qui sera donc à mener en février prochain lors du sommet français sur l’IA. A noter qu’Emmanuel Macron a invité Donald Trump, de retour à la Maison-Blanche en janvier prochain, et Elon Musk, partenaire de choc du président élu des États-Unis, à prendre part à l’événement.

Outre les entreprises américaines incontournables dans l’IA, Clara Chappaz s’est également rendue à l’université de Berkeley pour discuter avec des chercheurs effectuant des recherches sur les risques liés à l’IA, ainsi qu’au Stanford Institute for Human-Centered AI (HAI) pour aller à la rencontre de chercheurs qui étudient la gouvernance et la réglementation de l’IA dans le monde entier. Passage incontournable, le consulat général de France à San Francisco a permis à Clara Chappaz de rencontrer une centaine d’entrepreneurs de la tech et de célébrer le lancement du Club IA pour fédérer les talents tricolores du secteur dans la célèbre «Baie» californienne. «Nous comptons sur vous pour propager la French Touch de l’IA : une IA éthique durable et inclusive !», a écrit la secrétaire d’État sur LinkedIn.

Clara Chappaz veut ouvrir une «troisième voie» pour l'IA

Avec ce déplacement à San Francisco, Clara Chappaz est venue prendre le pouls de la tech américaine sur le sujet ô combien crucial de l’IA. Après avoir subi une débâcle dès la fin des années 1990 quand les géants du Web que sont Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft se sont définitivement imposés à l’échelle mondiale, la tech européenne devra vite se mettre en ordre de bataille pour éviter de revivre une destinée similaire.

Charge donc à la représentante du gouvernement français à ses homologues européens d’avoir l’approche la plus appropriée pour trouver le bon équilibre entre innovation et régulation. Clara Chappaz a encore deux gros mois devant elle pour affiner sa copie avant le sommet français sur l’IA. Pour rappel, la secrétaire d’État a présenté sa feuille de route il y a deux semaines pour ouvrir «une troisième voie de l'intelligence artificielle», qui rimerait avec éthique, frugalité et inclusivité.